COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 15 NOVEMBRE 2001

JG Malliarakis

POUR SAUVER L'ÉCHOGRAPHIE

Jean-François Mattéi président du groupe libéral propose que

"nul ne puisse invoquer un préjudice du simple fait de sa naissance"

L'échographie représente une avancée technologique extraordinaire. Son application prénatale est génératrice d'une très grande émotion pour les familles, futurs papas compris.

Ses bienfaits sont indiscutables. Elle est aujourd'hui considérée comme un besoin.

Hélas, aujourd'hui encore, l'échographie sans erreur est presque aussi utopique que la guerre sans morts. Les échographistes rappellent, que selon leurs estimations, on ne détecte au mieux que 60 % à 80 % des malformations.

Première question à se poser tout de même : s'il y a malformation, l'échographiste y est-il pour quelque chose ? La réponse est clairement, définitivement, non.

Cependant le pouvoir judiciaire français n'hésite pas, depuis l'arrêt Perruche rendu par la Cour de cassation en novembre 2000, à considérer qu'il faut indemniser l'enfant pour le préjudice d'être né handicapé. Cette surprenante décision de l'institution supposée gardienne du Droit français a été suivie d'une autre, tout aussi aberrante allant dans le même sens en juin dernier.

Chose stupéfiante, du fait de ces jurisprudences, l'échographiste devient alors responsable de la malformation qu'il n'a pas pu déceler. Ceci est d'autant plus lourd que sa responsabilité professionnelle durera, dans ce cadre, quelque 49 ans. Aux 30 ans de la prescription civile classique s'ajoutent les 9 mois de la grossesse et les 18 ans de la majorité de l'enfant à naître.

Rappelons que, dans cette logique, le 9 octobre, la Cour de cassation a condamné un praticien pour n'avoir pas, en 1974, prodigué des conseils exigés de lui aujourd'hui dans le cadre de l'information du patient, mais qui ne l'étaient pas à l'époque. L'affaire concernait un homme de 26 ans, handicapé à 25 % suite à un accouchement par le siège. Il avait porté plainte contre l'accoucheur de sa mère pour ne pas l'avoir informée des risques qu'elle prenait en n'accouchant pas par césarienne.

Outre son coût très élevé pour l'assureur, l'arrêt Perruche a entraîné en effet une vague d'autres procès : les plus gros assureurs médicaux annoncent que, chez eux, 200 dossiers sont ouverts en échographie fœtale. Très logiquement, plusieurs sociétés d'assurance ont décidé de ne plus accepter de nouveaux contrats en RCP, responsabilité civile professionnelle, pour l'activité d'échographie fœtale. D'autres commencent à prendre leurs dispositions.

Comme on pouvait le prévoir, les deux principaux assureurs en RCP du corps médical, le Sou médical et la MACSF viennent donc, pour pouvoir assumer ce risque nouveau très lourd, d'envoyer un questionnaire à leurs adhérents praticiens pour savoir précisément qui pratique des échographies fœtales et dans quelles conditions. Dès 2002, on sait que les primes d'assurance vont bondir. Elles devraient être multipliées par un facteur 8 à 10, selon le Sou médical. Un échographiste exclusif (dont l'échographie est la seule activité), assuré pour environ 3 000 francs par an aujourd'hui, devrait payer l'an prochain 25 000 à 30 000 francs.

Ce n'est évidemment qu'un début. Entre 7 000 et 11 000 médecins, qui peuvent être radiologues, gynécologues obstétriciens ou généralistes, assurent aujourd'hui les échographies fœtales en France. Ceux pour qui elles représentent moins de 50 % de l'activité vont être progressivement pour les uns, très rapidement pour les autres, amenés à y renoncer, Or, ils représentent environ 80 % des échographiste. Cela veut donc dire que si l'activité échographique persiste elle sera concentrée dans des cabinets 5 fois moins nombreux. Mais le risque global restera le même ! À leur tour ceux-ci verront donc, à terme, leur risque multiplier d'autant, peut-être par 4 ou 5, et à nouveau les primes d'assurances seront multipliées elles aussi d'autant.

Conséquence inéluctable : avec des primes qui deviendront colossales les échographies prénatales disparaîtront… faute d'échographistes. Ceci est d'autant plus choquant que les Français sont actuellement parmi les leaders mondiaux du dépistage prénatal.

Pour sauver l'échographie française deux pistes :

1° l'amendement déposé par le Dr Mattéi président du groupe CL à l'Assemblée nationale : amendement qui propose que nul ne puisse invoquer un préjudice du simple fait de sa naissance.

2° la prise en charge par la solidarité nationale des vrais handicaps congénitaux graves, car si stupéfiant que cela puisse paraître, dans notre société (si "solidaire"…), le principe n'en est pas acquis.

• JGM •

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