COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 22 NOVEMBRE 2001
JG Malliarakis
ENFINM. Denis Kessler propose
la mise en concurrence de la sécurité sociale
Ça s'est passé à Strasbourg le 20 novembre. M. Denis Kessler, vice président du Medef a proposé, enfin, d'ouvrir à la concurrence le marché de la couverture maladie obligatoire en France.
Enfin.
En elle-même, cette prise de position est de toute façon, une bonne nouvelle. C'est une avancée considérable pour les idées de réforme en faveur desquelles nous militons dans le cadre de cette chronique quotidienne depuis 1991 et pour laquelle, seule, une poignée de militants, d'économistes, de syndicalistes indépendants ont eu la détermination de s'engouffrer, sans aucun écho véritable dans l'établissement politique. On pourrait compter sur les doigts d'une seule main les hommes politiques ayant eu le courage de prendre personnellement dans les 10 dernières années une telle position. Aucun parti n'en a fait officiellement son programme.
Évidemment, il est permis de se poser quelques questions sur les propositions elles-mêmes
Un mois et demi après avoir cessé de siéger, le 1er octobre, au sein des organismes paritaires, le Medef a proposé la " nouvelle architecture " d'un système de Sécurité sociale en partie privatisé. Relevons-en quelques traits.
On pourrait ainsi ergoter. Les entreprises choisiraient toujours, par exemple, l'assureur de soins, public ou privé, de leurs salariés. Au nom de quoi ?
M. Seillière, président de l'organisation patronale a déclaré dans le cadre plus large de la réunion que "ce qui est bon pour l'entreprise est bon pour la France". Bravo ! Cette doctrine est excellente ! Elle est même encore meilleure que le fameux slogan américain ("ce qui est bon pour General Motors est bon pour les États-Unis") un peu restrictif en faveur des seules grandes entreprises.
Alors : doit-on imaginer que l'assurance "d'entreprise", quelle qu'elle soit, serait favorable à "l'entreprise" ? Certainement pas. L'exemple américain le prouve, non dans le sens que présentent toujours les désinformateurs et les sots (qui croient que le pauvre peuple américain est "exclu" de la protection sociale) mais tout simplement par le fait que les assurances "corporate" créent des aberrations comparables à celles de nos chères "mutuelles". Cela peut coûter très cher à l'entreprise sans apporter un véritable progrès pour le salarié.
Notre préférence ira toujours à l'affiliation libre et individuelle. Et puisque les syndicats et autres "partenaires sociaux" ont la prétention d'avoir leur mot à dire dans la protection sociale, ils n'ont qu'à créer, ou impulser, ou gérer directement, ou sélectionner au profit de leurs adhérents, ou étalonner, ou comparer, ou recommander tel produit d'assurance qui leur semble profitable à l'ouvrier, à la veuve, à l'orphelin, etc. Pourquoi l'assurance maladie échapperait-elle à la consommatique, à la comparaison ?
Faut-il restreindre aussi, selon la doctrine esquissée par M. Kessler, la sécurité sociale d'entreprise aux seuls risques "liés au contrat de travail" que seraient l'accident du travail et la retraite ? Doctrine fantaisiste en ce qui concerne l'assurance vieillesse dont on voit mal en quoi l'âge du capitaine aurait un rapport avec le compte en banque de l'armateur. Le "risque vieillesse" n'a rien à voir avec l'entreprise. Etc. Etc.
Ce n'est donc hélas peut-être pas encore l'estoc définitif qui nous délivrera de la Sécu.
Mais nous serions injustes si nous insistions plus longtemps sur les éventuels discords.
M. Kessler propose que l'on évolue vers la liberté. La rançon d'une telle évolution est qu'elle implique précisément la diversité, les choix multiples, les points de vue différents. Il serait absurde, une fois le mouvement lancé, de prétendre programmer son évolution. Ce serait retomber dans le monopole et sa planification rationnelle qui ont fait tant de mal à notre pays.
Nous sourions aux réactions gênées de la classe politique et particulièrement de l'opposition RPR-UDF toujours si fiérote de son imbécile plan Juppé de 1995-1996. Si nous en croyons La Tribune et Les Échos, "seule Démocratie libérale" serait d'accord sur le fond, tout en paraissant trouver légèrement inopportune "l'intervention du MEDEF dans le débat politique" (cf. déclaration de M. François Goulard, habituellement plus convaincant, rapportée par Les Échos du 21.11).
Quant à nous, nous trouvons au contraire très positif que les entreprises, dans un pareil débat, se mêlent, enfin, de leurs affaires. Cela nous semble un droit inaliénable et même un devoir sacré.
JGM
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