COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 18 OCTOBRE 2001

LA PRÉSOMPTION DE REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE EST-ELLE VRAIMENT "IRRÉFRAGABLE" ?

La mobilisation nationale du 16 octobre :

40 000 personnes à l'appel de 15 centrales syndicales

Nos lecteurs sont, pour la plupart, des gens avisés, et souvent instruits. Nous leur proposons donc ce matin un petit exercice qui s'apparente à l'explication de textes ou au commentaire composé scolaire. Il nous est donc agréable de leur demander ici de réfléchir à deux questions

1° Les bureaucraties syndicales françaises sont-elles encore en ce XXI siècle commençant l'émanation ou l'expression d'une quelconque classe ouvrière de notre pays ?

2° Depuis 1966 leurs sections d'entreprise bénéficient d'une "présomption irréfragable de représentativité" reconnue comme telle par la réglementation française. N'est-il pas grand temps de reconsidérer ce concept ?

Question subsidiaire : qui est l'inventeur de cette représentativité réputée irréfragable ?

Autre question : en sachant que les 180 000 salariés de la SNCF représentent 0,9 % des effectifs de salariés et de fonctionnaires notre pays et qu'ils réalisent plus de 20 % des journées de grève, faut-il en déduire qu'ils sont les plus malheureux et que donc le bon sens et la justice commanderaient de mettre un terme au fonctionnement de ce bagne subventionné qu'est la SNCF ?

Pour répondre aux deux premières questions nos lecteurs voudront biens reporter aux 3 dépêches de l'agence monopoliste d'État France Presse, tout ense demandant s'il n'existe pas une sorte de complaisance étrange, de la part des fabricants de l'information française vis-à-vis du concept de représentativité irréfragable ?

Première dépêche : après la grève

Grèves : les salaires et l'emploi ont peu mobilisé Paris (AFP), le 17-10-2001 © 2001 AFP.

La défense des salaires et de l'emploi, dans le secteur privé et public, n'a pas jeté grand monde dans les rues mardi mais le mot d'ordre syndical a fortement perturbé les transports parisiens et régionaux, sur fond de polémiques sur l'opportunité d'une mobilisation dans un contexte international lié aux attentats du 11 septembre.

Environ 40 000 manifestants, selon la police, ont défilé dans les rues, à Paris et dans les régions dans le cadre d'une journée nationale de grèves et de manifestations pour exiger une hausse des salaires, des retraites et des minima sociaux, ainsi que la sauvegarde de l'emploi.

Lancée par FO, elle a ensuite été ralliée par la CGT, la CFTC, la CFE-CGC, le Groupe des Dix et la FSU. La CFDT ne s'y est pas associée, critiquant une mobilisation " fourre-tout ", mais sa fédération des cheminots a participé au mouvement.

Les perturbations dans les transports, spécifiquement trains et autobus, ont constitué le point d'orgue de la mobilisation.

De nombreux grévistes des transports sont venus grossir les cortèges d'ampleur inégale. Outre Paris, qui a rassemblé entre 7 000 manifestants (selon la police) et 15 000 (organisateurs), les gros défilés se sont tenus dans les régions touchées par les plans sociaux.

Ainsi, selon la police, 3 000 personnes, notamment des salariés de Philips, ont défilé au Mans. À Limoges, ils étaient 2 000, dont près de 600 salariés du fabricant électrique Legrand, dont la Commission européenne a bloqué la fusion avec Schneider.

Quelque 2 000 personnes, dont des salariés de Selnor (Moulinex), ont défilé à Lille. À Lyon, 1 800 manifestants, avec des salariés de Moulinex-Brandt-Ciapem et d'Aventis, ont arpenté les rues de Lyon.

Environ 1 000 personnes, principalement des salariés de l'usine Moulinex de Cormelles-le-Royal (Calvados), menacée de fermeture, ont manifesté à Caen.

A Toulouse, 2 500 manifestants (6 000 selon les organisateurs), ce sont les personnels de l'hôpital psychiatrique Marchant détruit par l'explosion de l'usine AZF, qui marchaient en tête.

À Marseille, entre 32 000 manifestants, selon les organisateurs, et 6 000, selon la police, ont défilé derrière le leader de FO, Marc Blondel.

Ailleurs, la mobilisation a réuni entre 200 et 1 300 personnes, comme à Strasbourg, Tarbes, Saint-Nazaire, Montpellier, Reims, Brest ou encore Clermont-Ferrand.

Le secteur public et les entreprises publiques ont été peu affectés par les grèves. Une polémique est née sur l'opportunité d'une telle journée dans un contexte international tendu.

Les critiques les plus virulentes sont venues du Medef qui a vilipendé une absence de "patriotisme social" des syndicats. La droite a dénoncé des "mouvements corporatistes et indécents" qui "allaient désorganiser le plan Vigipirate".

François Hollande (PS) a estimé qu'il fallait "parfaire notre démocratie sociale" afin de "chercher des solutions ensemble plutôt que de décider une grève avant d'aller vers la négociation".

Les responsables syndicaux ont réfuté les accusations. "Ma façon de faire du patriotisme économique, c'est de demander une revalorisation des salaires" pour soutenir la croissance économique, a déclaré M. Blondel.

Deuxième dépêche : pendant la grève.

