COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 29 OCTOBRE 2001
LA NOUVELLE FORME DES INÉGALITÉS SCOLAIRES
M. Lang est affolé
à l'idée que l'école puisse évoluer
Une enquête en ligne sur le site du ministère de l'Éducation nationale a ému, dès qu'elle fut annoncée, les bons esprits du quotidien Le Monde.
Il existe en France 4 956 collèges publics en France. Or, la DPD vient de réaliser une enquête basée sur une méthode innovante. Et les résultats de cette enquête de la DPD constatent l'ampleur des disparités entre les établissements. Un résultat inouï, n'est-il pas vrai ? Sous ce sigle de "DPD" tellement euphonique ! se dissimule la très officielle Direction de la programmation et du développement du ministère. On est donc autant surpris de voir la DPD adopter une méthode d'enquête innovante que l'on est scandalisé d'en apprendre le résultat. L'égalité à l'école y est remise en question. Un scoop
Pour la première fois, la DPD a utilisé une multitude de critères croisés. Elle prend en compte ce que l'on appelle la catégorie socioprofessionnelle des parents, la proportion d'enfants étrangers, le pourcentage d'élèves manifestant un retard scolaire, etc. Avec tous ces critères on, détermine ce que la DPD considère comme la typologie des collèges, qui se décomposeraient en 6 catégories : les collèges "favorisés", les collèges "moyens", les collèges "ouvriers", les collèges "en retard", les collèges "difficiles " et, enfin, les collèges "très difficiles". Si seulement un peu plus de 10 % des collèges sont classés dans la première catégorie (collèges "favorisés"), 10 % des collèges sont qualifiés de " très difficiles " ou de "difficiles" car ils présentent "des caractéristiques sociales et scolaires prédictives de grandes difficultés" et 14,6 % des collèges sont "en retard, du fait de la forte proportion d'élèves ayant redoublé une ou plusieurs fois".
Le quotidien Le Monde publie alors des cartes qu'il considère comme parlantes : les départements qui accueillent le plus d'élèves boursiers (et que Le Monde considère assez logiquement comme socialement défavorisés) sont également ceux qui ont les moins bons taux de réussite au bac. Voilà ce que l'on cherche à démontrer. Et comme on a introduit dans le raisonnement la part d'arbitraire destinée à aboutir à la conclusion désirée, bien évidemment on arrive à quelque chose qui y ressemble.
Il serait cependant intéressant de se demander, pourtant, si sur les 4 956 collèges existant en France, les quelque 25 % de "difficiles", "très difficiles", ou "en retard" n'obéissent pas à une logique commune, légèrement différente de celle que la DPD voudrait faire homologuer.
Par exemple, si les bons esprits entendent sortir de la logique inégalitaire "selon les quartiers", logique de discrimination territoriale qu'ils suggèrent paradoxalement (car la DPD dépend bel et bien du ministère lui-même ) peut-être gagneraient-ils à ne pas dénigrer l'école partiellement en ligne;, Or, Le Monde (26 septembre) dénonce celle-ci comme une "marchandisation de l'enseignement". En avril 2001, le Centre pour la recherche et l'innovation dans l'enseignement de l'OCDE présentait aux ministres " six scénarios pour l'école de demain " prévoyant que le Réseau précipitera "le démantèlement des systèmes scolaires". De plus, l'OCDE en arrive à prévoir que dans l'école des années 2015-2020, l'enseignement sera de plus en plus privatisé. Les établissements publics ne subsisteront que "pour les exclus du numérique", courant le risque de se transformer en "dépotoirs". Jack Lang, ministre français de l'Éducation nationale, feint de croire que ce "scénario catastrophe n'est pas plausible" et qu'il "fait abstraction de tous les efforts que nous avons engagés pour moderniser notre système éducatif et pour faire entrer le multimédia et Internet à l'école."
Ce qui nous semble frappant, au contraire, c'est que l'éducation nationale monopoliste française en arrive à dénoncer, comme si elles étaient la faute des autres (parents réactionnaires, méchants capitalistes, etc.) les conséquences de sa propre politique, de sa propre programmation et de sa propre gestion.
Quand la DPD "accuse" qui donc est l'accusé ? Sinon un système dominé, en France, depuis le plan Langevin-Wallon de 1946-1947 et depuis l'arrêté Boulloche de 1959 par l'idéologie socialo-communiste. Ce sont ces gens-là qui ont "assassiné Jules Ferry". ce ne sont pas leurs adversaires. Qu'on se reporte au livre remarquable de M. Philippe Nemo. Restera, face aux nouveaux phénomènes de l'inégalité scolaire, à exiger des politiques qu'ils aient le courage de sauver l'école française, en la diversifiant et en la libéralisant.
JGM
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