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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 26 AVRIL 2001

LE CHÈQUE GRATUIT LAÏC ET OBLIGATOIRE

Après un vote favorable, le 18 avril, à la Commission des Finances de l'Assemblée, rien ne s'opposait plus à l'examen en 1re lecture, par les députés, le 24 avril, de la proposition n° 2767 de M. Sarre. Ce vieux pilier de la gauche jacobine, maire du 11 arrondissement de Paris compagnon de Chevènement depuis Patrie et Progrès, jusqu'au Mouvement des Citoyens propose de pérenniser légalement la gratuité du chèque.

Bien entendu, le chèque gratuit ne choque certainement personne par lui-même. Le problème est l'obligation. Dans sa naïveté, M. Sarre s'enorgueillit de voir les Français être proportionnellement les plus gros utilisateurs de chèque du monde : 3,7 milliards de ces formules gratuites ont circulé en 1999, 5 milliards en comptant les chèques postaux. Chaque Français émet en moyenne 82 chèques par an, chaque Anglais 40, chaque Italien 11, chaque Allemand 10. C'est la loi du 1er février 1943 qui a jusqu'ici prévu le chèque gratuit et obligatoire pour certains paiements. L'archaïsme ne connaît pas de barrière. Pour lui, toute chose ancienne a valeur de tradition, toute tradition est aux couleurs de la nation.

Pourquoi l'État serait-il en droit d'imposer, par la Loi ou par le Règlement, la gratuité des formules imprimées et gérées par les banquiers ? De toutes manières, par le biais des chèques postaux l'État dispose d'un instrument gratuit permettent aux petits comptes d'effectuer gratuitement tous leurs paiements courants. Pourquoi a-t-on supprimé l'obligation faite aux commerçants d'indiquer numéro de CCP ? Le virement postal est " encore plus gratuit " que le chèque, puisqu'il circule en franchise et n'entraîne aucun aléa d'impayé. Pourquoi le timbre-poste coûte-t-il 3 F ? Pourquoi l'État émet-il encore des timbres fiscaux ? À 44 F, le prix du mandat est hors de proportion avec celui envisagé pour les formules de chèques (3 à 5 F). Pourquoi l'État ne ramène-t-il pas son coût au niveau du timbre-poste ? Pourquoi La Poste ne les achemine-t-elle pas gratuitement pour aider les plus démunis ?

Les 15 pages de débat de l'Assemblée n'apportent pas de lumières sur ces questions que tout le monde connaît. L'acheminement d'un courrier, le paiement d'un mandat par un facteur, le traitement du chèque par une chambre de compensation : ce sont des services. Tout service prétendument gratuit finit par coûter très cher à l'usager, ou pire encore, à un contribuable qui n'en bénéficie pas.

Ce que l'on comprend mieux en lisant le Journal Officiel c'est que M. Sarre est le porte-parole d'un courant anti-européen, où Mme Neiertz déclare : "Si c'est cela l'Europe, on comprend que les Français soient contre !" Il rêve en faisant voter, par une longue marche parlementaire commencée en 1999 et qui comprendra encore de nombreuses embûches d'enrayer la mise en place de l'Euro qui devrait être définitive au 1er janvier 2002. Sur ce point, précisons que, bien évidemment, si l'Union Monétaire et si l'Euro devaient échouer, cela ne serait certainement pas du fait de la mise en concurrence des systèmes bancaires et les conséquences de cet échec seraient plutôt catastrophiques. L'Euro soulève bien d'autres problèmes que celui de la gratuité obligatoire du chèque.

Au cours du débat, l'inévitable Gremetz (PCF) a tonné "contre la logique libérale de sélection des clients par l'argent". Un bon point pour les interventions respectives de MM. Jean-Jacques Jégou (UDF) : "Si les chèques restent gratuits, le coût en sera reporté sur d'autres services" et de Marc Laffineur (DL) : "Ce seront les gros clients qui s'en tireront le mieux car ils négocieront avec les banques pour avoir des réductions sur les frais bancaires".

On remarquera que le RPR et les communistes ont soutenu cette proposition qui s'appuie sur des bribes de déclarations antérieures hostiles aux chèques payants de MM. Fabius (à l'Assemblée le 4 octobre) et Patriat (La Tribune 5 mars), aujourd'hui bien empêtrés de cette affaire.

On prétend aussi que la gratuité du chèque est destinée à enrayer la rémunération des comptes courants, qui serait très gênante pour les chèques postaux, les caisses d'épargne, la caisse des dépôts et le logement social. Cet argument est faux puisqu'une banque anglaise installée en France (Barclays) a d'ores et déjà mis en place ses comptes dynamiques, formule versant des intérêts sur les comptes créditeurs et dont le slogan publicitaire est : "Chèques payants, non, comptes gagnants, oui ".

En réalité, la France adore toujours autant les guerres de religion.

Celle du chèque payant républicain, gratuit, laïc et obligatoire en est une.

JG Malliarakis

© L'Insolent

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