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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 13 AVRIL 2001

AUTOPSIE D'UNE GRÈVE

Pratiquement la grève des chemins de fer commencée le 29 mars, afin de faire pression sur une réunion qui devait avoir lieu la semaine suivante aura duré jusqu'au 14 avril. Elle aurait dû se terminer le 30 mars au soir. Le public en a été réduit à constater le blocage de nombreux transports régionaux et des réseaux nationaux, et en partie des RER en Île de France et des TGV. Cette grève, pourtant partielle de bout en bout (35 % de grévistes au plus fort du conflit, entre 10 % et 15 % à la fin) s'est prolongée au-delà du raisonnable sous al pression des rivalités syndicales

La grande grève des chemins de fer et des transports urbains de 1995 avait coûté à l'entreprise, en pertes directes, environ 2,5 milliards. Personne alors n'a été en mesure d'en évaluer le coût d'ensemble pour l'économie nationale et encore moins d'en envoyer la facture au principal responsable d'alors le premier ministre M. Alain Juppé.

Cette nouvelle grève a vu apparaître de nouvelles attitudes de la part de certaines victimes de la paralysie. L'Association des utilisateurs de transport de fret représente 80 % des clients industriels de la SNCF. Cette Association d'utilisateurs se propose, ayant évalué son préjudice, d'en réclamer réparation. Elle demande aux industriels de faire connaître leurs doléances auprès de Louis Gallois et de Jean-Claude Gayssot, ministre des transports. Les indemnisations que des entreprises telles qu'Usinor ou Vallourec seront en droit de demander ne seront pas négligeables. Le Groupement d'intérêt du fret ferroviaire, lui, regroupe les transporteurs routiers combinés, les loueurs de wagons, les commissionnaires organisateurs de transport et les chargeurs. Dès le 9 avril, ce Groupement effectuait une démarche auprès du cabinet du premier ministre M. Jospin, auquel ils ont demandé un fonds d'indemnisation pour réduire leur préjudice. Chose importante la SNCF est entrée dans cette logique, de façon insuffisante sans doute, mais en concédant que cette grève cause un dommage aux clients du monopole et pas seulement au monopole lui-même.

Le dommage causé aux usagers individuels et quotidiens des réseaux régionaux ne sera pas indemnisé. Mais, le principe étant le même, on ne voit pourquoi ils ne se grouperaient pas à l'avenir et n'attaqueraient pas l'État et les collectivités locales pour les monopoles qu'ils imposent et les syndicats minoritaires pour la grève illégale qu'ils maintiennent.

D'autres questions se posent pour l'avenir.

Qui doit-on incriminer pour cette situation scandaleuse ? Remarquons le cynisme de la CGT. Vraie responsable du déclenchement de la grève, la CGT l'a immédiatement emporté sur le terrain statutaire qui lui tenait le plus à cœur. Puis elle s'est désolidarisée des revendications sectorielles (notamment celles des agents des conduites) et a pu paraître un facteur d'ordre. Dans l'esprit du public, les fauteurs de trouble sont les autonomes et les gauchistes de Sud-Rail. Le camarade Gayssot, dans la plus pure tradition stalinienne et thorézienne se pose en modérateur…

Faut-il instituer un service minimum destiné à rendre acceptable la grève notamment pour les salariés se rendant à leur travail ? Ce slogan est en grande partie vide de sens. Rappelons que ce service ne fonctionnerait que dans des conditions très pénalisantes pour les usagers. Ils bénéficieraient d'un service réduit et se contenteraient de s'agglutiner dans des trains bondés Entrer dans la logique du service minimum c'est continuer dans la logique du monopole. Si une fabrique de chocolat fait la grève, on ne lui demande pas de produire un minimum de chocolat bas de gamme sous prétexte d'assurer le petit-déjeuner des enfants des écoles. On achète simplement un produit concurrent. C'est certes pénalisant pour toute l'entreprise et cela conduit à éviter les conflits, de part et d'autre. C'est pour cette raison que de nos jours les grèves dans le secteur privé sont beaucoup moins répandues que dans le secteur public.

Doit-on se contenter des estimations comptabilisant les seules pertes de recettes et les seules indemnisations ? Il faut les accueillir sous toutes réserves. Au 12 jour on estimait déjà à 600 millions la perte de recettes pour le chemin de fer. Dès le 5 avril, de surcroît, les concessions faites aux syndicats représentaient la bagatelle de 800 millions. Tout cela est prélevé sur un compte d'exploitation subventionné par la puissance publique, il s'agit d'un coût net pour le contribuable. Mais les coûts indirects sont considérables, y compris pour "l'image", le fond de commerce des transports en commun, et notamment pour les 65 % de cheminots qui n'ont pas fait grève.

JG Malliarakis

© L'Insolent

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