COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 21 NOVEMBRE 2001
JG Malliarakis
LES ÉTRANGES VAGUES DE L'AÉROPORT DE CHAULNESStrauss-Kahn aux côtés des communistes manifeste pour le projet de Chaulnes
On n'arrête jamais le progrès. Aujourd'hui, pour aller de Saint-Nazaire à New York, il faut commencer par un trajet de 2 h 20 en TGV. En 2020, il y faudra peut-être 3 heures du même train à grande vitesse, quand il ne sera pas en panne !
L'annonce officielle de la construction d'un troisième aéroport que l'on persistera à baptiser parisien à Chaulnes dans la Somme, à 125 km au nord de Paris et 100 km de Roissy, amène donc peut-être aujourd'hui certains Français du littoral breton, aquitain ou normand à rêver de voyager, de nouveau, en bateau.
L'affaire traînait déjà depuis près de 10 ans. Le quotidien régional Le Parisien ironise et rappelle d'ailleurs que deux précédents projets ont été abandonnés. La vraie décision est arrêtée, au moins jusqu'à la formation d'un prochain gouvernement. Les arguments invoqués en faveur de la décision du ministre des transports Jean-Claude Gayssot avaient déjà servi à la défense par le premier ministre Alain Juppé, il y a cinq ans, du site de Beauvilliers, dans l'Eure-et-Loir. Celui-ci était aussi absurde quoique situé à l'exact opposé de Chaulnes, au sud de Paris. À nouveau on nous dit que cet aéroport sera entouré de champs de betteraves, qu'il est relié par l'autoroute A 1 et qu'il est situé "au cur du croissant nord de l'Europe, la route aérienne la plus chargée".
Il est intéressant de voir que ce qu'on demande à l'opinion d'avaliser repose sur des arguments théoriques, alors qu'il est parfaitement probable que le public des voyageurs, la foule méprisée des cochons de payants, ne suivra que contrainte et forcée.
Aujourd'hui, les défenseurs du projet, c'est-à-dire les technostructures dirigeant l'établissement public intitulé Aéroport de Paris ou Air France considèrent qu'il faudra faire face à l'explosion du trafic aérien qui progresse en moyenne de 3,5 % par an, "ce qui impliquerait d'ici à 2020, s'effraie-t-on officiellement, au quasi-doublement de Roissy-Orly avec près de 140 millions de passagers par an".
Les opposants à l'idée même d'un troisième aéroport sont, face au vieux stalinien Gremetz, les élus de tous les sites envisagés : Beauvilliers en Eure-et-Loir, Montdidier et Hangest-en-Santerre dans la Somme, Vatry, Les Grandes-Loges et Bertaucry dans la Marne et Juvincourt dans l'Aisne. Ce sont aussi les militants écologistes. C'est aussi la Fédération nationale des usagers des transports.
Tous observent que Roissy et Orly sont sous-utilisés. Roissy et Orly pourraient, sur la base de ce qui s'observe dans les autres grands aéroports internationaux, assurer 1,25 million de mouvements sur les seules pistes existantes. Il y en a 2 à Orly, et 4 actuellement à Roissy où il en était prévu originellement 5. Ceci représenterait un accroissement de trafic de 75 %.
Dans un entretien au Parisien (11 novembre), le ministre Gayssot déclarait au contraire que les atouts de Chaulnes, proposé par son compère le camarade Gremetz, étaient "indéniables au regard des critères de choix", à la fois économiques et environnementaux.
Aux yeux des hommes de l'État, il y a apparemment moins de votants en Picardie qu'en Ile-de-France. Dans la zone de Chaulnes, selon le rapport Zemor, signé du président de la prétendue Commission nationale du débat public, "seulement" 17 000 personnes habiteraient dans le rectangle de gêne sonore du site. Ce sont d'ailleurs des Français de seconde zone, des Picards, des paysans.
En regard, et pour préparer la décision de Gayssot, les organisations proches du parti communiste ont mis en avant diverses manifestations plus ou moins artificielles au nom des riverains d'Orly et Roissy excédés par les nuisances aériennes. On remarquait dans ces manifs, aux côtés des cégétistes, un Strauss-Kahn ragaillardi et blanchi par décision de justice. Les mêmes avaient prétendu imposer au gouvernement un engagement de limiter le trafic à Orly et Roissy à 75 millions de passagers.
Le ministre de l'environnement, M. Cochet, estime qu'on aurait dû étudier d'abord le renforcement d'aéroports régionaux. Les commerciaux d'Air France font valoir que l'échec d'un aéroport trop distant de la métropole a déjà été observé à Montréal-Mirabel et à Londres-Stansted. L'autoroute A1, qui desservira Chaulnes, est déjà surchargée. Il faudra investir 2,29 milliards d'euros pour les dessertes autoroutières et ferroviaires et 3,05 milliards d'euros pour la plate-forme.
Quand au maire du malheureux village de Chaulnes qui compte 116 habitants il se borne à constater tristement : "Nous allons être rayés de la carte, comme en 1916. Les dés sont jetés."
JGM