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BULLETIN EN TOUTE LIBERTÉ

JEUDI 12 AVRIL 2001

LE BOYCOTT DE DANONE EST STUPIDE MAIS IL N'EST PAS INNOCENT

Que le mot d'ordre de boycott des produits Danone soit stupide c'est une évidence. C'est la conclusion de l'éditorial de Serge July dans Libération (11 avril). Cependant le quotidien pro gouvernemental en fait son dossier central développant toutes les raisons qui plaident en faveur de cette campagne et donnant la parole à des vedettes. On ne s'étonnera pas d'y voir, au premier rang le Mouvement Attac.

Que signifie le mouvement de boycottage, demande le journal à un porte parole d'Attac ? Les éléments de réponse sont fournis par M. Dominique Plihon, professeur d'économie (!) et membre du conseil scientifique de l'organisation. Selon ce personnage, l'opinion serait en train de suivre le boycottage, ce que nous ne croyons guère, mais il est vrai qu'on entend des badauds parler comme si un grand mouvement social était en train de naître. "L'opinion vote, dit-il, aussi avec ses pieds. Les actionnaires le font bien quand ils vendent leurs actions, et on s'en émeut moins. On est dans une société de parties prenantes, entre actionnaires, salariés, consommateurs. Un lien s'esquisse entre les deux derniers. Le boycott devient une arme formidable. Il frappe là où ça fait mal : l'image et, par ricochet, le cours de l'action." Le décalage entre ce discours irréel et les faits réels saute aux yeux. Au moment où ces propos étaient tenus le cours de l'action Danone gagnait 1,62 % pendant la séance du 10 avril après avoir grimpé de 1,57 % la veille. À 137,7 euros le titre Danone a un ratio PE de capitalisation des bénéfices de 21,15 et le titre a encore d'importantes possibilités de gains. Ce professeur d'économie devrait savoir que si le cours de l'action d'une société comme Danone baisse c'est probablement le moment de l'acheter. Il est vrai, d'autre part, que les annonces de licenciements se traduisent en général plutôt par des hausses boursières…

Libé pose ingénument la question : "Ce mouvement s'inscrit-il dans la suite logique du réveil citoyen de Seattle ?" Et on lui répond doctement : "Plus que jamais, les usagers-citoyens veulent faire entendre leur voix et participer aux rapports de force. En se mobilisant, ils ont le sentiment qu'ils peuvent infléchir les choses, questionner des firmes toutes-puissantes ou pousser les gouvernements. Attac a joué un rôle de catalyseur et de réveil des pouvoirs publics."

Lénine appelait ce genre de gens des utiles idiots. Ils sont hélas légion et l'expérience du XX siècle ne les a pas découragés.

Le mot d'ordre de boycott des produits du groupe Danone est parti de la section CGT des usines Lu à Calais et du maire de cette ville réélu le 18 mars sous les couleurs du parti communiste français. Il est relayé au plan national par M. Robert Hue et par des gens aussi habituellement convaincants que M. Alain Krivine, qui siège depuis 1999 au parlement européen. Le rôle de "catalyseur et de réveil des pouvoirs publics" que s'attribue imperturbablement le Mouvement Attac doit être apprécié en fonction de cette alchimie.

L'Humanité (11 avril) présente ainsi, à ses rares lecteurs et dans sa jolie langue de bois, les "5 axes de bataille du PCF"

1 Interpellation du gouvernement pour que soient publiés les décrets d'application de la loi dite loi Hue, votée le 4 janvier 2001, sur le contrôle des fonds publics. Elle pourrait ainsi s'appliquer au cas concret de Marks and Spencer qui a bénéficié d'exonération de charges et de remises d'impôts.

2 Le groupe communiste à l'Assemblée nationale demande l'introduction dans la loi de modernisation sociale, d'un amendement qui donne au ministre du Travail le pouvoir de suspendre par arrêté un plan de licenciement collectif présenté par une entreprise. Demande d'un moratoire sur tous les plans de licenciement afin que soit réexaminée de fond en comble la recherche de solutions favorables à l'activité et à l'emploi.

3 Demande qu'une loi soit votée qui interdise tout licenciement économique, collectif, aux entreprises qui font des bénéfices.

4Les élus communistes de Paris vont demander à Bertrand Delanoë de faire adopter par le Conseil municipal de Paris, un vœu qui exige du gouvernement la mise en œuvre des précédentes propositions législatives. Sollicitation de tous les conseils municipaux de France pour faire de même. Délégation d'élus communistes de Paris auprès du maire de Londres pour le convaincre que son conseil municipal agisse auprès du gouvernement britannique.

5 Le groupe parlementaire européen GUE-NGL demande la création au sein de la commission des Affaires sociales d'une nouvelle instance permanente chargée du suivi des stratégies des grands groupes en Europe. Cette structure étant ouverte aux organisations syndicales, aux comités d'entreprise, aux organisations de consommateurs, aux élus.

Dans leur communiqué du 6 avril les ouvriers et employés affiliés à la Fédération générale de l'alimentation CFDT avaient au contraire déclaré que "le boycott des produits Danone est irresponsable. Il est une menace supplémentaire pour l'emploi."

Les effets d'un boycott des produits Danone entraîneraient, à très court terme, l'augmentation du nombre d'emplois menacés dans la restructuration Danone. Il fragiliserait encore un peu plus la filière biscuit, et également le développement des autres filières (eau, produit frais…) qui pourraient de ce fait se voir elles aussi menacées de restructuration.

Le boycott est le plus mauvais service que l'on puisse rendre aux salariés Lu-Danone et les conduirait tout droit vers la perspective du chômage. La CFDT s'étonne et s'inquiète que des personnalités politiques et publiques puissent soutenir et défendre ce boycott.

La détresse des salariés menacés dans leur emploi est justifiée. Elle ne peut être utilisée à des fins politiques ou syndicales dans des actions qui menacent encore plus l'emploi. Notre organisation défend l'intérêt des salariés pour qu'ils puissent continuer à travailler, elle revendique : zéro chômeur.

Le groupe Danone a cette responsabilité d'y accéder sur la base des conventions internationales conclues qui ont prévalu jusqu'à ce jour dans la gestion des problèmes sociaux liés à l'évolution du groupe. Pour la CFDT, ce qui prévaut chez Danone, serait le bienvenu dans d'autres groupes transnationaux qui n'hésitent pas plus que Danone à restructurer, sans que l'opinion publique réagisse.

Ceux qui préconisent et organisent le boycott portent une grande responsabilité dans la fragilisation de l'emploi. La CFDT demande une rencontre aux autorités et services concernés afin d'orienter la situation vers des solutions constructives dans l'intérêt des salariés.

Ceci n'est à vrai dire que le commentaire officiel de la FGA-CFDT.

Le commentaire officieux de la CFDT, à propos des communistes, est plus lapidaire : "Ils se sont pris une veste aux municipales, avec le boycott, ils se trouvent un combat pour pas cher."