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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 19 JUIN 2001
APPAUVRISSEMENT GLOBAL DES FRANÇAIS
À la veille de l'été, et dans la perspective politique du scrutin présidentiel de 2002, ce qui tient lieu de débat social français se profile dans l'arrière-boutique des débats budgétaires. Très précisément la discussion ne se déroule qu'entre gens de gauche et elle oppose, grosso modo, un ministre des Finances acquis à une baisse (extrêmement lente, pour ne pas dire dérisoire) de la fiscalité et les tenants du fiscalisme égalitaire.
N'oublions jamais d'ailleurs que le fiscalisme a pour vocation de justifier une pression fiscale rendue nécessaire par la démagogie politique de la dépense publique.
Or, la première donnée dont on devrait partir, c'est la donnée nationale du problème. Où en est la richesse moyenne des Français en ce début du xxie siècle ? Les comparaisons nous en donnent une réponse à la fois claire et, selon nous, assez effarante : aujourd'hui la France dispose du 12e Produit Intérieur Brut par habitant parmi les 15 pays membres de l'Union Européenne. Elle fait partie des 4 nations de l'Union Européenne dont le PIB par tête est au-dessus d'un indice moyen de 100, elle n'est suivie que de l'Espagne (81), le Portugal (74) et la Grèce (68). Paris, vitrine de la nation, est totalement éclipsée par Londres : moins de 30 000 nuitées d'hôtel par jour contre plus de 60 000. Même la vitrine factice de la prospérité nationale est balayée.
Toute discussion sur la redistribution des revenus entre Français doit donc commencer par cet état des lieux : pourquoi la France, et Paris, en 100 ans, se sont globalement appauvris, et démonétisés, à ce point ? On ne peut pas considérer cette question comme secondaire puisque précisément c'est la richesse nationale que la fiscalité de l'État national a encore la prétention de repartir.
Or, nous sommes aujourd'hui en présence d'une thèse auto satisfaite d'un économiste fiscaliste de la gauche française, M. Thomas Piketty. C'est sur ses thèses que l'on est en train de s'appuyer pour faire encore plus de redistribution par l'impôt. Son livre "Inégalités et Redistribution 1901-1998", paraîtra en septembre chez Grasset. Il pèsera 812 pages un peu plus de 500 grammes et il fait déjà l'objet de recensions très favorables dans les bons journaux bien pensants.
Piketty se félicite en effet de ce que la France soit devenue de plus en plus égalitaire avec son taux marginal de 54 % pour l'impôt progressif sur le revenu, de 40 % sur les successions et son prétendu impôt de solidarité sur la fortune. La France est plus égalitaire en 2001 qu'elle l'était en 1961, plus encore qu'en 1931 et certainement beaucoup plus qu'en 1901. C'est clair. Mais elle est manifestement beaucoup plus pauvre. Cela est encore plus clair.
Piketty et la gauche, qu'elle soit plurielle ou singulière, verte ou rouge, rose ou grise ont la prétention d'empêcher le projet Fabius tendant à réduire, à un rythme très modeste et à peine symbolique en 3 ans, le taux marginal nominal de l'impôt sur le revenu de 54 à 52,5. L'Italie a clairement voté pour un parti qui promet de ramener le taux marginal à 33 et de supprimer les droits de succession et de donation. Prenons donc date : aujourd'hui, par rapport à l'indice 100 de moyenne européenne, l'Italie Mezzogiorno compris est à 102, la France est à 98, si l'Italie applique le programme de décrue fiscale et si la France se laisse bercer et berner par les rengaines fiscalistes égalitaires, l'écart se creusera inexorablement. La France continuera de s'appauvrir et ceux qui souffriront le plus seront les plus pauvres des Français.
Ne limitons pas cette constatation strictement économique à un stérile débat politique. Il est atterrant de voir dans des journaux de droite reprendre sans discernement les slogans du fiscalisme et de l'égalitarisme. Le Figaro Économique (14 juin) publie même un graphique provenant de l'INSEE et de la Direction Générale des Impôts affirmant à l'indicatif que "la pauvreté recule en France" alors que la misère progresse et que le pays se ruine. Il y a certes une pression dialectique très forte, marquée par la survivance du communisme pour empêcher tout recul de la fiscalité. Mais on a pu constater que la plate-forme Alternance 2002, grande idée de l'opposition institutionnelle RPR-UDF, se refusait clairement à promettre une décrue fiscale mise en route non seulement par l'Italie mais aussi par les États-Unis ou l'Allemagne, c'est-à-dire par des nations où les prélèvements obligatoires sont déjà inférieurs aux nôtres.
Précisons aussi que la corrélation très forte entre la fiscalité française au xxe siècle, son effet sur les patrimoines dont Piketty se félicite sottement et l'appauvrissement global de la nation française est une évidence pour tout économiste. Elle n'apparaît sans doute par pour telle aux représentants de la pensée unique, aux keynésiens de gauche et aux marxistes, alimentés qu'ils sont encore par leurs sophismes indécrottables. Mais ce qui nous frappe le plus c'est l'obstination dans l'autodestruction et l'ignorance de l'environnement international : on comprend dès lors le véritable sens des campagnes anti-mondialisation et des mots d'ordre diabolisant non seulement les mouvements de capitaux mais tout simplement même la liberté des échanges. Cette régression mentale deviendrait presque un objet de fascination si ses conséquences n'en étaient pas si dramatiques pour la vie, les intérêts et la prospérité du peuple français.