COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 19 OCTOBRE 2001

LA RELANCE SELON FABIUS EST-ELLE "KEYNÉSIENNE" ?

Le "libéralisme" attribué à M. Fabius

n'est pas une appellation contrôlée

Décidément, M. Fabius a beaucoup de chemin à parcourir pour mériter la réputation de libéral dont une certaine presse l'entoure. Il est vrai que, sur cette appellation, si mal définie, les contrôles sont moins rigoureux que sur la production viticole française… Quand on lit la littérature des gens qui se disent anti-mondialisation, on éprouve l'impression que le gouvernement de Lionel Jospin mènerait une politique "ultralibérale". Faut-il attribuer ce "libéralisme" l'influence de M. Gayssot ?…

Le 16 octobre à l'Assemblée nationale, M. Fabius lançait ce qu'il appelle un "plan de consolidation" de l'économie. Le Monde (18 octobre) juge ainsi ce petit programme insignifiant : "Un soutien psychologique plus qu'un plan de relance. Ce mini plan joue d'abord sur le registre de la confiance". Et comme tout arrive, reconnaissons que, pour une fois, nous ne pouvons que souscrire à cette analyse venant du quotidien de la pensée unique française. Nous le faisons ici sans honte.

Certains pensent parfois que l'économie "de gauche" serait, par définition, – si elle n'est pas ouvertement marxiste, planificatrice et collectiviste – alimentée légitimement par les recettes dites keynésiennes. Et le débat des théoriciens porte alors, relativement à l'attribution des mérites de l'étiquette "libérale" à M. Fabius, sur la nature plus ou moins "libérale" de Keynes et des recettes qu'on lui attribue, en général faussement.

Il est généralement admis que Keynes lui-même a pris parti, dans ses écrits, articles, pamphlets pour des mesures de "relance" par les investissements publics (programmée grands travaux) ou par les investissements des entreprises (résultant par exemple de la baisse des taux d'intérêts). En aucun cas on ne saurait se revendiquer des théories de Keynes pour fonder l'idée de la relance par la consommation dite populaire, slogan dont les effets désastreux ont pu se mesurer dans la France des années 1980.

Appeler "keynésien" un programme de relance par la consommation populaire est une imposture aussi claire que celle de la taxe dite Tobin telle qu'elle est proposée par le mouvement gauchiste Attac, désavoué par Tobin. La théorie de Keynes, d'ailleurs fort discutable, s'appelle le "multiplicateur d'investissement" : une impulsion donnée aux investissements va se trouver induire une série d'autres investissements, série dont la convergence mathématique supposée produira le fameux coefficient multiplicateur. L'application éventuelle de cette théorie à une impulsion donnée par l'État à la consommation des ménages produira, par elle-même un effet multiplicateur probablement 5 fois moindre, effet qui sera plus qu'amputé par les prélèvements qu'il nécessitera. Au bout du compte, même en admettant la thèse macro-économique du multiplicateur d'investissement (thèse à laquelle je ne me rallie pas personnellement) cette thèse ne saurait justifier les mesures destinées, nous dit-on à soutenir la consommation des ménages.

Or le "plan Fabius", complétant le projet de loi de finances 2002 contient essentiellement des mesures de versement d'une rallonge à la prime pour l'emploi en janvier, la profonde révision des modalités d'attribution des licences de téléphonie mobile et, pour financer ce plan, la privatisation de la société des Autoroutes du sud de la France.

Pour les premiers, le gouvernement a donné son feu vert au versement en janvier d'une PPE identique à celle déjà reçue par plus de 8 millions de travailleurs modestes en septembre, indépendamment du doublement déjà prévu dans le Projet de loi de finances.

Les mesures concernant les entreprises ne semblent figure que pour la symétrie : c'est un amortissement exceptionnel de 30 % possible pour les investissements souscrits jusqu'au 31 mars. L'échéance de la dette de l'État aux entreprises au titre du remboursement de la TVA sera par ailleurs avancée de 2007 à début 2002. Un train de mesures ponctuelles sera destiné à la Banque de Développement des PME, et au secteur de la biotechnologie. Par ailleurs, l'État aider les secteurs"pénalisés par le ralentissement" ou par les attentats (transport aérien, assurances et tourisme). Au total le déficit probable pour 2002 sera non pas de 200 milliards de Francs mais entre 250 et 300 milliards contre 260 en 1997. Les communistes conditionneront leur vote à la suppression, éventuellement étalée sur trois ans, de la taxe sur les salaires payée par les hôpitaux…

Comment soutenir que tout cela sauvera la prospérité de la France ?

• JGM •

Pour accéder au Courrier précédent