COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
LUNDI 19 NOVEMBRE 2001
JG Malliarakis
L'ÉTAT CAPITULE ENCORE DEVANT LE CHANTAGE CÉGÉTISTELe Paon chef cégétiste de Moulinex
a obtenu gain de cause
Dans notre bulletin du 13 novembre nous posions candidement la question : cédera-t-on au chantage terroriste cégétiste ? Nous aurions du savoir que la réponse est, en France, invariablement : oui. Les décisions relatives au dossier Moulinex l'ont en tout cas confirmé.
On remarquera d'ailleurs que tout le monde n'obtient pas satisfaction dans le dossier.
À l'usine d'Alençon, berceau de l'entreprise pourtant, aucun vote n'a été organisé à l'issue de l'assemblée générale qui a réuni 450 personnes environ. La CFDT majoritaire et pacifique appelait à ne pas accepter les mesures du plan social, tout en reconnaissant que "si les salariés ne nous suivent pas, il n'y aura pas de blocage". "D'ici lundi, on va essayer de faire évoluer le dossier", ajoutait encore le 17 novembre Claude Renault, délégué central CFDT à Alençon. La CFDT est majoritaire mais elle ne peut à elle seule bloquer l'adoption du plan social puisqu'elle ne compte qu'une voix sur les 19 élus du comité central d'entreprise qui doivent voter pour ou contre le plan, le 20 novembre au siège social de Moulinex. La CFDT réclame que la prime additionnelle de licenciement de 12 200 euros soit aussi accordée aux salariés de plus de 56 ans et bénéficiant du Fonds national pour l'emploi. Elle réclame aussi que soit étudié un "projet de maintenance de l'outil de travail sur Alençon" qui permettrait le maintien de 150 emplois sur les 1 100 actuels.
Les usines Moulinex de Cormelles et d'Alençon vont donc fermer, comme deux autres en Basse-Normandie, à Bayeux et à Falaise, qui devaient être consultées les 17 et 19.
L'ultime Comité central d'entreprise de Moulinex sur le plan social accompagnant la reprise partielle par SEB s'est achevé dans la nuit du 16 au 17 novembre. Depuis plusieurs jours, au cours de négociations continues, représentants du personnel, administrateurs judiciaires et Michel Bove, le "Monsieur Moulinex" nommé par le gouvernement, négociaient avec acharnement face à deux syndicats principaux, la CFDT majoritaire et démocratique, et la CGT fidèle aux bonnes vielles méthodes et au double langage staliniens.
Le sujet qui focalisait les débats, à savoir la prime additionnelle de licenciement, a fait l'objet de tractations jusqu'aux dernières minutes.
La revendication était que cette surprime, s'ajoutant aux indemnités conventionnelles de la métallurgie (1/5 de mois de salaire par année d'ancienneté, soit environ 36 000 F pour une ouvrière de base, ne soit pas inférieure à 80 000 F.
Les pouvoirs publics ont fini par accepter le principe de cette prime, puis par dégager une enveloppe de financement approchant les 190 millions de F. Celle-ci pourrait bien finalement être prise en charge, non par l'État généreux "décideur" mais par l'AGS, Association pour la garantie des salaires, organisme patronal couvrant les salaires et indemnités légales des entreprises liquidées. Pour l'instant l'AGS souligne encore que les "mesures" acceptées par "Monsieur Moulinex" nommé par le gouvernement vont au-delà des conventions collectives, et ne relèvent donc pas de son budget.
Ne sous-estimons pas, cependant, la faculté de l'État de faire payer par d'autres ses propres capitulations. Car, si l'on n'a pas donné satisfaction à la CFDT, s'agissant des plus anciens salariés de Moulinex, ceux à qui l'entreprise devait une part de sa prospérité, l'État a capitulé devant les menaces des plus enragés, ceux de l'usine de Cormelles-le-Royal dans le Calvados qui menaçaient de faire tout brûler et tout sauter et avaient commencé à mettre leurs menaces à exécution.
Réunis le 17, quelque 350 d'entre eux, (un bon 1/4) rassemblés en "assemblée générale", adoptaient à une écrasante majorité le plan social après la reprise partielle de Moulinex par SEB, plan social conforme à leurs desiderata. Une dizaine de personnes a osé voter contre et une personne s'est abstenue. Quelle magnifique démocratie.
Aux termes de ce plan social, 760 salariés licenciés de Moulinex à Cormelles-le-Royal recevront une prime additionnelle de 80 000 F en sus des conventions collectives de la métallurgie, ce qui était leur principale revendication ("du fric ou alors boum") après 9 semaines de conflit.
Comme dit la CGT, "l'action syndicale" (comprendre ici : la violence) "ça paye".
Le Chef du pouvoir exécutif français peut donc continuer à se dire fier de compter, dans son gouvernement, des ministres cégétistes.
JG Malliarakis
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