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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 11 JUIN 2001
JG Malliarakis
LE TGV ou "Quand on aime on ne compte pas"Le 7 juin à Marseille, le chef de l'État M. Jacques Chirac inaugurait le TGV Méditerranée, 3 jours avant une mise en service commerciale qui, à entendre les médiats, fait date dans l'histoire des transports mais aussi de l'aménagement du territoire. Et l'on entend un immense cocorico, techniquement et apparemment légitime, puisque le centre de Marseille ne sera plus qu'à trois heures du centre de Paris par le train. Le président de la République a donc pu saluer 12 années d'études, d'expropriation et de travaux représentatifs d'un chantier auquel tous les superlatifs ont été accolés pour signifier qu'il était l'un des plus grands d'Europe.
Au chef de l'État comme au premier voyageur payant gravissant le marchepied du Marseille-Paris de 6 h 29, le TGV Méditerranée a fait gagner 1 h 20 entre deux métropoles distantes de 750 kilomètres. En 1867, plus de 16 heures étaient nécessaires pour relier les deux villes. Lille n'est plus qu'à 4 h 30 du chef lieu des Bouches-du-Rhône.
Les 250 kilomètres de voie nouvelle qui prolongent au-delà de Valence le barreau à grande vitesse existant sont annoncées comme un accélérateur de développement économique et de rééquilibrage au profit du "sud". Ou pour être plus précis du sud est. Le sud ouest demeurera longtemps encore un parent pauvre
Vingt ans après le voyage du premier TGV entre Paris et Lyon en 1981, c'est aussi un lourd commercial défi que relève la SNCF avec un lancement qui coïncide, à quelques semaines près, avec les grands départs de l'été. Hélas, la SNCF ne disposera pas avant la fin de l'année des premières rames à deux niveaux commandées pour la ligne nouvelle.
Avec le TGV Méditerranée, la SNCF déclare tabler sur 6 millions de voyageurs supplémentaires d'ici à 2003. Et ainsi le nombre de passagers transportés sur l'ensemble des dessertes de la Méditerranée devrait passer à terme à 23 millions de voyageurs par an.
Pour éviter de décourager sa clientèle par des augmentations excessives, la SNCF a décidé d'appliquer aux prix des liaisons actuelles, une augmentation forfaitaire, quel que soit le trajet, de 20 francs sur le tarif normal, 30 francs en période de pointe et de 40 francs en première classe. Un aller-retour Paris-Marseille, plein tarif, coûtera ainsi 812 francs en période normale et 992 francs en période de pointe. Le temps de trajet entre les deux villes sera ramené à 3 h 00 au lieu de 4 h 20 actuellement, de 4 h 20 à 3 h 15 entre Paris et Montpellier, et de 2 h 40 à 1 h 40 entre Lyon et Marseille.
Mais la nouvelle ligne de 250 kilomètres a coûté plus de 25 milliards de francs. Ce coût a été financé à 90 % par l'établissement public Réseau Ferré de France (RFF) et à 10 % par l'État. Soit 100 millions de francs le kilomètre contre 35 millions pour le TGV Paris-Lyon. Cette différence s'explique notamment par le relief particulièrement tourmenté qui a nécessité 483 ouvrages d'art, 17 kilomètres de viaducs, 13 de souterrains et de tunnels, dont le plus grand tunnel ferroviaire est situé à Marseille même. Il mesure 7,8 kilomètres. 3 gares nouvelles ont été construites, à Aix-en-Provence, Avignon et Valence.
Or, la SNCF rechigne désormais à payer ses loyers au Réseau Ferré de France, structure imaginée à l'époque Juppé pour la décharger de son immense endettement.
Si donc la SNCF ne paye pas, ou si elle fait seulement semblant de payer la facture du Réseau Ferré de France, cela veut dire que cet investissement nouveau résulte d'une simple subvention publique destinée à l'aménagement du territoire. On a dépensé 25 milliards en 10 ans pour subventionner, à fonds perdus, la seule liaison Paris Marseille. Mais pourquoi, dès lors, l'État s'est-il refusé et se refuse-t-il toujours à faire un effort équivalent sur Paris Toulouse, et plus encore en faveur des grandes liaisons interrégionales. On pourrait alors remarquer que le coût annuel, en pure perte des emplois jeunes est de l'ordre de 22 milliards par an. De quoi construire au moins une nouvelle liaison interrégionale de 250 km au coût Valence-Marseille, ou 750 km au coût Paris-Lyon chaque année Mais il serait de mauvais de goût, sans doute, d'opérer pareils rapprochements. L'heure est au cocorico. Quand on aime on ne compte pas.