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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 11 AVRIL 2001

DU MONOPOLE AIR FRANCE ET DE SA DIFFICILE SOUS-TRAITANCE

Face au plan de sauvegarde d'AOM Air Liberté on se prend, une fois de plus, à déplorer les difficultés éprouvées par la France dès qu'il s'agit de sortir de sa culture du monopole…

La première chose que retient le grand public c'est en effet, après des mois d'incertitude, l'avenir des salariés. Les deux compagnies aériennes françaises AOM et Air Liberté procéderont à des centaines de suppressions d'emploi. D'autres constateront que la direction générale envisage une réduction d'activité de 25 %. Ceci est présenté par les médiats comme "un remède de cheval pour éviter la faillite".

Conformément à la réglementation française, le plan a été présenté par le président des compagnies Marc Rochet lors d'un comité d'entreprise marathon qui s'est tenue le 9 mars. Ce plan, nous dit-on en est encore au stade de projet et il devra être approuvé par le personnel. La procédure, socialement régulière, a été lourdement soulignée le 10 mars par la direction des deux compagnies. Car AOM et Air Liberté, toutes deux contrôlées par le groupe Swissair ont réalisé leur fusion commerciale sous la bannière unique d'Air Liberté depuis le 25 mars.

L'activité serait alors réduite de 25 %. AOM et Air Liberté abandonneront 20 000 des 75 000 créneaux horaires qu'elles détiennent à Orly. Ces créneaux sont considérés comme d'autant plus précieux à Orly qu'ils sont plafonnés à 250 000. La flotte sera ramenée à 10 appareils DC10 et 19 ou à 20 appareils MD 83, destinés à desservir certes essentiellement des lignes régulières mais aussi à effectuer du charter et de l'affrètement commercial.

Le point fort est donc que la volonté initiale, — qui était de concurrencer Air France sur le marché du transport intérieur français — vole pratiquement en éclat.

La nouvelle compagnie ainsi restructurée envisagerait de concentrer son offre sur les trajets qui ne sont ni occupés par la compagnie aérienne quasi monopoliste Air France appartenant encore à l'État, ni desservis par le Train à Grande Vitesse du transport étatique SNCF.

Pour les défenseurs du système quasi monopoliste étatisé c'est une manière de victoire puisqu'ils vont pouvoir dire :

1. que les suppressions d'emplois liées à ce plan s'évaluent 1 000 et 1 500. Ce chiffre est avancé par les syndicalistes. Il n'a pas été encore confirmé par M. Rochet, directeur général d'Air Liberté, qui reconnaît que des réductions d'effectifs seront nécessaires mais espère pouvoir reclasser les salariés concernés.

2. qu'en regard, le groupe Air France doit recruter près de 4 000 personnes cette année.M. Rochet lui-même l'a rappelé dans un entretien sur les ondes de BFM. "La priorité […] qui consiste à trouver un emploi pour tous chez nous ou peut-être à côté de chez nous est un objectif raisonnable et qu'il faut absolument atteindre" (10 avril).

Voilà pour le raisonnement en termes "d'emplois". En apparence le monopole étatiste "crée" des emplois dans les structures qu'il contrôle. Ce que l'on s'abstient en général de commenter, et encore plus d'évaluer, c'est le coût de ces emplois pour l'économie nationale. Ce coût, financé par l'impôt ou par le racket monopoliste, est en général destructeur de 2 ou 3 fois plus d'investissements productifs générateurs d'emplois.

Le monopole "crée" des emplois parce qu'il détruit des ressources.

La stratégie d'Air Liberté est parfaitement compréhensible du point de vue financier : elle considère avoir plus à gagner en laissant le monopole historique exploiter des liaisons où il demeure dominant et à développer une offre probablement aussi nécessaire ailleurs. Car contrairement à une idée très répandue, le "service public" ne dessert que ce qui l'arrange, gardant quelques rares fausses activités "d'intérêt général" en vitrine. Ici ce sont des liaisons dites d'aménagement du territoire, extrêmement peu nombreuses, très coûteuses pour la collectivité, et ordinairement liées à quelques pressions politiques.

Ceux qui voudraient à tout prix imposer telle forme de concurrence plutôt que telle autre n'y retrouveront pas leur compte. Il n'y a aura pas "deux" compagnies Air France dans un avenir immédiatement prévisible, pas plus qu'il n'y aura "deux" SNCF. Les compagnies privées vont donc revenir à l'ancienne situation où le monopole national sous traitait au privé une partie des liaisons intérieures, avec des soutiens d'origines souvent locales, venant par exemple des chambres de commerce. Si peu satisfaisante que soit cette évolution on rappellera aussi que le groupe Swissair va devoir "investir" dans son "plan social" quelque 1,4 milliard. Cette énorme pénalité improductive risque d'être encore plus dissuasif pour le développement futur de la concurrence en France.

Quand M. Rochet déclare que "sur cette base, il faudra convaincre de nouveaux actionnaires de venir nous rejoindre", il envisage manifestement le renoncement prochain de l'actionnaire opérationnel, le suisse SAirGroup, holding de Swissair, lequel détient actuellement 49,5 % des compagnies.

L'actionnaire majoritaire, Taitbout Antibes, se trouve détenu par le groupe français Marine-Wendel appartenant à Ernest-Antoine Seillière. Il a fait clairement savoir qu'il n'était pas désireux de prendre ce nouveau risque.

Le voyageur français y perdra beaucoup de temps et d'argent.

JG Malliarakis
© L'Insolent ...

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