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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 27 JUIN 2001

NON, M. FABIUS VOUS N'ÊTES PAS RAISONNABLE

AVEC LA CAISSE DES DÉPÔTS

Au moment où le gouvernement socialo-communiste annonçait la hausse du SMIC de plus de 4 %, on apprenait que le Ministère des Finances donnait ce qu'on appelle le "feu vert" à une opération de quasi-fusion de la Caisse des Dépôts et du réseau des Caisses d'Épargne dites de "l'Écureuil".

Il convient tout d'abord de signaler le monstre juridique de cette opération. Créée en 1816, sous le règne de Louis XVIII, la Caisse des Dépôts et Consignations a, aujourd'hui encore, un statut d'établissement public. Ce serait compréhensible si elle était vraiment destinée aux opérations de dépôts et consignations ; Chacun sait qu'elle ne l'est pas et que le périmètre de ses interventions s'est multiplié par 100. Il est de mauvais goût de poser la question de la base légale de ce développement. C'est offenser l'État dont elle dit aujourd'hui constituer "le bras financier".

La première opération de bon sens serait de refonder vraiment la légalité de cette Caisse des Dépôts. Aucun de nos hommes politiques n'a jamais été assez costaud pour envisager de le faire. En 1992, un homme de courage, M. François d'Aubert se promettait d'y parvenir, et même de supprimer la Caisse des Dépôts. Le gouvernement Balladur puis le gouvernement Juppé se sont bien gardés de s'y atteler.

Or, cette impuissance des hommes de l'État français à réformer Leur propre "bras financier" mérite d'être rapportée à un discours qu'on les entend souvent tenir à la face des 14 autres partenaires européens et des 12 pays officiellement candidats à l'Europe : Il faut, disent-ils, réformer les institutions communautaires (ce qui dans leur langage veut dire : accentuer le caractère intergouvernemental du système et renforcer le pouvoir des technocrates) avant de répondre à la demande d'élargissement… Que n'appliquent-ils pas ce raisonnement à leur usage intérieur !

Balayant cette objection mesquine et formaliste, les dirigeants français ont donc accepté une alliance conclue entre MM. Daniel Lebègue, pour le groupe Caisse des Dépôts, et Charles Milhaud pour les Caisses d'Épargne. Ce réseau disposera, dit le quotidien économique Les Échos (26 juin) de 16,6 milliards d'euros de "fonds propres". c'est un curieux concept pour une "alliance" unissant une mutuelle et un établissement public que celui de fonds propres.

Car les pouvoirs publics français ont voulu bien faire les choses. Trouvant que les Caisses d'Épargne françaises n'appartenaient à personne, ils ont estimé de bon goût de leur conférer un statut mutualiste. Cette mutuelle va à son tour apporter les liquidités massives de la petite épargne à une holding dont elle détiendra 49,9 %. L'heureux associé majoritaire détient 51,1 %. Il pratique depuis longtemps la captation de cette épargne.

Est-il bien raisonnable de déclarer que l'addition de ces deux structures va constituer le "nouveau champion bancaire public et semi-public français" (déclaration de Laurent Fabius du 25 juin).

On remarquera au contraire que "tant la Caisse d'Épargne que la prestigieuse maison de la Rue de Lille affichent les plus faibles rentabilités du secteur bancaire français" (Les Échos du 25 juin). N'est-il pas de plus en plus inquiétant de voir l'État engraisser des sumos, de plus en plus gros, de plus en plus mous, de plus en plus complexes et ingérables ?

L'État a ainsi présidé à l'absorption du CIC par le Crédit Agricole, la cession de l'assureur GAN au Groupama et de préparer le phagocytage du Crédit Lyonnais par le Crédit Agricole qui en possède déjà 10 %. Dans les trois cas on remarque le triomphe de structures anonymes faussement mutualistes. N'est-ce pas la nouvelle version de ce qu'un historien comme Beau de Loménie appelait "l'économie accaparée" ?

M. Fabius aurait tort de vouloir nous persuader que "tout cela finira par des chants et des apothéoses". Les pauvres sumos français de l'économie mixte risquent d'autant plus de retomber sur leurs énormes derrières que l'État français, si arrogant soit-il, est incapable de contrôler les petits monstres qu'il protège.

En veut-on un exemple, après tant d'autres ? On le trouvera dans le cours même du dossier de "L'Alliance" CDC-Ecureuil. Il était en effet prévu d'y faire rentrer la CNP dont les activités d'assurances entraient dans la logique de "complémentarité" de l'Alliance. Les participations de CDC et des Caisses d'Épargne dans la Caisse Nationale de Prévoyance étaient de 37+18 = 55 %. L'opposition de La Poste, détenant 18 % de la CNP, a fait capoter l'opération. Pas très logique, tout cela. Si le mécanisme ne marche pas entre sociétés appartenant à l'État, comment imaginer qu'il puisse fonctionner dès lors que ces conglomérats se trouveront confrontés à un environnement concurrentiel.

Ne nous y trompons pas, en effet. Dans un délai très bref, les Français se verront proposer des formules de comptes rémunérés qui obligeront l'Écureuil, La Poste et la Caisse des Dépôts de respecter les petits épargnants. Même si les journalistes souverainistes écrivent des bêtises, la Commission Européenne empêchera de plus en plus la protection des structures monopolistes de l'État français.

Il serait donc raisonnable, n'en déplaise à M. Fabius, de faire maigrir les sumos avant de les proclamer "champions".

JG Malliarakis
© L'Insolent
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