COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 1er OCTOBRE 2001

Ernest-Antoine Seillière au pied du mur de Montreuil

Le président du MEDEF ne peut pas rester inerte

C'est aujourd'hui que sont statutairement renouvelés, par décret, les conseils d'administration des trois principales caisses nationales de la Sécurité sociale. En dépit de l'autonomie des branches, fictivement affirmée par la Loi de juillet 1994, l'assurance maladie, l'assurance vieillesse et les prestations familiales, obéissent aux mêmes règles et subissent les mêmes tutelles.

Ce renouvellement, pour la première fois depuis 1941, se fera sans les deux principales organisations patronales, le MEDEF et la CGPME. La Confédération générale des petites et moyennes entreprises suivra son grand frère. Seule la fantomatique UPA, — sigle désignant l'Union professionnelle artisanale, supposée représenter les artisans français, qui en général ignorent jusqu'à son existence — se désolidarise, pour l'instant, du bloc patronal.

Le MEDEF et la CGPME ont en effet décidé de mettre à exécution une menace réaffirmée solennellement et définitivement le 19 juin dernier. Dans le passé, cette menace avait été maintes fois brandie, mais elle n'était jamais intervenue que pendant une période assez courte et pour la seule gestion de l'assurance maladie, qui de toutes manières n'est pas paritaire. Aujourd'hui, le MEDEF et la CGPME rompent parce qu'il ne leur est pas possible de ne pas protester contre l'utilisation des cotisations sociales pour financer les 35 heures. Trop c'est trop. Mais on rappellera que jamais le grand patronat n'a enrayé, par exemple, les pratiques liberticides de la branche recouvrement à l'égard des entrepreneurs individuels : osera-t-on rappeler que présidées nominalement par un représentant patronal, les Urssaf départementales gèrent proportionnellement 6 à 10 fois plus de contentieux avec les petits entrepreneurs qu'avec les grandes sociétés ? Qu'elles déclenchent plus de 85 % des liquidations d'entreprises ? Qu'on se rassure : les représentants de l'UPA ne s'en sont jamais rendus compte et n'ont pratiquement jamais fait connaître leur légitime indignation.

Le 21 juin (http://www.europelibre.com/CL/cl010621.htm) nous indiquions alors que "le MEDEF a adressé une sorte de mémorandum en 10 points rédigés par M. Kessler. Le fond de l'affaire tient au dossier du financement des 35 heures où le gouvernement prétend faire payer sur les comptes de la Sécu, la réduction du temps de travail au mépris d'une Loi remontant à 1994 et du bon sens. Mais l'offensive Kessler ne remet pas en cause le funeste monopole de la sécurité sociale. Pourquoi donc le MEDEF qui a voulu changer de sigle en 1998, ne remet-il en question ni le monopole ni le paritarisme, voilà ce qui intrigue sérieusement dans la stratégie Kessler."

"Nous ne voulons pas continuer à gérer la Sécurité sociale dans ces conditions, et nous la quittons", a dit le président du MEDEF le 28 septembre.

C'est très bien. Ira-t-il plus loin ? Ce serait bien. Mais nous nous garderons de parier.

M. Seillière n'a, jusqu'à présent, jamais voulu fermer définitivement la porte de la gestion paritaire des organismes sociaux. "Soyons clairs, nous sommes partis, avait-il annoncé dès le 19 juin, nous ne renouvellerons pas nos administrateurs, mais si on veut nous inviter à participer dans des conditions nouvelles où nous exercerions de vraies responsabilités, bien entendu, nous n'aspirons qu'à cela".

Le départ du MEDEF et de la CGPME aura cependant une conséquence inéluctable. Il modifie tous les équilibres façonnés au cours des années au sein des conseils d'administration. Cela affaiblira notamment les alliés du MEDEF, c'est-à-dire principalement la CFDT et la CFTC. Ainsi la CFDT avait en juillet 1996, à la faveur des ordonnances de Jacques Barrot décretées dans le cadre du plan Juppé, pris la présidence de l'assurance maladie arrachée à Force Ouvrière.

Cette dernière a une revanche à prendre et nul ne doit douter que Marc Blondel fera tout pour récupérer une présidence qui a toujours été très profitable à sa centrale. Pire encore, la CGT ambitionne la présidence de l'une des caisses nationales. La branche famille est actuellement présidée par la CFTC et la branche vieillesse par la CGC. Il existe d'autres bastions fromagers non négligeables : dans la branche recouvrement l'ACOSS, gérant la trésorerie d'ensemble du système, mais aussi les Urssaf, la caisse maladie Île de France, et bien entendu tous les organismes régionaux.

M. Seillière est donc au milieu du gué. Tous les défenseurs de la Liberté seront très attentifs aux initiatives qu'il prendra. Il ne saurait rester inerte, à moins de renoncer entièrement à sa volonté de refondation sociale.

JG Malliarakis

Pour accéder au Courrier précédent