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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 30 AVRIL 2001
TOUTES LES FÉES SAUF UNE
Dissipons tout d'abord une illusion. L'ordonnance n° 2001-350 du 19 avril ne saurait, en aucun cas, être tenue pour abolissant en quoi que ce soit le monopole de la sécurité sociale, bien qu'elle ait la prétention de transposer en droit interne français les directives communautaires 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 juin et 10 novembre 1992. Elle ne soumettra même pas les caisses corporatives de formes apparemment mutualistes (MSA, caisses Ava ou Organic, etc.) au droit commun de la Mutualité. Voilà en effet ce que pose en "principe mutualiste" son article L. 112-3 : "Les mutuelles qui gèrent des régimes obligatoires de sécurité sociale en application du code de la sécurité sociale et du code rural sont régies par le code de la mutualité, sous réserve des dispositions législatives, réglementaires et statutaires qui sont propres à la gestion de ces régimes." On peut même se demander si, rédigée de la sorte, cette exception ne protège pas les organismes conventionnés sous-traitants du régime maladie des indépendants.
Elle est impressionnante, si l'on y songe, la liste des organismes consultés en vue de l'élaboration du nouveau Code de la mutualité. Cela va du Conseil supérieur de la mutualité (25 mai 2000) au Conseil national des assurances (27 mars 2001), de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (20 mars 2001) à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (4 avril 2001), de la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles (29 mai 2000) à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (28 mars 2001) et jusqu'à la Caisse nationale des allocations familiales qui s'est prononcée le 27 mars 2001.
Toutes les fées se sont donc invitées autour du berceau pour examiner précautionneusement le bébé. Toutes l'ont décortiqué, et on appellera ce texte loi de la république
Toutes les fées étaient invitées sauf une.
L'absente n'était pas Carabosse, mais tout simplement la représentation nationale. Lors des débats aboutissants à la Loi d'habilitation, certains sénateurs avaient courageusement protesté. MM. Badré et Lambert avaient justement souligné qu'il ne suffit pas en France d'avoir " l'accord du mouvement mutualiste " pour légitimer un texte de loi. Ajoutons d'ailleurs qu'il ne suffit pas de faire des tâches d'encre sur un Journal Officiel pour couler durablement un principe dans le bronze et le marbre. Il faut beaucoup plus.
Vastes entreprises essentiellement commerciales, les mutuelles françaises se prévalent d'un caractère non lucratif : c'est inscrit à l'article L. 111-1 du nouveau Code. Cela les dispensera donc toujours de payer des dividendes et de sacrifier au tribut assez lourd imposé par le fisc français à leurs concurrents.
Les distorsions dans l'application des règles de la compétition économique sont trop souvent ignorées par les instances communautaires dont telle est pourtant la raison d'être. Pour que le Marché Commun (convenu dès 1957 par le Traité de Rome) ait véritablement un sens, il faut qu'aucun des pays contractants ne mette d'entrave administrative ou de préférence quelconque à la circulation d'un bien ou d'un service.
Mais la vraie question à laquelle on se doit de répondre est la suivante : ces privilèges des mutuelles sont-ils favorables ou défavorables aux consommateurs ? Est-ce donc pour le bien du consommateur (oui ou non) que l'on a légiféré par Ordonnance sans demander l'avis, pas même de l'électeur directement, mais de ses représentants institutionnels ? Je dis, sans hésiter, que cette décision n'a été prise de la sorte que pour complaire à ces structures politiquement très influentes.
On a voulu contourner la publicité et l'incertitude attachées à tout débat parlementaire. On a voulu échapper à cette énorme contradiction qui fait de l'existence même des mutuelles légalisées en 1898 la concrétisation d'une liberté, et la gestion, par certaines d'entre elles, de systèmes aussi attentatoires à la liberté que les régimes obligatoires de sécurité sociale, reliquats eux-mêmes des institutions pseudo corporatives d'inspiration technocratique mises en place en 1941.
Mutuelles privilégiées et bureaucraties dirigeant les organismes de sécurité sociale agissent ensemble contre l'intérêt du public, contre le libre choix des preneurs d'assurances et contre la prospérité de l'économie française.
Cela ne valait tout de même pas un débat au Parlement, que diable !
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