COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 25 OCTOBRE 2001

LA NATURE DÉPENSIÈRE DE LA LOI SÉCU

Un système toujours plus dépensier

Dès l'époque où le futur plan Juppé apparaissait comme un projet concocté sous la houlette du redoutable M. Bianco, puis du très consensuel et très inepte M. Teulade, l'idée du vote par l'Assemblée nationale de l'évolution des dépenses de Santé pouvait être dénoncée comme une dangereuse lubie. Puis, est intervenue la réforme constitutionnelle de 1996 inventant le concept de loi de financement de la sécurité sociale. Présentée elle-même au public comme un moyen de maîtriser les dépenses de Santé, en même temps qu'une rigoureuse application de la démocratie planificatrice, cette réforme Juppé, suivie de la mise en place du fameux plan Juppé aboutissait, bien évidemment, au contraire de ce que pensaient ses promoteurs et ses défenseurs, notamment dans les partis et les journaux de droite, que nous ruons la charité (toute provisoire) de ne pas nommer ici.

En particulier le fameux Ondam, sigle mystérieux désignant l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, n'est pas autre chose que le taux directeur " voté par le parlement " dont nous avions relevé, en riant, la proposition qui semblait (alors) totalement farfelue dans les propos du niais député socialiste Belorgey en 1991. Dix ans plus tard l'utopie technocratique ubuesque est mise en pratique comme si elle remontait aux Pères fondateurs.

L'Ondam entraîne divers effets. Par exemple son choix systématique en faveur des budgets énormes et incontrôlables de l'hôpital public explique la révolte actuelle des cliniques privées contraintes pour la première fois de faire grève les 24 et 25 octobre. La seule distorsion public/privé est en elle-même un facteur aggravant des dépenses maladie. Le secteur public, systématiquement favorisé, appuyé par les syndicats, a droit à des rythmes d'augmentation plus fort que le second. Et grosso modo, on peut évaluer à 35 % le surcoût, pour la Caisse nationale d'assurance maladie du traitement d'une même pathologie dans un hôpital public par rapport à une clinique privée.

Mais l'Ondam a des effets plus globaux encore.

M. Juppé croyait, contre toute l'expérience historique de toutes les démocraties, dans tous les domaines, que le vote des dépenses de Santé par une assemblée d'élus aurait nécessairement un effet de restriction de la dépense. Tout au contraire, dans un pays où la majorité des électeurs ne payent pas l'impôt sur le revenu, et où la totalité des salariés est tenue dans l'ignorance du poids réel des charges sociales, où les 2/3 des élus sont issus eux-mêmes de la fonction publique, et où les mouvements antifiscalistes sont vilipendés, diabolisés, marginalisés et/ou réprimés, la majorité est toujours dépensière. On le constate chaque année depuis 1996 : les dépenses budgétisées augmentent toujours.

On peut donc observer sans surprise les manœuvres parlementaires autour de la discussion en carton pâte à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, débat commencé dans l'indifférence générale le 24 octobre. Chacun sait qu'en cette occasion une tractation misérable permettra même au groupe communiste de faire semblant d'arracher une concession " en faveur de l'hôpital public ".

Car le point essentiel est que ce mécanisme institué par l'actuelle opposition, nous le soulignons à nouveau, a bel et bien pour effet, non pas de promouvoir la préoccupation de l'équilibre financier du système, encore moins celle d'une gestion plus rigoureuse du risque maladie au bénéfice des assurés, mais d'une programmation budgétaire très classique de dépenses en hausse continuelle. On peut en effet, dans une période où la nation est persuadée qu'elle n'a pas d'ennemi, rogner les dépenses militaires. On ne peut pas comprimer celles de l'éducation nationale puisque " donner des moyens à l'école " c'est, paraît-il, investir dans l'avenir. On peut encore moins diminuer les dépenses de l'hospitalisation puisque " la Santé c'est sacré "…

Regardez, sans y consacrer trop de temps bien sûr, la chose est ennuyeuse, comment votre quotidien présente les discussions parlementaires sur le sujet et vous mesurerez sans difficulté combien dangereuse a été la réforme de 1996.

On a effectivement étatisé le système de sécurité sociale et nationalisé le secteur de Santé, en France : un formidable progrès du collectivisme dans notre pays ! Et, pis encore, les politiciens français trouvent cela si bien que l'on envisage de faire du Premier ministre de 1995 le Premier ministre de 2002, peut-être même jusqu'en 2007, comme si rien ne s'était passé dans le monde….

• JGM •

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