COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 12 OCTOBRE 2001

DERNIÈRES SOTTISES DE LA MISSION PEILLON MONTEBOURG

Les recettes de la réussite sont libérales

Le 10 octobre les services de l'Assemblée nationale diffusaient la dernière publication (hélas c'est seulement la dernière en date… Il y en aura sans doute d'autres) de la ridicule mission dite "d'information commune sur les obstacles au contrôle et à la répression de la délinquance financière et du blanchiment des capitaux en Europe." (Ouf !)

De façon particulièrement opportune dans le contexte international actuel, cette publication se voulait "accusatrice", tout simplement, de la Cité financière de Londres, en même temps que du rocher de Gibraltar et des Dépendances de la Couronne britannique, qualifiés pèle mêle de sanctuaires de l'argent sale.

Les rapporteurs de ce document sont MM. Vincent Peillon, porte parole du parti socialiste et Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire. Leur factum a été déposé en application de l'article 145 du règlement de l'Assemblée, et au nom de la "mission".

À en croire le document, "la plus grande place financière du monde demeure particulièrement vulnérable au blanchiment des capitaux en raison des millions d'opérations qui s'y traitent chaque jour, de la variété des produits financiers qui y sont proposés, de la permissivité de la législation sur les trusts qui garantit l'anonymat des bénéficiaires réels des fonds, de l'absence de réglementation de certaines professions financières."

Il y a en fait deux catégories d'affirmations, dont l'amalgame est particulièrement pervers.

1° Les premières relèvent tout simplement de la pétition de principe. La plus grande place financière du monde est l'objet des plus grandes activités de "l'argent sale" dit le rapport. Mais elle est aussi l'objet des plus grandes activités de "l'argent propre"! Tout simplement le concept d'argent sale est faux. La poste d'État, à ce compte, charrie le plus grand nombre de lettres anonymes. France Télécom assure plus grand nombre d'appels malveillants, le TGV transporte plus vite les malfaiteurs etc. Faut-il donc supprimer le téléphone pour empêcher les appels malveillants ?

La City, "coffre-fort de la finance mondiale", nous dit-on encore "continue d'ignorer largement ses obligations anti-blanchiment pendant que la communauté des magistrats des différents pays d'Europe souffre des interminables exigences du Royaume-Uni pour accorder sa coopération judiciaire." Et si, tout simplement, les magistrats britanniques reprenaient à leur compte l'article de la déclaration des Droits de l'Homme de 1789 sur la présomption d'innocence. Les magistrats financiers français ont au contraire dans l'esprit que tout entrepreneur est par définition suspect, suspect de crimes virtuels comme l'abus de biens sociaux (concept inventé en théorie pour protéger les actionnaires minoritaires) suspect de délinquance en col blanc ou, pis encore, de dissimulation fiscale.

Les Britanniques ont décidé de rendre un peu plus socialiste à la fin de l'année leur législation financière libéralisée par le gouvernement Thatcher dès 1979, pour le grand profit de l'Angleterre. Mais, aux yeux des gens comme Montebourg "il ne s'agit là que d'une première étape". Au nom des "engagements européens," la Grande-Bretagne va se trouver "mise en accusation" à propos des Dépendances de la Couronne et les Territoires d'outremer envers lesquels elle exerce une responsabilité particulière.

2° affirmation : l'Angleterre doit renoncer à son institution séculaire des "trusts" (le mot est impopulaire en France mais il désigne en droit anglais une réalité bien différente de ce que nous désignons abusivement sous ce mot. Les Anglais auraient tout à fait tort de céder. Heureusement, ce que nous lisons dans la presse britannique (le Times, le Guardian, etc.) en date de ce 10 octobre ne semble pas annoncer une capitulation. De 1986 à 1998, 357 dossiers de blanchiments de capitaux ont été jugés à Londres, contre 538 en Italie et 2 034 aux États Unis pour la seule année 1995 ; faut-il en conclure que l'Angleterre est plus laxiste ou tout simplement qu'elle est moins mafieuse ?

Ne serait-il pas temps de considérer que les recettes libérales de sa réussite financière, plutôt que d'être stupidement dénigrées, mériteraient d'être respectées, et au besoin, plagiées…

• JGM •

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