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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 9 JUILLET 2001
JG Malliarakis
DU MONOPOLE ET DE SON RENOUVELLEMENTLe gouvernement se réunit ce 9 juillet à Limoges pour décider notamment des nouvelles subventions discrètes que l'État va accorder aux concessionnaires du téléphone mobile sous prétexte de les encadrer dans une obligation de service public.
Il y a seulement quelques mois, on nous faisait accroire que les contributions exceptionnelles prélevées au titre du portable de la 3e génération allaient sauver les retraites par répartition.
Aujourd'hui on nous parle de contribuer par des versements de l'État et des municipalités à encadrer les monopoles concédés. Pour couvrir les quelque 1 500 communes (sur 36 000) non encore couvertes (soit 400 000 personnes soit 0,6 % de la population métropolitaine), l'État et les collectivités locales paieront 1 milliard de francs, les trois opérateurs se partageront 500 millions.
La raison d'être des monopoles n'a jamais été la raison invoquée : celle d'un meilleur service, quiseraiat offert plus rationnellement, plus égalitairement, au public. C'est délibérément que les opérateurs monopolistes pratiquent des prix élevés. Ils redistribuent la rente issue de ce sur prix entre les divers accapareurs de l'économie mixte : technocratie, classe politique, bureaucraties syndicales, fournisseurs du Monopole. Lorsque Colbert en 1692 crée non pas les Postes royales mais la loi pénale interdisant à nombre de gens de métiers (1) de distribuer du courrier, et pratiquement un monopole c'est cela et rien d'autre (2), ce n'est pas pour parfaire l'unité du royaume de France, c'est tout simplement pour en accaparer les profits et ce monopole n'a pas connu 3 années de déficits en plus de 300 ans. En 2001, lorsque M. Jospin prétend améliorer le maillage du téléphone portable ce n'est pas pour aménager le territoire de la République. C'est simplement pour sauver discrètement la domination de France Télécom opérateur historique.
Car les anciens monopoles étatiques savent très bien qu'ils sont condamnés dans la forme où ils ont été façonnés par les diverses législations monopolistes à la française. Rappelons à ce sujet que depuis 200 ans, le système monopoliste français n'a jamais cessé de faire évoluer sa réglementation, de redéfinir ses principes immortels, de remodeler ses modes d'organisation. Dans les années 1960 encore M. Georges Vedel (3) dans ses celébrissimes cours de Droit Public ou de Science administrative, dissertations de non-droit appuyées sur une fausse Science, développait encore comme un principe intangible que le "service public ne saurait concurrencer le secteur privé". Autrement dit, on admettait encore que le service public était inutile dès lors que l'initiative privée existait. Ainsi la Régie Renault, quoiqu'elle fût considérée comme le "laboratoire social" du pays, ne pouvait pas être tenu pour un service public. Les municipalités organisaient des transports publics parce que l'on considérait que le seue secteur privée ne pouvait pas concevoir par lui-même faire partir un autocar d'un bourg pour en rejoindre en autre. L'examen des besoins du marché supposait, faisait-on mine de considérer, une connaissance supérieure : non seulement la connaissance des besoins solvables connus par la vulgaire méthode des études de marché, mais la connaissance des intérêts supérieurs des populations, connaissance que seuls les pouvoirs publics détiennent. Déjà en 1963, nous étions quelques-uns, parmi ses mauvais élèves, à nous douter que cette théorie ne tiendrait pas. Et effectivement le doyen Vedel est demeuré seul de son espèce, seul de son avis, (4). Pour aboutir à la théorie actuelle du service public à la française il a fallu que Marceau Long (5), prenant une retraite bien méritée de grand maître du Conseil d'État établisse en 1995, dans un rapport considéré alors comme son "testament", ce que l'on "doit" entendre par "service public à la française".
On remarquera au besoin que cette prétendue pérennisation du système français est intervenue après que les technocrates et dirigeants politiques nominaux français eurent en 1991, les uns rédigé, les autres signé, le traité de Maastricht, dont la logique, si elle était appliquée, laisserait assez peu de perspectives aux théories et aux pratiques des monopoles et autres opérateurs historiques français.
Il serait donc temps qu'en France les consommateurs, les contribuables, les cochons de payants se réveillent. Il serait temps qu'ils arrachent l'usage usurpé de la citoyenneté aux gestionnaires du monopole, aux fonctionnaires budgétivores, aux bureaucrates syndicaux, aux bénéficiaires des commandes des entreprises monopolistes, et à tout ce profitariat qui se drape dans les oripeaux du service public à la française
JGM
(1 ) La liste des corporations écartées en 1692 est effectivement édifiante quant à la diversité des modes alors possibles d'acheminement du courrier. Cf Rapport Larcher de 1994.
(2) Littéralement on pourrait aussi concevoir d'appeler "monopole", la vente d'un produit de marque par le propriétaire de la marque. Ce serait se servir d'un mot pour obscurcir une idée et non pour l'éclairer. Les défenseurs de l'économie mixte à la française aiment beaucoup ce genre d'obscurité. En cela, quoi qu'ils en disent, ils ne défendent pas l'exception culturelle française, ils renient ce que la culture française a peut-être produit de moins mauvais avec la "Logique de Port Royal"
(3) Il est de bon ton de l'appeler "le doyen Vedel" comme on continue curieusement de dire "l'abbé Pierre", au mépris des usages ecclésiastique comme universitaire, actuels.
(4) Tout en devenant l'objet d'une vénération iconodule, peut-être même d'une adoration idolâtre, sans crainte d'aucune contestation iconoclaste.
(5) Encore une idole à tout faire.