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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 11 SEPTEMBRE 2001

NOS GOUVERNANTS SONT-ILS AUTRE CHOSE QUE DE TRISTES SYNDICS DE COPROPRIÉTÉ ?

Comme cela paraît étrange et dérisoire, loin de Paris, d'apercevoir les titres de cette presse française dont je n'arrive même plus à trouver nécessaire la lecture. Elle n'a même plus, à mes yeux, ce charme décalé et vacancier de la presse grecque — avec ses énormes titres qui, depuis 40 ans semblent annoncer une imminente déclaration de guerre, et ne font qu'interpréter en les gonflant des événements franchement minuscules.

Ainsi donc, le Figaro découvrait en première page en ce début septembre que la campagne présidentielle est lancée. Pourtant, depuis 1997, il est tellement évident que tous nos hommes politiques ne pensent et n'agissent qu'en fonction de cette hypothèse !

Quant à l'échéance maintenue de 2002, cela fait bien entendu des mois qu'elle monopolise les préoccupations des clowns. On ne peut que penser à l'excellent album On a marché sur la Lune où Haddock dit aux Dupondt dans un premier temps : " Le cirque Hipparque a besoin de deux clowns, et vous pourrez parfaitement faire l'affaire. " Devant leurs objurgations, il corrige : " Le cirque Hipparque n'a pas besoin de deux clowns, donc vous ne pourrez pas faire l'affaire. " La seule nouvelle intéressante dans les mois à venir serait l'effondrement des clowns et l'annonce, enfin, que le cirque va quitter la ville. Je n'ose espérer, encore moins pronostiquer, cet instant et il se produira au moment où on s'y attendra le moins.

À vrai dire, si déprimantes que soient leurs prestations, nos politiciens parisiens ont, quand même, beaucoup moins d'importance que nous le croyons même lorsque nous croyons les mépriser comme ils le méritent. En réalité, nous leur accordons encore trop de crédit.

Pendant longtemps l'opinion libertarienne du Professeur Lemennicier sur l'État m'a laissé sceptique et m'irritait. Non, pensais-je, l'État ne peut pas être comparé à un syndic de copropriété car non seulement nos gouvernants feraient et font d'assez mauvais gérants d'immeubles, mais il existe une essence du politique consistant d'une part en la désignation de l'ennemi et d'autre part en la gestion des événements exceptionnels.

Or, les gouvernants français d'aujourd'hui, non seulement n'ont aucune espèce d'idée que l'Europe gavée puisse encore avoir des ennemis, mais, bien plus, ils baissent les bras dès qu'un incident de parcours perturbe les beaux programmes édifiés à l'avance. Ils sont donc ainsi doublement sortis de l'espace légitime du politique.

Nous avons donc bel et bien affaire à des organisations gouvernementales apparentées comparables à ces syndicats de copropriété qui s'en remettent au concierge (c'est-à-dire à quelqu'un d'autre) quand il y a lieu d'appeler les pompiers.

S'il en est ainsi, et il en est ainsi, si la thèse de Bertrand Lemennicier est pertinente, et rien ne semble le démentir, alors il faut appliquer à nos syndics de copropriété les critères de leur corporation.

Premier vice du système : les syndics de copropriété sont ordinairement rémunérés en fonction d'un pourcentage des dépenses, un pourcentage légal et des ristournes occultes. Il est donc dans la nature même de ce commissionnement d'en faire des instances dépensières. Comment imaginer qu'un personnage institutionnellement bénéficiaire lors de toute augmentation des dépenses puisse tendre à les diminuer ?

Or, il convient de rappeler que l'un des problèmes essentiels de la France est de dégonfler les prélèvements obligatoires à propos desquels on ment systématiquement aux Français car en additionnant la fiscalité ordinaire de l'État, les diverses parafiscalités et les charges dites sociales, la France est en pourcentage le grand pays industriel qui lève le plus lourd tribut sur ses citoyens honnêtes. Et comme la nature profonde des Français est instinctivement honnête, peut-être un peu timorée, mais certainement pas stupide, un tel encouragement donné à la fraude tend à bouleverser les mentalités.

Deuxième vice de la copropriété : elle ne pratique la démocratie que de manière formelle. Les conseils sont toujours réélus. Les quitus sont toujours accordés. Les mandats sont toujours renouvelés. Toujours ou presque. Et les exceptions sont ordinairement pires que la règle.

Comment dès lors s'en satisfaire ? Quiconque a fréquenté dans un cadre ou dans un autre les systèmes de copropriété, les grosses comme les petites, les pauvres comme les riches, a pu constater que la règle dominante est celle de l'unanimisme, des décisions grises et de la dictature des bureaux. Cela préfigure en effet ce qui tient lieu d'Europe.

Tant qu'à faire cependant de se contenter d'une copropriété autant se rabattre sur la moins disante, la moins verbeuse, la plus modeste et la plus besogneuse. S'ils ne sont que des syndics de copropriété, nos politiciens flamboyants sont hors sujet. Ils ne sont pas dans le thème. Ils doivent disparaître.

De là vient sans doute l'ambiguïté du rôle de certains trouble-fête. Dans divers pays étrangers nous avons vu l'exemple de ces charmeurs de serpents habiles. On les a hélas beaucoup vu augmenter les impôts, enfler les dépenses publiques — même M. Haider l'a fait dans sa province autrichienne de Carinthie.

Or, on n'a jamais vu l'augmentation de la dépense publique diminuer le nombre des immigrés, ni la hausse des impôts faire reculer le chômage pas même juguler l'insécurité. Car les dépenses de justice et de police sont à la fois les plus nécessaires et les plus modestes dans nos sociétés.

Tant qu'à faire d'élire des syndics de copropriété donc, autant ne les recruter ni dans les prétentieux énarques ni parmi les filandreux droitsdelhommistes ni parmi les démagogues, quels qu'ils soient.

• JG Malliarakis
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