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Il y a au moins une chose de sympathique dans la mobilisation pour le maintien en France des magasins "Marks and Spencer". C'est de voir des pancartes prouvant la popularité de ce distributeur britannique en France, en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas, au Luxembourg, au Portugal et en Espagne. Le gouvernement socialo-communiste français lui demande de continuer à ouvrir ses 18 magasins en France et les syndicats européens désirent voir cette multinationale persister à exploiter ses 4 400 salariés en Europe occidentale.
Quelle merveilleuse progression de l'amitié entre les peuples. Quelle merveilleuse réhabilitation de la Perfide Albion : reviens, lui crient-ils, tout est pardonné.
Quant à nous, sans pour autant nous prononcer pour ou contre cette nostalgie rapide pour la présence de la vieille Angleterre et de ses produits dans les locaux parisiens de l'ancien Comptoir Commercial du Caoutchouc car après tout les trains Eurostar roulent même en cas de grève de notre chère SNCF et sans avoir été sollicité par la direction générale de Marks and Spencer, nous serions plutôt portés à lui conseiller de maintenir le cap des licenciements.
Les bons esprits nous parlent en effet de "multiplication des dégraissages malgré la croissance".
Nous pensons au contraire que la liberté de licenciement est précisément une des conditions de la croissance et du retour à l'emploi dans une économie libre.
Avoir été condamnées par le Premier ministre M. Lionel Jospin en raison de ce qu'il ose appeler leur "brutalité", les restructurations chez Danone et Marks & Spencer n'en font que des décisions plus courageuses, plus salutaires et plus favorables, en dernière analyse, aux salariés eux-mêmes dont l'intérêt n'est pas séparable de celui de la libre entreprise.
Et chacun doit savoir aussi que pour assurer le maintien de leur propre croissance et celle de la prospérité dans notre pays, d'autres entreprises françaises vont procéder à des licenciements dans les mois à venir.
Ceci permettra d'abord de réaffecter d'autres ressources à des emplois plus rentables et plus performants.
Mais également, selon la manière dont seront vécus ces licenciements on pourra, ou non, espérer une reprise de l'emploi. On pourra voir se développer une embauche supérieure en quantité au nombre de personnes licenciées. Ou bien, on rencontrera, au contraire, une méfiance accrue chez les investisseurs internationaux, y compris parmi les grandes entreprises françaises. Ceci les incitera, ou les dissuadera de développer les offres d'emploi dans l'Hexagone.
Les 7 000 salariés du pôle aérien AOM, Air Liberté, Air Littoral sont ainsi évidemment en surnombre. Ce 2 avril, le groupe Swissair a décidé de cesser de combler les pertes d'Air Littoral. Le 25 avril, il doit décider de l'avenir des 2 autres compagnies aériennes françaises qu'il contrôle, et qu'il porte à bout de bras du fait de l'incapacité de la France de laisser se développer une offre concurrente à celle d'Air France.
Dans le secteur automobile, un millier de personnes ont défilé dans le Calvados et dans le Lot, contre la possible fermeture de deux usines de Syléa, filiale de l'équipementier Valéo. 600 emplois sont en surnombre sur les sites de Vire et de Cahors. La crainte est entretenue par la CGT qui s'oppose au recentrage de Valéo, susceptible de remettre en cause la promesse de M. André Navarri, alors PDG et qui a été débarqué le mois dernier après qu'il se soit engagé personnellement à ne pas fermer d'usines dans l'Hexagone.
Dans l'Eure, c'est l'usine de l'américain Delphi (275 salariés) qui, après avoir déjà perdu les deux tiers de ses effectifs en deux ans, va mettre la clé sous la porte, du fait d'une restructuration supprimant 11 500 postes dans le monde.
Dans les télécommunications, anticipant une baisse des ventes de téléphones portables cette année, le Français Alcatel et le Néerlandais Philips ont déjà recours au chômage technique dans leurs usines de Laval et du Mans, tandis que Sagem va supprimer sa ligne de production de Sablé-sur-Sarthe.
L'informaticien subventionné, appartenant à l'État français, l'éternel perdant Bull va poursuivre cette année la suppression de 1 800 postes, annoncée à la fin de l'année 2000.
Le grand groupe pharmaceutique franco-allemand Aventis doit fermer son site lyonnais de La Dargoire (800 salariés) et les syndicats craignent des réductions d'effectifs sur d'autres sites. Dans l'électroménager, la fusion Moulinex-Brandt devrait déboucher sur la suppression de 2 200 postes (La Tribune 2 avril).
Tous ces dégraissages n'auront que des effets positifs si les prévisions de croissance de 2,9 % cette année sont vérifiées. Rappelons que le chômage est tombé en mars à 8,8 % de la population active, son plus bas niveau depuis septembre 1990.
À juste titre, Mme Nicole Notat secrétaire générale de la CFDT suggère certes que les grandes entreprises n'aient pas seulement "l'il rivé sur la valorisation boursière", mais elle souligne aussi qu'il ne faut pas donner "des illusions aux gens et penser qu'au motif qu'une entreprise est en bonne santé, elle pourrait s'exonérer de toute modification".
De telles illusions, ce sont les politiques qui cherchent à les entretenir. Ainsi Mme Odile Saugues députée élue sous étiquette PS et auteur nominal du fameux "amendement Michelin" (obligeant les entreprises à négocier une réduction du temps de travail avant tout plan social) regrette que de tels plans soient "en train de devenir un mode de gestion de l'entreprise". De plus en plus, déplore-t-elle, les salariés sont considérés "comme des variables d'ajustement".
Mais en fait, pour Mme Saugues comme pour la CGT, ce qui compte ce n'est pas l'intérêt des salariés, c'est le développement des illusions et la survie de l'utopie.
Oui, en effet, dans une économie de liberté et de compétition, la masse salariale est une variable d'ajustement, parmi d'autres, et c'est ce raisonnement qui a permis la prospérité des économies occidentales et le progrès du niveau de vie général de la population et celle des salariés en particulier.
Le blocage systématique de toute possibilité de licencier, autrement dit l'emploi à vie, l'emploi fonctionnarisé est, au contraire, un des moyens les plus sûrs d'accélérer le déclin de l'industrie et le progrès de la misère.