COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MARDI 6 NOVEMBRE 2001

JG Malliarakis

LE NÉO MONOPOLE AIR FRANCE RÉDUIT DÉJÀ SES NAVETTES

Redevenu quasi monopoliste

Air France recommence à mépriser ses clients

Le temps de la concurrence et de ses effets bénéfiques sur les vols intérieurs n'aura pas été long.

Aiguillonnée par l'existence d'une offre (potentiellement) alternative à son monopole, la compagnie Air France, propriété de l'État français, avait mis en place en 1996 un système très attractif de navettes sur les principales destinations de l'Hexagone : Orly-Toulouse, Orly-Marseille, Orly-Nice, puis en 1998 sur Orly-Bordeaux. Cette offre spectaculaire tendait immédiatement à lisser les possibilités du déplacement aérien pratiquement continues. Toutes les 30 minutes, un avion d'Air France partant de Blagnac pour se poser à Orly, difficile, et même probablement inutile, de faire mieux en temps réel. Le temps de déplacement du domicile à l'aéroport est en effet rarement inférieur à 30 minutes et les (mauvaises) habitudes du transport aérien imposent, de toutes manières, une autre rupture de charge, entre l'enregistrement des (éventuels) bagages et l'embarquement également de l'ordre de 30 voire 45 minutes. Tout cela demeure étrangement identique, soulignons-le, pour un vol Paris-Pékin et pour un trajet Paris-Marseille.

Le succès commercial de la navette a été indiscutable et, depuis 1998 on notera que ce système a vu sa fréquentation passer de 4,6 millions de passagers d'avril 1998 à mars 1999, puis 5,9 millions l'année suivante, pour atteindre 6,1 millions en mars 2001. C'était trop beau…

Pendant l'été, il n'est pas vrai que la crise ait commencé à frapper si cruellement la fréquentation des navettes Air France, dont la croissance était encore de 1 % entre janvier et septembre. Simplement, cette relative stagnation interrompait le rythme de la montée en puissance des précédentes années au taux de 10 % l'an. Mais comment imaginer, sur une longue durée, une croissance continue de chiffre d'affaires sans une augmentation de l'offre ?

Entre temps les concurrents privés, nécessairement en retrait car moins puissants, étaient eux-mêmes véritablement contraints de réduire leur offre : Air Liberté, financièrement étranglée, passait cet été de 15 vols par jour sur Paris-Toulouse à 7 vols par jour, contre 25 vols à la compagnie Air France. Sans retrouver totalement le monopole de l'époque d'Air Inter on s'en rapprochait à nouveau : la part du marché de l'opérateur historique (comme on dit dans la nov'langue néo-monopoliste) passait alors de 70 %, — sa part du marché de l'été 2000, — à 83 %.

On remarque évidemment le cynisme de ce néo monopole. Environ 50 % de sa clientèle est représentée par les déplacements d'affaires. Les navettes représentent 35 % des passagers transportés. On est très loin des mythiques liaisons dites d'aménagement du territoire. Et surtout le passage de 25 à 23 navettes aller retour pour Toulouse, de 23 à 22 pour Marseille, en attendant 21, de 18 à 15 sur Nice intervient précisément au moment où la concurrence AOM, Air Liberté connaît les difficultés que l'on sait. Ce n'est qu'un début, et il est piquant d'observer que le directeur des lignes métropolitaines lui-même, M. Bruno Lierman reconnaît qu'il ne s'agit nullement de diminuer la capacité de globale "car nous utiliserons des avions plus gros".

Il s'agit donc simplement de diminuer unilatéralement la commodité du service offert à la clientèle ; puisque le monopole est en train de se rétablir, puisque les compagnies privées ont été satellisées, pourquoi se gênerait-on ?

Cette dangereuse tendance à la régression apparaît au moment où la culture cynique du néo monopole, défendue par le ministre cégétiste Gayssot s'exerce aussi vis-à-vis du concurrent européen Easyjet. Contre toute moralité économique "on" essaye de bloquer l'accès à Orly à Easyjet, coupable de faire jouer la concurrence sur les prix. On veut sans doute l'empêcher de polluer notre belle harmonie et notre belle cohésion sociale au nom desquelles il coûte plus cher au consommateur moyen de faire Paris-Nice ou Paris-Toulouse, que Paris-Rome ou Paris-Madrid.

Certes, aux hommes de l'État et aux super technocrates des très grosses sociétés, la question indiffère puisqu'il est ne payent jamais de leur poche. On aimerait bien, quand même, que leurs complices idéologiques du mouvement Attac, adversaires de la "mondialisation", de la libre entreprise et du libre échange, nous expliquent en quoi leur lutte multiprotectionniste peut être porteuse d'un progrès social quand elle rend les voyages aériens inabordables pour les familles nombreuses, pour les revenus modestes, pour les jeunes ménages, en un mot, pour le peuple.

• JGM •

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