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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 23 MARS 2001

PAUVRES PAUVRES

Il y a toujours quelque chose de pire. Il y a, par exemple, quelque chose de pire que la pauvreté, c'est d'être un pauvre dans le regard condescendant des autres. Il y a quelque chose de pire que ces problèmes de fin de mois qui commencent le premier du mois ce sont les solutions de ces problèmes quand elles sont encadrées par les hommes de l'État. Ces remèdes annoncent toujours une perte de liberté et de dignité. Et il s'ensuit le déclin, inéluctable pour chaque pauvre, des bénéfices individuels de l'assistanat à mesure que progresse le coût collectif investi dans les structures d'assistanat. Cette dernière loi sociologique et économique a été mise en évidence dès la fin du xix siècle par Pareto.

Quant à la sollicitude politique pour les pauvres métaphoriques, pour les pauvres "électoraux", faut-il même en parler ? On pourrait croire que non, mais en fait l'arriération civique des Français a battu de tels records, hélas, que cette manœuvre récurrente doit, encore de nos jours, être examinée.

Retenons la leçon essentielle : de tout temps, c'est la gauche qui fabrique les pauvres. Et elle prétend les soigner. Elle en est incapable. Mais elle se révèle habile à culpabiliser l'opinion, et à le faire à son profit, en retournant les conséquences de ses propres erreurs contre la droite, réputée égoïstement engoncée dans les privilèges bourgeois.

Comme d'habitude c'est Le Monde (daté du 23 mars) qui lance la grosse artillerie : il y aurait en France "4 millions de pauvres". Ce nombre ne veut rien dire. Mais, affirme le grand quotidien du prêt-à-penser parisien, "les chiffres sont très fiables" (amen). Les chiffres exacts concerneraient 1,6 million de ménages, 4,2 millions de personnes, soit 7,3 % de la population dont 25 % parmi les "ménages dont la personne de référence est ressortissante du Maghreb" (ouf).

Le seuil de pauvreté est une notion essentiellement relative : dans un pays donné, quelle que soit la région de ce pays, est considérée comme pauvre une personne ou un ménage dont le revenu est inférieur de plus de 50 % au revenu médian de la population nationale. Les disparités régionales de revenu, cela n'existe pas. Et si par malheur le revenu global de la population augmente de 20 %, mais au-dessous de la ligne médiane s'il n'augmente que de 10 %, la pauvreté augmente, puisqu'elle est une donnée relative. En revanche si le pays s'appauvrit de 30 %, mais que la population la plus pauvre ne diminue son revenu que de 15 % le nombre de pauvres diminue fortement. Mathématiquement, en effet, c'est très fiable. Et l'Insee, disposant de statistiques fiscales, est encore plus fiable.

Depuis 1997, pour un certain nombre de raisons, le nombre de chômeurs a diminué de 1 million. En soi, on pourrait prendre cela pour une bonne nouvelle. Hélas, le nombre statistique de pauvres n'a pas diminué. La plus grande diminution historique correspond en gros au septennat de M. Giscard d'Estaing. On ne peut pas dire que l'électorat lui en ait été reconnaissant.

On aurait pu se dispenser d'attendre les révélations du Monde daté du 23 mars. Dès le 20 mars, L'Humanité avait une explication sociologique aux déboires électoraux de la gauche plurielle :"à plusieurs reprises, la sonnette d'alarme a été tirée, notamment par les communistes, premières victimes de ce décalage. Le PCF a été à l'initiative d'un sommet sur l'emploi, à la manœuvre pour la baisse du prix de l'essence, pour l'augmentation des salaires et des minima sociaux." Et le 22 mars l'éditorial du vieux cégétiste Sylvestre évoquait le "troisième tour social" :"outre les critiques fortes formulées par les communistes et pas seulement par eux, ose-t-il écrire, des voix se font entendre jusque dans la direction socialiste qui souhaite une inflexion salariale".

Il était logique que, dans l'après-midi, on retrouve des chiffres très fiables dans Le Monde, venant à l'appui de l'éditorial de L'Humanité du matin. Et Le Monde fait semblant de s'étonner que "Lionel Jospin n'envisage pas de coup de barre à gauche". Visiblement la rédaction du Monde tient M. Jospin pour une sorte d'ultra libéral plus désireux de voir reculer le chômage que de faire évaluer le taux de pauvreté. Mais heureusement :"Plusieurs syndicats soulignent l'urgence d'une augmentation des salaires". Plusieurs syndicats ? Il s'agit, certes, évidemment de groupes comme SUD. Mais au premier rang figure, inévitablement, la CGT représentée par la non moins inévitable camarade Maryse Dumas responsable de l'action revendicative…

Une bonne grève des fonctionnaires, et on aura oublié le désaveu infligé au socialisme étatiste. Nous sommes même prêts à parier que des sondages — extrêmement fiables bien entendu — viendront confirmer l'immense popularité des futures grèves. Au nom des pauvres.

• JG Malliarakis
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