Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... ,

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 12 JUIN 2001

L'OPTIMISME DE FAÇADE AGGRAVE LE RISQUE DE FAILLITE DES RÉGIMES DE RETRAITES

Mis en place par Lionel Jospin, le COR (= Conseil d'orientation des retraites) est imperturbablement au service d'un optimisme de façade. Le gouvernement n'entend pas pour l'instant procéder à la moindre réforme de l'assurance-vieillesse. Le premier ministre candidat préfère attendre l'élection présidentielle de 2002. Ses projections financières sont ainsi destinées à légitimer cette temporisation. Et 5 juin, le COR a réuni des représentants des bureaucraties syndicales, quelques spécialistes acquis à la pérennité des régimes de capitalisation et quelques prudents parlementaires. La COR a ainsi formulé ses propres hypothèses. Il s'est fondé sur les travaux internes des différents régimes de retraite, sur ceux de la Direction des prévisions du ministère des Finances et, enfin sur ceux d'un autre organisme officiel l'OFCE (= Observatoire français des conjonctures économiques).

Les prévisions globales de tous ces représentants de la pensée technocratique estiment en général à 4 points de PIB le déficit des retraites d'ici à 2040.

Mais, pour faire plaisir au premier ministre candidat, le COR a bien voulu édulcorer le fameux rapport établi, en 1999 par le commissaire général au Plan, M. Jean-Michel Charpin. Dans un scénario dit de "référence", l'économie française, pour le COR, reviendrait au plein-emploi d'ici à 2010 avec un taux de chômage qui s'établirait à un niveau de 4,5 %.

Mme Yannick Moreau elle-même, présidente du COR, qualifie ce scénario "d'hypothèse volontariste" (cf. Le Monde daté du 8 juin). "hypothèse volontariste" : qu'est-ce à dire ?

La conséquence purement arithmétique serait, si cette hypothèse volontariste était vérifiée, de différer seulement de 2 à 3 ans l'apparition des déficits visibles qu'il s'agisse des retraites de base du régime général ou de la retraite complémentaire des salariés du privé, l'Arrco.

Dans cette hypothèse volontariste le déficit technique de la CNAV (= Caisse nationale d'assurance-vieillesse) serait en 2020 de 72 à 99 milliards de francs français. Cette prévision, évidemment à très long terme, — outre qu'elle serait à recalculer en euros car à cette date le franc n'existera plus qu'en Suisse — est plus optimiste que le trou prévu par le Commissariat général au Plan dans son scénario central à 6 % de chômage de 125 milliards. Honnêtement on se demande à quoi jouent nos prévisionnistes, eux qui avaient été incapables de prévoir l'année très favorable 2000.

"Les sommes nécessaires au financement futur des systèmes de retraite représentent des moyens importants mais nullement hors de portée dans une économie et une société dynamiques, s'est cependant félicité le représentant CGT, le camarade Le Duigou. Elles représenteraient 4 à 6 points d'un PIB qui aura probablement doublé d'ici à 2040. La situation française n'est pas, de ce point de vue, la plus difficile puisque l'Allemagne, les États-Unis et le Japon connaîtront des ruptures plus graves. (… ) Une plus forte croissance et une réduction plus sensible du chômage en début de période diminuent de 30 % à 40 % les besoins de financement du régime général tels que les avait évalués le Commissariat du plan, aux horizons 2020 et 2040" (Communiqué officiel de la CGT du 5 mai).

Force Ouvrière de l'ineffable Blondel a cru pouvoir de son côté "soutenir" ces excellents calculs et s'en est pris au catastrophisme du Plan. On se souvient que le gouvernement Jospin avait rappelé le vieux Teulade pour venir contrer le rapport Charpin au Conseil économique et social

Le travail scientifique "très objectif" du COR ne va donc pas s'arrêter en si bon chemin.

Le 4 juillet, en réunion plénière, il explorera d'autres hypothèses. On fera joujou avec une variante à 7 % de chômage en 2010 — qualifiée de"grise", — et une autre demandée par les organisations syndicales, à 3 %, et qui sera supposée "rose". Lieu très scientifique, le COR élaborera des recommandations pour faire face aux difficultés financières à venir. Ces recommandations seront l'objet d'âpres négociations entre optimistes "roses" et pessimistes "gris". On croit rêver.

Et, à l'automne, et très sérieusement, Mme Moreau remettra un rapport officiel au premier ministre. Entretemps, de prétendus excédents de la branche vieillesse seront allégrement versés au Fonds de réserve des retraites. La gestion — ou la digestion — en sera confiée à la Caisse des dépôts et consignations. Nul ne sait ce qu'elle en fera.

• JG Malliarakis
Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...