COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

LUNDI 26 NOVEMBRE 2001

JG Malliarakis

DE MAUVAIS FRANÇAIS OSERAIENT-ILS S'EN PRENDRE À BOVÉ ?

Bové persite et signe :

"Si c'était à refaire je le referais demain avec plus de conviction."

L'incroyable sacrilège s'est produit le 23 novembre de l'an de grâce 2001 dans la salle d'audience la cour d'appel de Montpellier.

Ce jour-là, emporté sans doute par sa fonction de défenseur de la loi, l'avocat général a osé requérir 8 (huit) mois de prison ferme contre José Bové, cofondateur de la Confédération paysanne, pour la destruction de plants de riz transgénique en juin 1999. Il a aussi requis 6 mois de prison ferme contre René Riesel, un ancien membre de la Confédération paysanne, et une "peine de prison plus atténuée", sans autre précision, contre Dominique Soullier, porte-parole de la Confédération paysanne dans l'Hérault. Rassurons tout de suite nos lecteurs : ces peines ne seront probablement jamais exécutées…

En première instance, le tribunal correctionnel avait condamné Bové et Riesel à 10 mois de prison et Soullier à huit mois de prison mais le tout était assorti du sursis. On demeurait dans le virtuel.

Les trois militants dits "anti-mondialisation" étaient poursuivis pour avoir saccagé une serre et détruit des plants de riz, le 5 juin 1999 à Montpellier, appartenant au CIRAD Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, c'est-à-dire à un organisme public de recherche sous le contrôle de l'État français.

Bové assume : "Si c'était à refaire, je le referais demain avec plus de conviction" (22 novembre).

Pour commenter les réquisitions "dures", il déclare : "Je m'y attendais. La sévérité de ce réquisitoire correspond à la défense d'une recherche dominante et confirme les intérêts entre la justice et cette recherche dominante". Et Me François Roux, défenseur de Bové affirme que "la sévérité du réquisitoire montre que l'avocat général s'est placé sur un terrain politique".

Sur un terrain politique ? Voyons les arguments développés par l'avocat général, Michel Legrand.

Est-ce se placer sur le terrain politique ? — que de dire : "Ce qui est intolérable, c'est que les prévenus revendiquent de pouvoir casser pour faire triompher leurs idées. Celles-ci sont peut-être respectables mais ce qui ne l'est pas, c'est le mode d'action choisi pour imposer ses idées aux autres."

Est-ce se placer sur le terrain politique ? — que de dire comme le procureur Legrand : "ce prétoire n'est pas une assemblée scientifique. Il ne faut pas transformer cette cour en Académie des sciences. Nous ne sommes pas là pour juger la science mais pour faire appliquer le droit Nous sommes là pour juger un acte délictuel",

Est-ce même se placer sur le terrain politique ? — que de constater que "L'idéologie et la science ne font pas bon ménage". Crime de lèse Lyssenko sans doute !

Me Michel Zaoui plaidant pour les parties civiles, c'est-à-dire pour le CIRAD et pour deux chercheurs de cet organisme, a suggéré quant à lui que "M. Bové et ses amis ne sont pas les gardiens des intérêts de la planète, qu'ils ne sont pas les détenteurs de la vérité".

Est-ce là encore se placer sur le terrain politique ?

Il a rappelé "Les chercheurs sont dans les laboratoires et ils travaillent, ils ne sont pas devant des caméras". Eux aussi ont "une éthique et une conscience". S'agit-il d'un terrain politique ?

Si nous esquissons l'hypothèse que les chercheurs du CIRAD feraient peut-être preuve d'une compétence supérieure à celle de M. Bové, nous situons-nous sur le terrain politique ?

Les plants de riz transgénique détruits au CIRAD n'étaient pas destinés à être commercialisés…

Le rappeler, est-ce se situer sur le terrain politique ?

Tous ces arguments, — ceux des parties civiles comme ceux de l'avocat général, sans même parler des nôtres et de tous les simples citoyens, consommateurs ou contribuables qui n'approuvent pas Bové, — viennent de mauvais Français. Nos arguments pèsent moins qu'une plume, ceux de Bové pèsent plus lourd qu'une montagne dans les balances de la conscience universelle hémiplégique.

De son côté, imperturbablement, la défense de Bové et de ses camarades a donc, bien évidemment, plaidé la relaxe. Depuis qu'un Mitterrand, alors premier magistrat de France, a stigmatisé "la force injuste de la loi", tout semble permis, en France, à Bové et à ceux qui se dressent "contre la mondialisation", c'est-à-dire à la fois contre la loi, contre la recherche scientifique, contre la liberté des échanges et contre le droit de propriété. Ce sont des héros.

Le délibéré est fixé au 20 décembre. "D'ici là, le monde retiendra son souffle."

• JGM •

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