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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 20 MARS 2001
JG Malliarakis
LE CHARME DISCRET DU CONTRÔLE MUTUALISTEM. Jean-Pierre Davant président de la fédération des Mutuelles
On évoque, bien timidement, le centenaire de la loi de 1901, instaurant, ou plutôt restaurant, en France la liberté d'association. Cette liberté avait été abolie par la loi Le Chapelier de juin 1791. Pour corriger l'interdiction des divers aspects de la corporation, les régimes successifs du xixe siècle avaient permis qu'ils se reconstituent l'un après l'autre. Les sociétés de secours mutuel acquièrent un statut légal d'abord restrictif en 1850 puis en 1898, les syndicats en 1884, et enfin des associations en 1901.
Tout cela recouvre, en fait et en droit, des réalités très voisines. On notera par exemple que les Mutualités sociales agricoles départementales fonctionnent légalement à titre de syndicats, les Urssaf et bien d'autres structures à titre d'associations et la plupart des Caisses sociales monopolistes à titre de mutuelles. Un grand nombre d'entreprises clairement commerciales sont supposées cependant à but non lucratif et elles se trouvent "régies" comme elles le disent par le très mince Code la mutualité.
De la modestie de ce centenaire de 1901, on s'étonnera d'autant plus que la doctrine dominante serait que cette loi de 1901 s'avérerait si parfaite qu'il serait sacrilège d'y toucher.
En reconnaissant la liberté d'association, avec beaucoup de réticences, la IIIe République n'a pourtant pas franchi la totalité du gué. Le contexte laïciste sectaire et persécuteur de l'époque, celle du gouvernement Combes, l'amena, par exemple, à en prévoir une très forte restriction pour les congrégations enseignantes en 1904, pour les associations cultuelles en 1905, ne tolérant enfin la forme adoptée par les associations diocésaines, formant en France l'Église catholique, que par un arrêt du Conseil d'État suivi d'une Encyclique en 1924. L'État se réserve aussi le privilège de décréter administrativement la reconnaissance du caractère d'utilité publique des associations. Enfin l'État alimente de grasses et arbitraires subventions les associations qui lui conviennent.
L'un des principaux achoppements, dès cette époque, tant pour les mutuelles que pour les associations, est d'ordre patrimonial. C'est à ce titre que la fondation n'a toujours pas de véritable cadre légal en France. Compte tenu de l'impôt sur le revenu et des droits de succession on se trouve en présence d'une amoindrissant substantiel de la liberté d'association.
L'État veut bien que les citoyens s'associent, à condition que l'exercice de cette faculté demeure financièrement dérisoire. Ils peuvent déblatérer au café du Commerce, ils peuvent jouer à la pétanque, à condition que cela demeure gratuit, laïc et contrôlé.
L'État prétend donc contrôler les associations, et les mutuelles malgré l'importance économique de ces dernières. Le malheur est que ce contrôle, très rigoureux pour certains, demeure totalement laxiste pour d'autres, situés du bon côté de la barricade invisible dessinée par le sectarisme étatique.
Et cela soulève la question essentielle de l'étatisme : qui contrôle les contrôleurs ?
C'est avec une modestie de violette que l'on apprenait par exemple par le quotidien économique La Tribune (19 mars) la triste nouvelle que "la mutuelle de La Poste se trouve face à un grave déséquilibre". La CCMIP, Commission de contrôle des mutuelles et institutions de prévoyance a demandé à la Mutuelle Générale, anciennement intitulée Mutuelle Générale des PTT, de procéder à 7,4 milliards de francs de provisions sur la caisse autonome qui gère une garantie décès destinée aux agents et aux retraités de La Poste et de France Télécom. Le nombre de retraités de plus de 65 ans ayant travaillé dans ces deux entreprises a considérablement augmenté dès les années 1990. En contrepartie le nombre des agents qu'elles emploient a diminué. Le déséquilibre est tel que, pour l'exercice 1999, les 200 000 retraités couverts par cette garantie ont versé 12 millions de francs de cotisations mais ont perçu 180 millions de prestations. En l'absence de patrimoine mutualiste, en l'absence des actifs congruents imposés aux assureurs privés, ce trou de 168 millions, soit 93 %, aboutira, à une spoliation des cotisants actifs et ceci à très court terme.
Le contrôle d'État semble donc singulièrement défaillant, dès lors qu'il s'agit de protéger vraiment les contractants, sincèrement attirés sans doute par le caractère de mutuelle contrôlée de ce qui était autrefois la Mutuelle Générale des PTT, comme sans doute les donateurs de l'ARC étaient impressionnés par le caractère d'association d'utilité publique, presque officieux, de M. Crozemarie, escroc reconnu d'utilité publique, dont ils voyaient les messages à la télévision, contrôlée par le CSA.
Le contrôle des contrôleurs fonctionne très discrètement. Son opacité tranquille, à l'ombre de l'étatisme, paraît donc bien périlleuse pour l'avenir des libertés sociales.
JG Malliarakis