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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 7 JUIN 2001

JG Malliarakis

Pérenniser les emplois jeunes, pérenniser la démagogie

Il était assez pittoresque de voir, au lendemain des fausses confidences du Premier ministre sur son "passé" marxiste, l'importance attachée à ce détail biographique. Avant d'être l'objet d'une courageuse question d'un député libéral (Assemblée Nationale le 5 mai), cette affaire avait été lancée comme révélation d'un secret… par le quotidien Le Monde. Pendant ce même temps, Mme Guigou avait fait des déclarations autrement plus importantes, — un aveu autrement plus grave et plus révélateur —, celui de la volonté du gouvernement de pérenniser les prétendus emplois-jeunes.

Car ces faits bien actuels témoignent d'un étatisme indiscutable, malfaisant et sans excuse.

Ainsi donc, lorsqu'en 1997 Mme Aubry avait annoncé ce dispositif destiné à durer 5 ans, elle avait clairement menti. On annonçait que les emplois-jeunes arriveraient à leur échéance en 2002 et la date était déjà suspecte car elle correspondait à l'échéance prévisible du scrutin présidentiel. Aujourd'hui le doute est devenu certitude, on annonce que ce mécanisme sera maintenu jusqu'en 2010. À la tribune de l'Assemblée Mme Guigou affirmait péremptoirement que les emplois-jeunes sont une réussite. Dans un tel domaine il faut sans doute demeurer circonspect quand Big Brother nous cite des chiffres. Il convient toujours de se demander comment les statistiques ont été établies, ce qu'elles recouvrent et surtout le degré d'indépendance de ceux qui les fournissent, ordinairement, pour la plus grande gloire de l'étatisme. Mais il faut être encore plus prudent quand on nous parle d'un succès sans que l'on puisse comparer les coûts aux avantages.

À ce jour, les emplois-jeunes donnent une fiche de paie à un peu moins de 277 000 jeunes Français. Pour créer ces emplois, la puissance publique aura dépensé, de 1998 à 2001, 66,2 milliards de francs français.

Cela porte à 238 989 francs la mise de fond publique moyenne par emploi-jeune.

Or, nous apprenons, sans surprise il est vrai, que cet investissement public n'a pas conduit à la création d'emplois durables : si les subventions de l'État disparaissaient (22 milliards en 2001), les emplois ne seraient pas maintenus. On peut continuer à rémunérer par exemple 80 000 personnes dans le tissu associatif, à la seule condition que nos chères associations soient investies d'administrateurs et qu'elles acceptent le rôle de relais des pouvoirs publics.

Plus grave est encore le cas des postes créés par le dispositif dans le cadre de l'Éducation Nationale. En tout il constitue le 2 contingent d'emplois jeunes avec 70 000 personnes. Celles-ci ont la caractéristique d'être à la fois sur-qualifiées avec un minimum Bac ou Bac + 2 et sous-payés. L'Éducation Nationale, traditionnellement généreuse, veut bien continuer et embaucher sur ces bases les jeunes issus du système. Elle y met cependant une condition : ils ne seront pas fonctionnaires titulaires de l'Éducation Nationale mais simplement contractuels. Mieux encore : leur contrat, réputé de droit privé, sera un contrat à durée déterminée de 5 ans. Il est vrai que l'entourage de Mme Guigou reconnaît que le Droit Social est une matière qui " ennuie profondément " le Ministre du Travail, de l'Emploi, de la Sécurité Sociale, etc… Si l'on veut bien considérer ces 70 000 emplois, il faut admettre donc, et dans la mesure où ils correspondent à des fonctions jugées utiles, que le dispositif n'a pas " créé " des emplois mais permis à l'Éducation Nationale de ne pas vraiment créer les postes correspondants. L'argent investi par la collectivité nationale a donc eu des effets négatifs.

Dans les grands bureaux de poste, même chose. On a vu apparaître des métiers d'appoint, effectivement nécessaires, de jeunes conseillant la clientèle, gérant les files d'attente, etc. Ces services sont mal rémunérés et la grande entreprise monopoliste qu'est La Poste veut bien, elle aussi, envisager de les maintenir à 6 100 francs par mois.

Dans d'autres cas, on est confronté à des situations où le caractère de " fonction publique au rabais " peut prendre un tour franchement catastrophique quand il s'agit, par exemple, des risques encourus par les agents de sécurité de la police nationale.

En fait, il ne s'est pas passé exactement ce que l'on prévoyait. Si 350 000 jeunes environ sont passés par le système depuis 4 ans, ils ont plutôt cherché à s'enfuir de la condition " d'emplois-jeunes " plutôt qu'à être titularisés. De plus, l'un des grands arguments avancés, mais en vain, par le Ministère des Finances est que la conjoncture s'est largement transformée depuis 1997. L'emploi n'est plus dans une situation aussi préoccupante, du moins en apparence. Beaucoup plus grave est le délabrement persistant des finances publiques. Les retombées du retournement conjoncturel seront très négatives pour les comptes publics.Et la perspective en inquiète beaucoup M. Fabius.

Cette perspective ne dérange ni Jospin, ni Guigou. Pour eux, dans la perspective du scrutin présidentiel de 2002, l'effet démagogique des emplois jeunes passe avant tout le reste.

Savoir combien de petites entreprises et d'emplois productifs sont détruits par les 22 milliards que coûte chaque année les " emplois-jeunes " est, bien évidemment, le cadet de leur souci.

• JG Malliarakis
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