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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 21 JUIN 2001

JG Malliarakis

STRATÉGIE PATRONALE ET COMBAT POUR LA LIBERTÉ

Entre Seillière et Jospin il ne faut pas voir un conflit politicien.

Il ne faut pas s'étonner non plus de la coïncidence de la crise plus ou moins déclenchée par le MEDEF et du dépôt de bilan d'AOM-Air Liberté. En réalité, on a donné dans les médiats un éclat particulier à l'affaire AOM parce que le groupe d'Ernest-Antoine Seillière pouvait être mis en cause, du fait de sa convention de portage avec Swissair. Les stratèges, tant cégétistes que d'extrême gauche, imaginent paralyser de la sorte, ou du moins entraver, l'offensive que le mouvement patronal baptise " modernisation sociale ". Tous les jours, L'Humanité tartine actuellement des pages et des pages sur ce débat. Ce ne devrait pas être un mystère si l'on consentait à faire un peu plus attention aux mots d'ordre de l'appareil stalinien. Mais voilà, il est politiquement incorrect de s'interroger sur la survivance du stalinisme en France.

Dans l'affaire de la Sécurité Sociale, M. Jospin ne se comporte même pas en stalinien. Il se comporte en énarque. Il développe le plan Juppé avec Guigou, après l'avoir fait avec Aubry. S'il s'applique à étatiser consciencieusement, année après année, le budget de la Sécurité Sociale, ce n'est ni par plaisir ni par griserie léniniste de procéder à la plus énorme nationalisation de l'histoire, c'est simplement par routine bureaucratique.

À force de débattre de la sécurité sociale au Parlement, nos hommes politiques ont tous fini par croire que c'est leur affaire, comme ils pensent tous que l'éducation des enfants fait partie de leur mission, et comme certains s'imaginent toujours que l'État doit intervenir en toute chose.

Tant que l'on demeure sur cette pente, l'étatisation du système assurantiel social indemnisant la maladie, entretenant la vieillesse et subventionnant la famille a quelque chose d'inéluctable. Et ni les rares protestations vaguement proudhoniennes, — très vaguement devrais-je dire s'agissant de Blondel et de Force Ouvrière, — ni les réticences des régimes particuliers et corporatistes, ni même les offensives actuelles du MEDEF ne seront gagnantes tant que l'on n'aura pas abattu les dogmes sur lesquels repose le système.

Premier point. Le MEDEF menace en effet de rompre le paritarisme et de cesser d'envoyer des représentants non élus mais désignés dans les organismes de la Sécurité Sociale. L'an dernier il avait fait la même chose sur l'assurance-chômage. Or, jusqu'à présent il n'a toujours pas expliqué le pourquoi de ce paritarisme, imaginé dans les années 1930, et géré, si consciencieusement de 1941 à 1998, par les organisations patronales dont le MEDEF est le continuateur.

Deuxième point, le MEDEF a adressé une sorte de mémorandum en 10 points rédigés par M. Kessler. Le fond de l'affaire tient au dossier du financement des 35 heures où le gouvernement prétend faire payer sur les comptes de la Sécu, la réduction du temps de travail au mépris d'une Loi remontant à 1994 et du bon sens. Mais l'offensive Kessler ne remet pas en cause le funeste monopole de la sécurité sociale. Pourquoi donc le MEDEF qui a voulu changer de sigle en 1998, ne remet-il en question ni le monopole ni le paritarisme, voilà ce qui intrigue sérieusement dans la stratégie Kessler.

Les Échos (19 juin) et Libération (20 juin) suivis par quantité d'autres médiats font de l'affrontement entre Seillière et Jospin l'événement central de l'actualité. On serait prêt à les suivre si, dans les mois à venir, il s'agissait non plus d'une sorte d'appoint patronal à la candidature du chef de l'État rivale de celle du chef du Gouvernement, mais si on se trouvait vraiment en présence d'une alternative opposant le pays réel productif au pays légal gaspilleur.

On aimerait que M. Seillière descendre de son nuage ou de son piédestal.

On aimerait l'entendre expliquer que les cotisations de Sécurité Sociale appartiennent aux salariés, qu'elles leur appartiennent individuellement, y compris lorsque fictivement elles portent le nom de cotisations patronales, et que, par conséquent, c'est aux salariés qu'il appartient de décider librement et personnellement à quels organismes ils entendent confier la gestion de leur assurance maladie et de leurs épargnes retraites, et si ces organismes sont de types mutualistes, c'est aux cotisants de désigner leurs représentants, non à l'État, non aux employeurs.

Ceci implique l'abolition du monopole et du paritarisme.

Cette idée s'appelle le salaire direct.

 

• JG Malliarakis
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