COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 17 OCTOBRE 2001

JG Malliarakis

IMMOBILITÉ SOCIALE et RECUL NATIONAL

Attention: un immobilisme peut en cacher un autre

Il est une expression plus laide encore que celle de "mouvement social", faux euphémisme pour désigner une grève, c'est la périphrase "suite à un mouvement social". On l'a beaucoup entendue, à nouveau, ce 16 octobre sur les quais de gare, en attendant les voitures de ce réseau régional réputé express et de ce train qui n'est à grande vitesse que lorsqu'il roule.

En fait de mouvement, ce qui nous frappe le plus en l'occurrence, c'est l'immobilité.

Dans les transformations et les périls graves qui agitent le monde, cette grève pépère de bureaucrates routiniers a quelque chose de rassurant, quelque chose de familier, comme un vieux bœuf miroton, comme une de ces recettes de grands-mères qui nous donnent parfois le sentiment que rien ne bouge. On en arriverait presque à regretter que les 2/3 des TGV-Nord, Eurostars, Thalys ou Paris-Lyon circulent, démentant le calendrier des rentrées dites chaudes et la chute des feuilles à l'automne.

" La seule chose qui ne change pas c'est le changement " disait déjà, aux alentours de la 70 olympiade, Héraclite l'Obscur. Cela reste vrai aux approches de la 700. Et ce qui nous inquiète le plus dans tout cela, c'est qu'une immobilité peut en cacher une autre : l'immobilité impavide de M. Blondel et de ses semblables, sordides démagos bureaucratiques et radoteurs, ne doit pas nous faire ignorer l'immobilité arrogante de nos énarques psychorigides et de nos technocrates.

Ainsi pouvait-on prendre connaissance, avec effroi, du programme "alternatif" de M. Juppé dans les Échos (16 octobre). Car si M. Juppé, en effet, n'est pas le seul technocrate psychorigide de cette classe politique française, que le monde nous envie, il n'en est pas le moins représentatif…

Le voici donc, n'ayant rien appris ni rien oublié, après sa défaite qu'on aurait pu croire définitivement disqualifiante de 1997, nous parlant comme s'il était déjà premier ministre d'une coalition UDF-RPR doublement victorieuse en 2002, et installée pour 5 ans. "Nous pourrons nous engager dans une stratégie budgétaire et fiscale à cinq ans. Ce sera la première fois que nous aurons une visibilité à si long terme." N'ironisons pas : après sa courte victoire électorale de 1967, la même majorité avait eu une identique " visibilité ". Elle n'a pas vu venir le typhon de 1968… M. Juppé n'est pas un cap-hornier, c'est un marinier parvenu à Bordeaux par le canal du Midi.

Que va-t-il faire de sa visibilité ? Par exemple, à la question "Que ferez-vous des 35 heures qui sont une réforme très populaire", il répond de façon limpide : "Aucun parti politique ne sera élu s'il affiche comme l'une de ses priorités l'abrogation pure et simple des 35 heures". Nuances de discours, dira-t-on. Non : c'est pire encore ! Car M. Juppé précise : "on pourra et on devra créer de nouveaux espaces de liberté". Autrement dit, on compliquera encore la réglementation, car pour délimiter les espaces ainsi créés, le passage obligé sera bel et bien la perspective de nouveaux décrets, de nouveaux arrêtés, de nouveaux arbitraires, au mépris du libre choix des Françaises et des Français.

Et tout le reste est à l'avenant. On prétend "réconcilier l'entreprise et les Français". Mais combien d'heures dans sa vie M. Juppé a-t-il travaillé dans une entreprise ? Où a-t-il vu que les Français réels ont besoin d'être réconciliés avec l'entreprise ?

Disons les choses franchement : un tel texte est à la fois consternant et démoralisant. M. Juppé nous indique clairement que, jusqu'en 2007, peut-être la droite française s'enferme dans l'immobilisme. On nous promet une décrue fiscale, peut-être au bout de 5 ans. Mais pour justifier ses hausses d'impôts de 1995 et 1996, il nous explique froidement qu'il les a "faites au moment où il y avait le feu dans la maison." Or, quelques lignes plus haut on découvre qu'il présage en 2002 une situation comparable à celle du 1er janvier 1996. Rien ne nous autorise donc à espérer qu'il n'augmentera pas, de la même manière qu'il le fit naguère, les impôts, "provisoirement", pour faire face à la même situation.

Or, si la France ne passe pas très vite à l'action pour soulager sa pression fiscale démesurée, c'est par centaines de milliers que les emplois et les entrepreneurs individuels fuiront la France.

On ne peut même plus sourire de l'immobilisme social des Blondel et des Juppé. Il engendre et engendrera un recul terrible de l'économie française sclérosée par l'étatisme.

Il y a urgence. Messieurs nos politiciens et nos énarques doivent le comprendre.

• JGM •

Pour accéder au Courrier précédent