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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 10 AVRIL 2001

LOIS SOCIALES ET LOIS ÉCONOMIQUES

La condamnation de Marks and Spencer par le Tribunal de grande instance de Paris est très certainement conforme à l'esprit de la réglementation française. Voici donc une direction générale londonienne contrainte, ou plus précisément enjointe par les autorités françaises de suspendre juridiquement son programme de fermeture des 18 magasins français de la chaîne.

La première remarque qui vient à l'esprit est cependant la suivante : les magasins Marks and Spencer perdaient de l'argent. Le groupe Danone, lui, se porte plutôt bien. Dans le même temps la gesticulation politique du parti gouvernemental français se propose de "trouver les moyens législatifs de rendre plus coûteux les plans sociaux des entreprises qui font des bénéfices" (communiqué du parti socialiste du 9 avril). Or, il semblerait bien que Danone, en fermant certaines de ses usines échappe aux foudres de la justice. Ce n'est pas du chauvinisme français. Ce n'est pas le fait que le groupe Danone a toujours été lié à la gauche. C'est tout simplement le fait que la réglementation sociale française est une des plus protectrices du monde. Elle l'est à un point tel que des investisseurs étrangers s'y trouvent comme pris au piège. Ils 'établissent en France sans avoir toujours conscience qu'il s'agit d'un pays où les normes juridiques vont au rebours des lois économiques et de l'intérêt véritable des salariés du privé que les fonctionnaires prétendent à surprotéger.

Cette surprotection est totalement illusoire pour les salariés de Marks and Spencer : les magasins fermeront puisque la maison mère en a décidé ainsi sur toute l'Europe et que les marchés financiers ont salué cette courageuse et chirurgicale décision. On peut même dire, sans forcer le trait, que la meilleure chance des salariés de Marks and Spencer est que leur entreprise ne soit pas pénalisée de manière trop exemplaire de manière à ne pas décourager un repreneur chilien, suédois, turc, ou, pourquoi pas, français, de reprendre l'exploitation de magasins analogues sous une autre enseigne.

Ce que la CGT et tous ses petits concurrents souhaitent voir s'établir c'est cependant une législation encore plus contraignante. Que cela se fasse avec l'appui du parti gouvernemental socialiste est particulièrement consternant. Cela prouve que ces socialistes français n'ont pas encore intériorisé ce que la sociale démocratie allemande a voté dès son fameux congrès de Bad Godesberg (1959), suivie en cela 30 ans plus tard par les travaillistes anglais avec le New Labour de Tony Blair (1996). Il est vrai que la droite française (la droite qui cherche à se regrouper derrière M. Juppé) est, elle aussi, plus socialiste que MM. Blair et Schroeder réunis. Elle est même nettement plus étatiste que les anciens communistes italiens du Parti démocratique sinistre. Ce n'est donc pas une question politique au sens passionnel, culturel et partisan du mot. C'est une question économique.

Le tribunal de grande instance de Paris, et même la cour d'Appel, et même la cour de Cassation, sont-elles des instances effectivement compétentes en matière économique ? Au plan de la procédure, c'est probablement le cas. Ces affaires relèvent de leur compétence, au sens strictement juridique du mot. L'incompétente Guigou est venue à la barre ce 9 avril, s'appuyant sur le rapport de l'inspectrice du travail du 9arrondissement, Mme Steinberg. On se prépare à des poursuites pénales " tant sur les conditions d'annonce du projet de restructuration que sur le fonctionnement des instances représentatives du personnel au cours des derniers mois ". Et M. Patrick Brody, secrétaire général du Sycopa, Syndicat du commerce de Paris, voit dans tout cela une grande victoire morale.

Quand on a pratiqué les sports collectifs au PUC, où les victoires morales étaient à peu près aussi nombreuses que les défaites au tableau d'affichage, on sait se méfier de ce genre de succès.

Mme Guigou n'a créé aucun emploi, ni comme ministre de justice, ni comme ministre de la sécurité sociale. Tout au plus a-t-elle su conserver son emploi de ministre en recevant la fessée méritée que lui a infligée le suffrage universel en Avignon le 11 mars. Aucune loi sociale ne tient face aux lois économiques. Les prétendues normes juridiques de droit interne appliquées aux relations sociales pénalisent le pays qui les impose trop lourdement. Aucun investisseur n'échappe à la compétition transnationale, y compris, bien entendu, les investisseurs français. Que Danone sache un peu mieux se débrouiller avec la réglementation française prouve qu'il en connaît la nuisance. Et d'ailleurs sa réponse immédiate au président de la région Île de France M. Huchon a été de renoncer à son implantation à Palaiseau. "Trop de protection tue la protection"…

JG Malliarakis
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