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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 20 SEPTEMBRE 2001
JG Malliarakis
L'économie de liberté face aux conséquences du terrorismeContrairement à une idée si souvent développée, on soutiendra ici que la distinction entre Libertés économiques et Libertés politiques ne peut pas être totale. En particulier, il est clair qu'aucun régime de Liberté, tant politique qu'économique, ne peut se concevoir sans un véritable statut de la propriété comprenant l'usus, le fructus et l'abusus. Cette précision théorique n'est pas une redondance pédante. Quand Fidel Castro instaura sa dictature à Cuba en 1959, l'une de ses premières réformes démagogiques a consisté à rendre les Cubains "propriétaires de leur logement". Mais depuis 42 ans, ces "propriétaires " ne peuvent ni vendre ni louer. Plus subtilement, toutes les taxes sur les transactions, et notamment les droits de mutation, mais aussi les impôts de bourse, etc. ont pour effet de les freiner. C'était le but technique préconisé par l'économiste Tobin en 1972 et ce serait le résultat premier de l'application de son idée de taxe pénalisant la propriété et la liberté.
En frappant de manière spectaculaire et criminelle les deux tours du World Trade Center à New York, les terroristes n'ont pas seulement tué des milliers d'innocents, ils ont secondairement engendré des conséquences économiques.
Secondairement, cela veut dire qu'aucun économiste n'aurait le droit de considérer l'aspect moral du problème comme accessoire. Il est fondamental, crucial, insupportable. Cela n'interdit pas, cependant, de réfléchir aussi aux conséquences pratiques d'un événement aussi exceptionnel.
Première conséquence : elle frappe l'économie de l'assurance. On a avancé dès le début un chiffre de 10 à 15 milliards de dommages " environ ". Financièrement, quoique très lourd, ce chiffre est supportable par l'économie de la réassurance qui a supporté des cyclones épouvantables, ou en France la tempête de 1999. Reste que l'on entre dans une sphère un peu différente. Il faudrait indemniser non seulement les personnes, les bâtiments, les installations du World Trade Center, mais même le terrain, car sa valeur est probablement réduite à zéro : il semble bien difficile d'y construire à nouveau quoique ce soit d'autre qu'un mausolée.
Dès l'examen de cette question, le plus libéral des économistes devra donc convenir que l'on est bel et bien dans le cas, exceptionnel, de l'intervention nécessaire du gouvernement. C'est bien là que l'État est attendu. Faisons une petite révérence à l'utopie libertarienne si sympathique : tant qu'il existera des "méchants", il faudra bien une force contraignante pour protéger les bons. Après, on verra.
Il semble bien que l'État américain aille dans cette direction. Et il le fait d'ailleurs non pas "malgré le programme de décrue fiscale" de George W. Bush, mais au contraire grâce à la pression antifiscale des majorités républicaines conquises à partir des élections intermédiaires de novembre 1994. C'est parce que d'année en année, les républicains ont imposé, y compris sous Clinton, d'importantes réductions de dépenses que l'Amérique dispose d'excédents financiers et pourra supporter la charge exceptionnelle de la guerre, car c'est une guerre , et une partie de l'indemnisation des victimes.
Dans Les Échos, M. Denis Kessler répondait avec son intelligence coutumière "Notre métier est d'assurer et non d'exclure". Et cependant, le représentant qu'il est de la Fédération des Assurances posait la question, destructrice subtilement, de sa première affirmation : "Les assurés accepteront-ils ?". On pourrait retourner le problème : les actuaires et les assureurs sauront-ils calculer et facturer le risque ?
Deuxième sorte de conséquence : faut-il croire à une récession aggravée par le conflit ? Le précédent de la guerre du Golfe de 1990-1991 n'est pas un bon exemple. Tout d'abord, on doit se souvenir que les facteurs de la crise étaient antérieurs à l'invasion de l'émirat du Koweït par l'Irak. La crise était notamment engendrée par l'énorme bulle immobilière. Aujourd'hui si les économies occidentales patinent depuis quelque 12 mois, c'est essentiellement parce que l'on y a surestimé l'effet "nouvelle économie" et les gains de productivité, pourtant bien réels des nouvelles technologies. Le commerce électronique ne donne pas encore les résultats rêvés et anticipés par les marchés financiers, mais de colossaux progrès sont en vue. La tension internationale n'y changera rien sauf à doper les progrès technologiques comme toutes les guerres du passé l'ont fait.
Les pertes boursières du 11 septembre auront été spectaculaires, certes. Mais 6 ou 7 %, dans un contexte de repli global des marchés financiers revenus aux cours de 1998, c'est une "chute" moins terrible que celle des malheureux que l'on a pu voir "chutant" eux aussi du haut des tours jumelles du World Trade Center. L'économie est la chose de l'homme.
Le terrorisme n'atteindra l'économie que s'il frappe la vraie ressource du monde industriel : le travail humain, accumulé sous diverses formes, depuis des siècles, par les peuples civilisés. Il n'y parviendra pas.
JGM