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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 29 MARS 2001

POURQUOI LES TRAINS BELGES DÉRAILLENT

Luttre 1974 ... Précot 2001...

Le 27 mars à 8 h 45, à Pécrot, au sud-est de Bruxelles, une collision entre deux trains de voyageurs, a fait au moins huit morts et neuf blessés. Afin de rassurer le public, la SNCB, Société nationale des chemins de fer belges déclarait immédiatement que cet horrible accident était vraisemblablement dû à une erreur humaine. Le conducteur n'a pas respecté un feu rouge et a percuté un autre convoi. Dans son dossier Le Soir de Bruxelles (28 mars) rappelait les drames récents survenus dans les transports en commun du Royaume : sans faire totalement sienne la thèse de " la défaillance humaine, cause habituelle ", le grand quotidien belge examine deux affaires analogues, et notamment un accident moins dramatique (21 blessés la plupart légers) survenu à Liège. Au mois d'août dernier, le conducteur d'un omnibus qui entamait sa descente vers la gare de Liège-Guillemins négligea, pour on ne sait quelle raison, le feu rouge planté sur le ballast… En apparence il ne s'agit que d'une défaillance humaine, et pourtant on peut encore s'interroger. Car la Société nationale des chemins de fer belges planche actuellement sur un système perfectionné qui permettrait de détecter et d'éviter les erreurs humaines, mais ce système ne sera d'application que sur les lignes les plus fréquentées.

Non seulement ce n'était pas le cas à Pécrot, mais cette ligne n° 139 Louvain-Ottignies, par endroits réduite à une voie, est un parent pauvre du système belge public de chemin de fer.

Comment : vous venez de dire "public" ? Un accident, et "des parents pauvres", dans un chemin de fer "public" ! Voilà qui change tout. Ne parlons plus de ce regrettable accident. N'en parlons que superficiellement, pour laisser entendre que "cela n'arrive pas en France", où nous avons "le meilleur système du monde", et où nous sommes si peu chauvins, si peu arrogants, surtout vis-à-vis des Belges qui ont le malheur d'être francophones. Et il est de fait que les médiats français lui accorderont beaucoup moins d'importance qu'à un accident de chemin de fer survenu en Angleterre, où les chemins de fer ont été privatisés, ce qui est la cause immédiate des accidents de chemin de fer. S'agissant d'un chemin de fer privatisé anglais, il n'y a aucun mystère. Margaret Thatcher a quitté le 10 Downing street depuis plus de 10 ans, mais elle continue de faire dérailler les trains. On ne s'interrogera même pas sur la vétusté du système laissé en place par les British Railways publics en déconfiture. L'héritage véreux laissé par le prédécesseur ne saurait être légitimement invoqué que par des socialistes héritant de la droite et des très méchants ultra libéraux. Il est vrai que le socialisme laisse en général derrière lui si peu d'héritage sinon ses dettes, sa lèpre, sa misère et ses galères.

Si l'explication des accidents britanniques est lumineuse, celle des accidents belges demeure mystérieuse. Ce n'est quand même pas en vain que la Belgique est la patrie d'Hercule Poirot. Le Soir de Bruxelles va même jusqu'à parler, plus d'un quart dsiècle après les faits du "mystère de Luttre" survenu le 15 août 1974. Ce jour-là, 13 voyageurs furent tués sur place, 5 autres décéderont à l'hôpital, et 69 personnes ont été blessées à des degrés divers. Le jeune conducteur du train, âgé de 23 ans, travaillant sur la ligne depuis 18 mois est d'emblée mis hors cause. Très précisément, les experts désignés par le parquet de Charleroi vont déposer un rapport accablant pour la SNCB. Car l'état de la voie ne garantissait plus depuis plusieurs mois, selon eux, la sécurité des convois circulant à 120 km/h à cet endroit. Cet avis fut corroboré par un rapport du chef de gare de Luttre qui, 8 mois plus tôt, avait dénoncé les mêmes défaillances et prédit une prochaine catastrophe à défaut de mesures urgentes. 6 agents de la SNCB, des cadres investis de hautes responsabilités, seront ainsi inculpés. Ceci n'empêchera pas la société nationale des chemins de fer belges de leur maintenir sa confiance et même de faire bénéficier 2 d'entre eux d'une promotion avant la fin de l'enquête.

Faut-il dans ces conditions parler, 27 ans plus tard, de "mystère" ? Nous en voudrait-on si nous osions suggérer que, peut-être, un système bureaucratique d'État, dans n'importe quel pays provoque plus de nuisances qu'un système privé géré selon des règles de responsabilité personnelle ?

Eh bien nous osons. J'ose. Mais je serais bon prince et je suggérerais aussi à nos amis belges de considérer l'exemple des chemins de fer français. Ils ne déraillaient pas en ce 29 mars. Ils rouillaient. Ils étaient en grève, une fois de plus. C'est beaucoup plus sûr. On ne dira jamais assez combien les accidents d'avions, de chemin de fer, d'automobiles, tous ces naufrages sont une fonction directe de la circulation de tous ces véhicules, aéronefs, bateaux, wagons, et que le nombre d'accidentés se réduit dès lors que diminue celui des voyageurs. Sur ce point, la SNCF donne l'exemple. Cocorico.

• JG Malliarakis
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