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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 13 JUIN 2001

JG Malliarakis

L'ESPRIT DE LIBERTÉ SOUFFLE OÙ IL VEUT

Les lecteurs du Figaro Eco (2-6-01) ont récemment appris une nouvelle qui les a certainement émus aux larmes : "Claude Perdriel souhaitait léguer le Nouvel Observateur à une fondation". L'industriel de gauche, dont les traits ne sont pas coutumiers aux lecteurs de Gala figure ainsi au Livre d'Or des bienfaiteurs de l'humanité souffrante, avec son triste sourire crispé et coincé. Et le grand quotidien de droite commente ainsi son initiative : c'est une procédure peu courante en France.

Sur le fond de l'entreprise idéologique de M. Perdriel il nous est un peu difficile de nous prononcer. Il y a près de 40 ans que nous avons cessé de chercher si france (avec un petit f), Observateur, devenu le Nouvel Observateur, avait une vérité qui nous soit partageable. Et pourtant depuis quelque vingt ans, certains bons esprits nous font assavoir qu'il y aurait quelque enrichissement à fréquenter les états d'âme tartinés par le grand esprit que serait M. Jean Daniel. Nous restons définitivement prisonniers de notre pauvreté. Très probablement sommes-nous des ploucs, des beaufs, des réacs, nous qui ne lisons pas le Nouvel Obs.

Reste que le moyen de perpétrer cette œuvre si parisienne, à l'heure où Rome n'est plus dans la brasserie Lipp. Et l'on conçoit alors qu'un homme d'affaires philanthrope songe au processus de la fondation.

La société anonyme classique dont les actions seraient partagées entre les rédacteurs, sur une base égalitaire au jour donné du décès ou de la retraite du propriétaire bienfaiteur ne correspond pas à l'intention du legs. Du jour au lendemain, un mécanisme de rachat peut imposer une volonté strictement commerciale et rien ne s'opposerait juridiquement à ce que la firme Procter et Gamble, ou le Vatican, ou un armateur grec, ou le parti communiste se porte acquéreur d'un paquet d'actions. 50 ans de dissertations de M. Jean Daniel se trouveraient profanés. C'est un peu comme si Jackie Kennedy épousait une deuxième fois Aristote Onassis.

Parmi ses multiples usages, la fondation trouve ici un lieu d'expression remarquable.

Son principe fondateur n'est pas l'affectio societatis. Celui-ci caractérise l'entreprise commerciale, qui a pour objet de mettre des biens en commun en vue d'en partager les bénéfices.

Or, en France, une grande famille d'êtres juridiques existe pour servir de cadre à tout ce qui n'est pas l'affectio societatis de l'entreprise commerciale, tout ce qui n'est pas précisément une mutuelle (Loi 1898 réformée par l'ordonnance de 2001), un syndicat (Loi de 1884), une copropriété immobilière (Loi de 1931), une union de recouvrement (Code de la Sécurité Sociale), une congrégation religieuse (Loi de 1902), le vaste fourre-tout restant n'est pas une fondation mais une association (Loi de 1901).

Si l'on examine la hiérarchie des associations, on découvre qu'il en existe de plusieurs sortes :

1° L'association libre non déclarée qui ne peut même pas ester en justice (terrible). C'est le cas par exemple du parti communiste français.

2° L'association déclarée en Préfecture qui pratiquement n'a d'autres droits que celui de recevoir les cotisations de ses adhérents et de disposer d'un compte chèque postal.

3° L'association d'utilité publique reconnue par l'administration sur des critères arbitraires et que l'État ou les collectivités locales subventionne (60 % des budgets de ces associations est constituée de subventions).

4° La fondation n'est qu'un sous-ensemble de ces petites chouchoutes. Elle est étroitement contrôlée par l'État central jacobin via l'institution hypocrite et janséniste de la fondation de France. Et on remarque que le Ministère des Finances l'empêche désormais de déduire la TVA sur ses dépenses et prétend l'assujettir à l'impôt sur les sociétés, ce qui n'est le cas ni des mutuelles, ni des syndicats, ni des associations.

La fondation en France n'est pas libre. Elle dispose, comme la congrégation religieuse d'ailleurs, d'un statut inférieur à celui de l'association. Elle est donc l'objet d'une discrimination qui vise explicitement en France tout ce qui ressemble à la bienfaisance privée. Pour l'esprit pervers et persécuteur du Droit français, la charité n'est pas l'exercice d'une vertu, c'est une insulte à la pauvreté. Seul l'État peut exercer ce qu'il appelle, faussement, la "solidarité" diffuse, abstraite et mutilante, de la société.

M. Perdriel va découvrir cela. Ce sera un grand choc pour sa vie jusqu'ici insouciante quoique digne. Il va mesurer, sur sa propre destinée, l'impact malfaisant de l'idéologie liberticide qu'il a pourtant partagée, diffusée et financée, avec quelques honnêtes capitalistes de gauche pendant un demi-siècle. À la différence de gens, beaucoup moins fortunés et (ou, donc, car ?) beaucoup plus réactionnaires, il ne s'y attendait pas. Cela lui fera donc beaucoup plus mal. En un sens, nous compatissons…

L'Esprit de Liberté, l'Esprit de droit naturel, de sauvegarde des propriétés et des contrats soufflera-t-il ainsi sur une équipe qui a tant contribué à forger la pensée unique liberticide française ? Nous en serions fort satisfaits et nous aimerions même que cette équipe refuse de tomber dans le piège des "fondations à la française", labellisées et surveillées par la Fondation de France par l'administration et autres malfaisances.

L'Esprit souffle où il veut…

• JG Malliarakis
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