COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 27 NOVEMBRE 2001
DE CE QUI PLOMBE VRAIMENT L'EURO
Les vraies difficultés résultent des comptes publics délabrés des 3 grands États.
Précisons avant tout que nos observations ne cherchent ni à dénigrer l'Euro, ni à caresser dans le sens du poil une quelconque démagogie à courte vue, mais à voir, dans l'intérêt même de la construction européenne et de l'Union monétaire ses difficultés en face.
Chaque jour qui passe, en effet, voit se préciser à la fois l'inéluctable avènement de l'Euro et la constance des vrais problèmes que l'Union monétaire va devoir affronter
En regard de ces problèmes, les petits sabotages et les anecdotes ne doivent pas nous tromper.
Au titre des sabotages, on retiendra la lamentable grève cégétiste qui a paralysé pendant 10 jours la fabrication des pièces par l'usine de Pessac, ceci à 36 jours du passage à l'euro, obligeant le ministère de l'Économie à employer la manière forte, notamment pour récupérer les poinçons mères servant à reproduire les pièces euros et qui étaient séquestrés par les cégétistes de la Monnaie de Paris.
On retiendra aussi qu'avec son exemplaire "civisme à rebours", Force Ouvrière menace de déclencher une grève des bureaux de Poste français le 2 janvier 2002. FO demande ainsi le versement, en l'honneur de l'euro, d'une prime exceptionnelle de 762 euros (5 000 francs) pour tous les postiers.
Autre problème : le retard pris dans la pré-alimentation en euros de la grande distribution. Le grand commerce ne sera pas livré au 1er décembre, ainsi qu'il le souhaitait, mais au mieux 15 jours plus tard. "Le 1er décembre était pour nous la date de référence, il est possible que ce soit plus tard", concède Jérôme Bédier, président de la Fédération du commerce et de la distribution. "Nous n'avons maintenant plus de marge de manuvre", prévient-il. François Patriat, le secrétaire d'État au Commerce, interrogé sur le sujet la semaine dernière, confirme d'ailleurs ces propos.
Moins anecdotique encore : la déthésaurisation, qu'en France nous envisageons d'un point de vue très franco-français. On part de l'évaluation du traditionnel "bas de laine des Français" qui serait encore de quelque 90 milliards de francs de sommes thésaurisées, sur un total de initial 150 milliards de francs. La Fédération bancaire française évalue à 62 milliards de francs depuis le début de cette année, et à 3 milliards de francs par semaine désormais, cette déthésaurisation. Elle s'accélérera certainement à l'occasion des fêtes de Noël.
Mais bien évidemment, c'est sur le marché des changes entre, d'une part, les monnaies de la zone euro, principalement le Mark, et, d'autre part, les monnaies hors zone, principalement le Dollar, que cette déthésaurisation pose surtout problème et pèse sur les cours de l'Euro.
Le Mark allemand était la monnaie de référence implicite de l'Europe centrale et orientale : environ 60 milliards de marks, soit 25 % de la circulation de coupures allemandes étaient, encore au début de l'année, détenus par des opérateurs extérieurs et notamment par l'économie souterraine
Les détenteurs de marks ont entrepris de changer leurs thésaurisations en dollars.
Cela ne serait pas grave si, demain, on ne pouvait redouter qu'ils transfèrent désormais durablement sur le dollar leurs habitudes de transaction et de thésaurisation. Tout simplement dans toute cette partie de l'Europe on apprendra, encore plus, à compter en dollar plutôt qu'en mark. Et l'Euro, ayant une parité "proche" du Dollar sera tenu pour ce qu'il est : un ersatz de Dollar.
La théorie naïve de la "force monétaire", développée par les propagandistes et les maîtres d'uvre de l'union monétaire, recevra donc à nouveau un très sérieux démenti. L'Euro en devenant la monnaie de 375 millions de personnes va acquérir, au début de sa carrière, une "force" de même nature que celle de la Roupie indienne ou du Yuan chinois : soit une "force" négative Ceci va, certes, créer des opportunités intéressantes pour certains investisseurs et divers opérateurs internationaux avisés.
10 ans après la signature des accords de Maastricht en 1991, malgré la définition des fameux critères de convergence, et en dépit du pacte de stabilité de 1997, les vraies difficultés résultent des comptes publics délabrés des 3 grands États de la zone euro, l'Allemagne, la France et l'Italie.
Soulignons que ce n'est pas la faute de l'Europe, mais celle des États.
L'Allemagne a encore pour problème d'absorber ses nouveaux Länder. Ses difficultés sont à l'est. L'Italie a choisi une voie économique qui lui sera bientôt bénéfique. La France, avec son déficit aggravé pour 2002, semble quant à elle se complaire dans son rôle d'homme malade de l'Europe.
JGM