Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ... ,

COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 18 JUIN 2001

REQUIEM POUR L'OFFRE CONCURRENTIELLE FRANÇAISE ?

L'annonce du dépôt de bilan d'AOM-Air Liberté n'a pas constitué véritablement une surprise.

La première raison en était connue de longue date. Du fait de l'accumulation des erreurs commerciales, jamais l'addition des trois compagnies tombées dans l'escarcelle de Swissair n'avait réussi à constituer le pôle privé alternatif au monopole historique d'Air Inter. Même la billetterie et la tarification étaient demeurées séparées. La clientèle n'a jamais eu le sentiment d'un réseau crédible ni vraiment moins cher.

La seconde raison demeurera sans doute plus ou moins occultée au grand public. Ni la CGT — qui plastronne, à la fois dans son jeu de démagogie syndicale et dans sa position ministérielle grâce à la présence de Gayssot, — ni l'intéressé, n'ont vraiment intérêt à ce que l'on comprenne le rôle, ou plutôt l'absence de rôle joué, dans cette affaire, par Ernest-Antoine Seillière.

Disons-le tout net : M. Seillière nous semble un excellent bon porte-parole de la libre entreprise en France. Cependant, il n'est pas un entrepreneur industriel, mais un financier. Et dans l'affaire AOM-Air Liberté il a surtout joué un rôle d'allié de Swissair aux termes d'une convention de portage, évoquée par Le Monde et jamais démentie, surtout pas dans les faits. Son ami Alexandre Couvelaire, visionnaire assez peu réaliste l'a entraîné dans une galère qu'il n'a jamais gérée. La holding Taitbout figurait comme actionnaire dont la référence servait aux bureaucrates de l'Union européenne. On n'a jamais entendu dire qu'elle dirigeait opérationnellement les activités du groupe.

Tout cela n'est pas seulement dommageable pour le personnel qualifié des compagnies. Si le gouvernement français ne dissuade pas les investisseurs étrangers, l'existence d'une forte demande de développement de lignes intérieures permettra la reprise des actifs du groupe, les créneaux horaires, etc. et l'embauche d'un personnel compétent. La seule chose qui puisse freiner ce processus, ce serait précisément l'affirmation de la culture cégétiste et interventionniste française.

Il nous semble plus grave de constater l'infirmité constante de la grande entreprise française, celle que malheureusement nos énarques et nos hommes politiques persistent à considérer comme la seule digne d'intérêt. Quand on voit les premières pages et les éditoriaux consacrés à la " guerre commerciale entre l'Europe et les États-Unis " à propos de la rivalité Airbus/Boeing, on se dit d'ailleurs que les fabricants d'opinion continuent à tomber toujours dans le même piège.

Pour poser le problème en termes théoriques, disons que l'on persiste en France à considérer la taille des entreprises plutôt que la rentabilité des investissements. Et des syndicalistes comme Blondel volent au secours des technocrates en reprochant aux fonds de pension d'exiger un rendement financier des projets industriels…

Mais la carence du système français ne résulte pas seulement, hélas, des idées fausses de M. Blondel.

Depuis 200 ans, exactement depuis la création de la Banque de France en 1800 par le consulat depuis la Loi de 1810 sur les concessions minières, depuis l'organisation des compagnies ferroviaires tout au long du XIX siècle, etc. Tout un profitariat s'est nourri de la culture du monopole dont les mécanismes d'attribution des chaînes de télévision, des fréquences radio, des licences UMTS n'est que le prolongement. Le profit garanti, la rente monopoliste et le protectionnisme sont préférés au risque industriel, à l'innovation et à la libre concurrence.

Occasionnellement, on verra des intellectuels qui se croient " de gauche " prendre la défense de ce système. Mais les dividendes sont versés à de tout autres personnages. L'économie mixte protégée par l'État n'a guère de rapport avec l'idéal socialiste. En revanche, l'idéologie antilibérale, justifiant le maintien des très fortes rentes des fameux opérateurs historiques (France Télécom, EDF, Air France, etc.) et des subventions accordées aux prétendus services publics (SNCF, transports urbains, etc.) prend ses fondements dans l'imprégnation marxiste des fabricants du prêt à penser.

Il est donc redoutable que l'alternative concurrentielle piétine en France et que le consommateur ou le contribuable soit contraint de supporter le coût très élevé des transports intérieurs.

Dans la mesure où le jeu semble se maintenir, on doit souhaiter l'ouverture systématique et libre à la concurrence étrangère à la fois dans l'intérêt du consommateur, du contribuable, du preneur d'assurance français – mais aussi dans l'intérêt du redéploiement de l'entreprise française. Si les grandes entreprises nationales ne peuvent pas affronter la concurrence et ne parviennent pas à se réformer, au moins de petites unités de production prendront la relève. Sans doute serait-il un peu dommage que la France cesse de figurer dans les pelotons de tête des grandes compagnies mais d'autres firmes apparaîtront, alors que le maintien de gros dinosaures nationaux subventionnés, empêche leur émergence.Qu'on ne se méprenne pas : nous ne cherchons pas ici à dresser les petites entreprises contre les grandes. Nous pensons simplement que le seul critère économique de l'adaptation d'une structure, grande ou petite, aux besoins et aux évolutions du marché c'est la rentabilité de son activité dans un contexte concurrentiel. Il n'existe aucun autre instrument de mesure de sa performance sociale, et de son utilité nationale.

JG Malliarakis

Revenir à la page d'accueil ... Accéder à nos archives ...

Vous pouvez aider l'Insolent ! : en faisant connaître notre site à vos amis • en souscrivant un abonnement payant

    © L'Insolent ...