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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 24 SEPTEMBRE 2001

LE SERPENT DE MER DU BLANCHIMENT D’ARGENT

L'ayatollah Montebourg appelle à la guerre sainte contre les paradis fiscaux

La chose était prévisible et cela n’a pas raté. L’omniprésent et omniscient député bourguignon M. Arnaud Montebourg a fait connaître son opinion sur les moyens indispensables pour faire plier l’hydre terroriste. Sans doute était-il encouragé par M. Alain Joxe, directeur d’études à l’EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) — et directeur du CIRPES (Centre interdisciplinaire de Recherches sur la Paix et d’Études Stratégiques) lequel professe que " le savoir-faire européen et français en matière de sécurité est supérieur en continu au savoir faire américain. "

Cette fois M. Arnaud Montebourg parle " sous le couvert " de Vincent Peillon, porte parole institutionnel du parti socialiste. Ses déclarations, religieusement publiées par Les Échos (20 septembre) comportent donc la périphrase " nous sommes persuadés, Vincent Peillon et moi-même ". Mais il ne faut guère y attacher d’importance ; cela se voit comme le nez sur son visage. Ce que dit Montebourg n’est que la récitation, — en arabe : al Coran — de la parole de Dieu dictée par l’archange Gabriel.

Pour vaincre vraiment le terrorisme, il faut à l’entendre, imposer une fiscalité universelle. Vaincre le terrorisme ce n’est pas pourchasser des tueurs, voyons mais c’est bien sûr : détruire les paradis fiscaux, supprimer les sociétés offshore, frapper au cœur de la City de Londres, interdire purement et simplement la forme juridique des trusts anglo-saxons. Ce beau et vaste programme semblerait presque compléter le petit travail artisanal commencé à coup de cutter à New York. M. Montebourg lave plus blanc que blanc et voit plus grand que grand. Hier encore, admirant en secret la si fructueuse annexion du Koweït par Saddam Husseïn, il proposait, dans un volumineux rapport, l’anschluss par la France de la principauté de Monaco. Aujourd’hui, ce sont tout simplement tous les pays de la " fameuse " liste noire du GAFI qu’il envisage de rayer de la carte.

L’inconvénient est d’abord que la liste en question est à géométrie variable, un point de détail sans doute. 33 petits États dont 7 îlots perdus de l’Océan Pacifique ont été ainsi mis sur la sellette par l’OCDE en août 2000.

D’autre part, cette liste comprend des nations qui n’ont pas inscrit au nombre de leurs intentions celle de se voir rayer de la carte par un député de Saône-et-Loire, citons par exemple, la Russie et Israël, ou la Turquie.

Si l’on ajoute tous ces États, grands ou petits, aux 60 pays dans lesquels sont implantés les terroristes de l’organisation al Qaida d’après le discours du président Bush le 20 septembre devant le Congrès des États-Unis, cela fait beaucoup de monde. Ajoutons aussi que le même président Bush a nommé le gouverneur Ridge de Pennsylvanie à la tête d’un nouveau ministère de la Sécurité Intérieure chargé de coordonner 40 agences gouvernementales américaines en lutte contre le terrorisme. Faudra-t-il y ajouter le binôme Montebourg-Peillon pompeusement attributaire de la Mission antiblanchiment française ?

L’autosatisfaction de M. Montebourg est stupéfiante en elle-même. Mais elle ne détonne pas dans le contexte du chauvinisme incroyable des énarques français quand il déclare, — à l’instar de M. Alain Joxe, cité plus haut sur la lutte antiterroriste française, — que " la France a toujours été à l’avant-garde de l’Europe de la lutte contre les paradis fiscaux. " Extraordinaire et contradictoire pétition de principe : la France a été le pays le plus fiscaliste d’Europe, dès les années 1920. Les Français n’ont donc pas cessé d’être, pour cette raison, les meilleurs clients des paradis fiscaux, au point de tenir le purgatoire suisse pour le jardin d’Éden, et d’avoir contribué à la fortune d’autres charmants timbres postes à petits territoires et moindres prélèvements : Monaco jusqu’en 1963, Jersey, Liechtenstein, Luxembourg. Quand nos ministres intègres parlent d’harmonisation fiscale en Europe, ils pensent, en réalité, non pas à harmoniser, mais à aligner l’Europe sur les pratiques françaises…

Cela est si vrai que la démarche antiblanchiment de l’État français se situe, de l’aveu même de M. Montebourg, avant tout dans le cadre de la loi dite NRE, " loi sur les Nouvelles Régulations Économiques " fourre-tout dirigiste et électoral de M. Jospin à usage franco-français. Sans aucune prise en compte du caractère irréversiblement européen de l’économie française. Alors, l’expression " lutter contre les paradis fiscaux " signifie simplement désigner pour de mauvais Français tous ceux qui critiquent ou combattent l’hyperfiscalisme de l’État français. Les associer subliminalement au terrorisme international est un pas de plus dans ce processus strictement interne. C’est le prolongement d’une vaste démarche de la doctrine judiciaire, dominante en France. Elle tient aux idées bien pensantes de l’École nationale de la magistrature et à l’avant garde politiquement correcte du syndicat de la Magistrature. Elle tend à nous faire croire que la prétendue " criminalité en col blanc " serait beaucoup plus grave que la délinquance ordinaire et la criminalité tout court. Du cinéma aux productions universitaires en passant par les médiats, tout concourt à nous intoxiquer de ce paralogisme. Les voyous sont ainsi présentés comme des victimes. Et les victimes deviennent alors les vrais coupables : " pas d’innocents chez les bourgeois " (air connu). S’il n’y avait pas de propriétaires, il n’y aurait pas de voleurs.

Développer le concept de criminalité financière sur la base de crimes virtuels, n’est-ce pas aussi multiplier le nombre de justiciables, économiquement solvables et physiquement peu dangereux ? N’est-ce pas une clientèle désirable pour l’indispensable catégorie de juristes à laquelle appartient M. Arnaud Montebourg ?

JG Malliarakis
© L'Insolent
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