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Le 30 mars 1998, au Blanc-Mesnil, en Seine-Saint-Denis, Janine, boulangère de 67 ans, était froidement assassinée, (semble-t-il) par 3 jeunes dont le procès a débuté le 13 mars aux assises de Bobigny. Ils sont accusés de "meurtre ayant pour objet de faciliter un vol par effraction et en réunion".
À dire vrai, ces citoyens présumés innocents ne sont pas si jeunes que cela. M. Djamel Belarbi a 27 ans, M. Sékou Coulibaly a 26 ans, et M. Saïd Hamla a 23 ans. Nous ne cherchons ici ni à savoir lequel a plus tué la boulangère que les autres, ni même à rentrer dans le détail criminel du procès.
C'est un détail commun de leurs tristes biographies qui nous préoccupe, car il relève de l'économie et de la sociologie, au sens vrai du terme.
Belarbi semble le plus coupable, ou le plus lourdement accusé. On a trouvé du sang sur ses baskets. Il est le seul encore détenu. Il déclare : "À l'école, on m'a viré, j'ai fait trois ans d'étude pour rien. J'ai jamais travaillé, après j'ai bu." Au moins, on ne pourra pas accuser l'islam (1) d'être responsable.
Coulibaly traîne avec les gens de la cité. Il a été "au lycée jusqu'en troisième".
Idem pour Hamla. Puis il enchaîne les métiers qui ne lui plaisent pas, métiers sans qualification : la manutention et le ménage.
Le point commun, avant qu'ils ne deviennent tous des délinquants récidivistes, c'est qu'ils ont accompli, entre 14 ans et 18 ans, des années d'études secondaires inutiles, absurdes, démoralisantes, au lieu d'apprendre un métier. Cette pratique porte un nom. C'est le collège unique.
Pendant des années le collège unique fut considéré comme une utopie communiste abandonnée avec la rupture de 1947 entre SFIO et communistes. Ce legs empoissonné des programmes communistes de la 4e république doit tout à la 5e république. Le ministre Boulloche instaure en effet par décret l'obligation scolaire jusqu'à 18 ans, en janvier 1959, la veille de l'investiture du gouvernement Debré.
Cette décision perverse, autoritaire et administrative a pris force de dogme depuis 40 ans. Ses conséquences ont été que la 5e république a mis en place le plan Langevin-Wallon proposé par le parti communiste depuis 1944. Ce plan avait été constamment rejeté par l'électorat qui, en 1958, avait porté au pouvoir le général De Gaulle. Il suffit d'ouvrir les yeux sur la France d'aujourd'hui, pour comprendre que l'application de ce plan aura été tout simplement criminogène.
Faut-il compter sur les politiques de droite, ou sur des réformateurs de gauche, pour abolir en France le Collège unique. Le chroniqueur économique n'a pas la réponse. Il peut cependant en douter.
En revanche une récente enquête SOFRES effectuée par questionnaire, auprès 2 117 jeunes enseignants, soit un échantillon très supérieur à ceux d'un sondage classique, fait apparaître les jugements suivants
Pour 73 % des jeunes enseignants français, accueillir tous les élèves dans le même collège est "un objectif irréaliste qu'il faut assouplir en proposant d'autres formations aux élèves en difficultés".
Pour 24 % des jeunes enseignants français, il s'agit d'un "objectif à maintenir, mais en améliorant les conditions d'enseignement".
Et enfin pour 1 % des jeunes enseignants français, il s'agit d'un " objectif positif qu'il faut renforcer en luttant contre les filières déguisées ". 1 % Un pour cent
Les jeunes enseignants français rejettent le slogan de la politique éducative des années 1980. Selon 71 % des sondés, prétendre conduire 80 % d'une classe d'âge au bac, c'est " surtout dévaloriser le baccalauréat et abaisser le niveau ".
Plus de 70 % des jeunes enseignants français rejettent donc le Collège unique.
Les gens de métiers
ont généralement raison contre les appareils syndicaux, contre
les technocrates, contre les dictatures idéologiques. Il est urgent que
la France leur donne à son tour officiellement, et concrètement,
gain de cause.