Transports très perturbés, malgré une mobilisation relative PARIS (AFP), le 16-10-2001 © 2001 AFP.

Le secteur des transports, spécifiquement trains et autobus, a été largement affecté mardi par les appels à la grève lancés dans le cadre de la journée interprofessionnelle d'action, même si la participation aux arrêts de travail n'a pas été d'une ampleur exceptionnelle.

La SNCF, où toutes les fédérations sauf la CFE-CGC appelaient à la grève sur les salaires, les moyens matériels et humains, et la protection sociale, a ainsi recensé 27,6 % de grévistes, contre 29,8 % le 29 mars, lors d'une autre grève unitaire sur des thèmes revendicatifs proches.

L'entreprise, dont le trafic a été toutefois largement affecté, annonçait un retour à la normale dès mercredi, à l'exception de petites perturbations régionales liées à la remise en ordre des roulements après la grève.

Mardi, les usagers ont dû se contenter de 2 Eurostars et 2 Thalys sur 3, 2 TGV Nord-Europe sur 3, 1 TGV Atlantique sur 3, 2 TGV Paris-Lyon sur 3, et 1 TGV Sud-Est sur 2. Pour les grandes lignes classiques, 1 train sur 2 était assuré vers le nord-est, et 1 train sur 3 sur les autres directions.

L'Ile-de-France a également vu ses transports ferroviaires durement affectés. En revanche, les perturbations sont restées limitées à la RATP, avec un trafic "quasi normal", selon la régie, sur le réseau bus et tramway, et des suppressions de rames sur quelques lignes de métro à partir de 10 h 00. Mais tout était rentré dans l'ordre à 17 h 00, fin de la période couverte par les préavis de FO et de la CGT, toujours selon la RATP.

Les régions ont été diversement touchées, avec un trafic ferroviaire allant de 2 trains express régionaux (TER) sur 3 à un seul aller-retour par destination pour la journée, en passant par le remplacement des liaisons ferroviaires par des autobus.

Par surcroît, de nombreuses métropoles régionales ont connu des perturbations dans leurs réseaux de bus, tramway et métro, où les fédérations CGT, FO, CFTC et FNCR (chauffeurs autonomes) avaient appelé à la grève pour réclamer un système de cessation anticipé d'activité à 55 ans.

Ainsi, aucun bus n'a circulé à Bordeaux, Lille, Lyon et Pau, en raison de piquets de grève bloquant les véhicules dans les dépôts, selon l'Union des transports publics (UTP, patronat).

Douai, Florange, Marseille, Calais, Évreux, Maubeuge, Montpellier, Nancy, Reims, Béthune, Clermont-Ferrand, Lorient, Saint-Brieuc, Tours, Valenciennes, Angers, Avignon, Blois, Charleville-Mézières, Dijon, Lille-métro, Lyon-métro, Nantes, Nîmes, Poitiers, Rennes et Valence, ont également connu des difficultés d'ampleur variable.

Toutefois, selon l'UTP, "on ne peut pas parler de mobilisation massive pour le départ à 55 ans", revendication à l'origine de sept mouvements de grève qui avaient touché de nombreux réseaux au printemps.

Enfin, le trafic aérien a été perturbé à l'aéroport franco-suisse de Bâle-Mulhouse, où les contrôleurs aériens se sont joints au mouvement.

Troisième dépêche : avant la grève.

Quatre syndicats appellent à la grève PARIS (AFP), le 16-10-2001 © 2001 AFP.

Grèves et manifestations dans toute la France, assorties de perturbations dans les transports, sont au programme de cette journée choisie par FO, CGT, CFE-CGC et CFTC et le Groupe des Dix pour faire valoir leurs revendications en matière de salaires, retraites et minima sociaux.

Les quatre confédérations syndicales ont annoncé le 1er octobre l'organisation de cette journée d'action interprofessionnelle, à l'initiative de Force ouvrière, après s'être mises d'accord sur des revendications d'ordre général. Dans un communiqué commun, elles ont appelé "salariés, actifs, chômeurs et retraités " à faire grève et manifester pour "l'augmentation des salaires, la revalorisation des retraites, des minima sociaux", et pour "de nouvelles garanties afin de s'opposer aux suppressions d'emplois, à l'extension de la précarité ".

Plusieurs milliers de manifestants ont défilé mardi à Marseille, Paris, Toulouse et Limoges. À Marseille, le secrétaire général de FO Marc Blondel ouvrait le cortège de ses militants qui ont quitté le Vieux-Port en direction de la place Castellane, en centre-ville. "Salaires, emploi, retraites et protection sociale pour le progrès", pouvait-on lire sur les banderoles brandies par les manifestants. Il ne s'agit pas de revendications "fourre-tout", a affirmé Marc Blondel. "Chaque revendication a un effet sur l'autre", a-t-il poursuivi.

S'exprimant sur l'opportunité de l'appel à cette journée d'action, Marc Blondel a déclaré que sa "façon de faire du patriotisme économique, c'est de demander une revalorisation des salaires". Les opérations militaires menées en Afghanistan "ne doivent pas peser sur le droit de grève, nous sommes en démocratie", a-t-il poursuivi.

 

"Les faits sont sacrés. Les commentaires sont libres." (Devise du Guardian de Manchester.)

• JGM •

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