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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 3 MAI 2001
NE SURESTIMONS PAS LE POIDS DES DIVISIONS DES BUREAUCRATIES SYNDICALES
Une illusion d'optique pourrait résulter de la lecture combinée des pages économiques et des pages politiques du Figaro (2 mai).
Première page du Cahier blanc, gros titre : "1er mai, la gauche en morceaux ".
Première page du Cahier orange : principal titre : "1er mai, malgré les licenciements, les divergences ont marqué les défilés Trois cortèges pour illustrer la division syndicale ".
Aucun chroniqueur de l'événement au quotidien ne saurait résister à cette tentation. Le cliché du photographe devient cliché du prêt-à-penser quand on ne le remet pas en place. Et le lecteur pressé aurait tort de s'attarder trop longtemps sur l'impression éphémère.
Dans la longue période, par rapport à de longues années de division absolue entre les appareils syndicaux français, on doit plutôt retenir en effet le caractère relativement unitaire du défilé de ce Premier Mai à Paris.
Deux mouvements ont fait bande à part,
la CFTC (2 000 manifestants)
et Force Ouvrière (1 000 manifestants). Blondel, Secrétaire confédéral de FO, n'était pas à Paris, mais à Lyon pour exalter le souvenir des Canuts. Quant à ses troupes parisiennes, après avoir marché de la Place de la Bastille à la Place Gambetta, elles ont laissé une délégation fleurir, au Mur des Fédérés tout proche, la tombe du fondateur de FO, ancien chef CGT à l'époque du Front Populaire, Léon Jouhaux. Cet enracinement dans la tradition syndicale doit être considéré comme une position d'attente. De même la culture de l'isolement à la CFTC et à la CGC ne doit pas être prise pour une position de force.
Beaucoup plus significative est l'attitude adoptée par les quatre plus puissantes centrales du moment :
CGT représentée par Bernard Thibault,
FSU représentée par Gérard Aschiéri, successeur de Monique Vuaillat,
UNSA représentée par Gérard Olive,
seule la CFDT étant représentée par un dirigeant de second rand, M. André Jalmain. Ce n'est sans doute pas de manière fortuite que Mme Notat a accepté de fêter le 1er mai à Casablanca aux côtés de l'Union Marocaine du Travail. Ardente féministe, Mme Notat a sans doute pu constater combien sa cause est cruciale dans le Maghreb. Mais, manifestement, cela veut dire qu'elle a dû concéder aux opposants internes et aux scissionnistes du SUD une participation unitaire sans s'y compromettre elle-même.
Cette attitude de faiblesse contraste avec la prétention de la CFDT d'être désormais le principal syndicat français. Elle l'est sans doute dans le privé, mais il n'est absolument pas certain que l'industrie privée soit le principal lieu du débat social tel qu'il est défini par les stratèges du syndicalisme français. On remarquera par exemple que sur les 4 centrales unies du 1er mai, 2 sont caractéristiques du public : la FSU syndicat d'enseignants, et l'UNSA, où les fonctionnaires de l'ancienne FEN devenue "Syndicat des enseignants" comme ceux de l'UNSA Police sont encore dominants. Mieux encore, la galaxie des mouvements syndicaux contestataires les plus actifs se manifeste principalement dans le secteur monopolistique étatique ou parapublic, SUD très actif à la Poste et aux chemins de fer, CRC auprès des personnels hospitaliers, SNUI aux impôts et dans l'administration du ministère des Finances. La gauche syndicale aujourd'hui, c'est cela. Et si le parti communiste semble en perte de vitesse sur le parrain des élections politiques, on constate que les deux principaux syndicats communistes, CGT et FSU, sont les deux plus grosses centrales françaises, celles dont les directions nationales, composées pour les 2/3 par des militants du PCF se révèlent généralement en mesure de faire la pluie des grèves et le beau temps des négociations du paysage social français.
À l'époque d'Edmond Maire, la CFDT avait réussi à se dégager de cette emprise. Son successeur Kaspar s'en est lui-même radicalement séparé. Quant à Mme Notat, certainement très éloignée elle-même des staliniens, le défilé du 1er mai la montrerait plutôt affaiblie, notamment par la dialectique de la lutte anti-Danone, et par la proposition démagogique tendant à interdire les licenciements, dans les groupes qui font des bénéfices ajoutent "raisonnablement" les uns, sans restriction scandent systématiquement les autres. Ce jeu de surenchères dénote certes une concurrence entre les appareils syndicaux.
À leur manière ils témoignent, eux aussi, de ce que la concurrence est TOUJOURS plus intelligente que le monopole.