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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 2 AVRIL 2001

LES BEAUX RÉSULTATS DE LA CAISSE DES DÉPÔTS

Le résultat positif des comptes publiés par la Caisse des dépôts et consignations pour l'exercice 2000 est une fois de plus concélébré comme s'il s'agissait d'une victoire de l'équipe de France de rugby par la presse de droite comme par celle de gauche. Ainsi le Figaro économique (30 mars) y voyait, sans l'ombre d'une critique, "l'autre cagnotte de Bercy".

Décrire le groupe de la Caisse des dépôts c'est décrire ce que l'on appelait autrefois le plus grand capitaliste du monde. Créée en 1816, la Caisse est un établissement public assurant, à l'en croire, un certain nombre de missions qualifiées "d'intérêt général pour le compte des pouvoirs publics." Légalement, son statut est demeuré invariant alors que son périmètre d'intervention s'est multiplié par 100 ou 200, par rapport à sa définition juridique. La seule direction des fonds d'épargne gère, aujourd'hui, des fonds dont le montant total dépasse 1 200 milliards de francs.

Il existe, bien évidemment, un "groupe CDC" qui se trouve articulé autour de la Caisse des dépôts. Ses activités sont innombrables, et elles s'immiscent de façon incroyable dans des fonctions qui, partout ailleurs dans le monde civilisé, relèvent du secteur privé. La Caisse des dépôts est un étrange banquier qui ne dispose pas de réseau propre. Mais, en définitive, tout se passe comme si la Caisse des dépôts sous-traitait au travers de réseaux partenaires dont les principaux sont tout simplement ceux du Trésor Public, de la Poste et les Caisses d'Épargne, les fonds détenus par les notaires au titre des missions de séquestre, cautionnements, acomptes sur promesses de vente, successions ou litiges n'apparaissant que pour mémoire.

Quand on parle des résultats de la Caisse des dépôts il faut bien comprendre par conséquent que les frais normaux d'une structure financière sont ici supportés par les collecteurs de fonds. Les caisses d'épargne, les chèques postaux, le trésor font le gros du travail, dans des locaux administratifs bien placés dans toutes les grandes villes, et même dans les campagnes. Cet argent (682 milliards de francs pour les seuls livrets A défiscalisés, 261 milliards pour les seuls livrets d'épargne populaire, 154 milliards pour l'épargne logement, etc.) est prêté à la caisse à des taux fixés par l'administration. La caisse refinance alors les opérations de ce que l'on appelle le logement social, c'est-à-dire les très belles opérations des offices publics de HLM. Et celles-ci polluent en général autant le paysage de nos villes, qu'elles assombrissent, en particulier, les perspectives de la prochaine campagne présidentielle. Ces opérations de refinancement sont, à leur tour, rémunérées à des taux non moins administrés. Que signifie alors économiquement le résultat comptable ainsi obtenu sinon que les braves gens qui déposent, encore, leurs petites épargnes et leurs liquidités dans des réseaux quasi bancaires sous-traitants de la Caisse des dépôts sont de bien braves gens : ils chargent au profit de l'économie mixte comme les lanciers français à la bataille de Reichshoffen.

Si l'on regarde maintenant les chiffres, il n'y a pas de quoi pavoiser. Un bénéfice de 12,6 milliards de francs sur lesquels la Caisse reverse un impôt de 5,1 milliards, en baisse par rapport au précédent (5,6 pour l'exercice 1999). Le versement dit "représentatif du dividende" reste stable aux alentours de 4,2 milliards. Le prélèvement (arbitraire) que l'État opère sur la gestion des fonds d'épargne était de 15,7 milliards en 1999. Il rétrograde à 11,8 milliards en 2000. Au total 21,1 milliards contre 25,5… Le déclin de ce que la Caisse reverse à son actionnaire l'État est d'autant plus surprenant que la conjoncture de l'année 2000 était notoirement meilleure que celle de 1999. Qu'en sera-t-il avec les incertitudes de la conjoncture mondiale en 2001 ?

Eu égard à l'immensité des capitaux dont elle a la garde, la rentabilité de la Caisse des dépôts pour le trésor public est essentiellement fictive. Son utilité véritable est bien révélatrice de l'hypocrisie de notre "économie mixte". Car il s'agit d'échapper aux lourdeurs de la tutelle administrative et du contrôle interne de l'État. Les vrais maîtres de nos Finances publiques savent au fond, et mieux que quiconque, comment et pourquoi leur système est pervers.

Il serait bon de prendre conscience que cette économie accaparée est terriblement nuisible aussi bien à notre système bancaire qu'à l'économie productive privée.

Son résultat tangible s'inscrit depuis 50 ans dans le paysage urbain. Moins visible, mais aussi pernicieuse est son incidence sur le paysage social. Il n'y aura guère de perspectives d'alternative de liberté en France tant que cette hypothèque de l'économie mixte ne sera pas levée.

JG Malliarakis

© L'Insolent

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