COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 28 NOVEMBRE 2001
JG Malliarakis
CHEZ LES CHEVALIERS DE LA RÉPARTITIONMme Guigou a interdit le débat
en invoquant l'article 40 de la Constitution
L'Humanité du matin (27 novembre) avait comme bien souvent une longueur d'avance sur Le Monde paraissant le soir (daté du 28 novembre) accordant une importance exceptionnelle au problème des retraites ; un tel problème est de la plus grande acuité. Cela est vrai. Mais cela n'a jamais cessé d'être vrai : le problème n'a jamais cessé d'être urgent en France, notamment depuis 1991, date de la publication du Livre Blanc sous la houlette de Michel Rocard Premier ministre. Souvenons-nous de la prophétie de celui-ci, démissionnant à ce moment, et considérant que pendant 10 ans cette question serait de nature à faire sauter tous les gouvernements.
Il est vrai que le 26 novembre, à 10 jours de la publication d'un nouveau rapport, émanant cette fois d'un comité Théodule pompeusement intitulé Conseil d'orientation des retraites, la CGT manifestait son évident désir de peser sur les conclusions "scientifiques" du dit futur rapport. Il en avait été de même lors du précédent document de même nature, le Rapport Charpin qui émanait du commissaire général au Plan et auquel "on" "on" cela désigne ici M. Jospin Premier ministre par la grâce l'opération dite de "la balle dans le pied" de 1997 avait opposé une extravagante extrapolation du grand optimiste Teulade devant le Conseil économique et social.
Le discours est clair : pour la CGT comme pour le "Rapport Teulade" le problème de l'avenir des retraites est toujours "un faux problème". Les projections inquiétantes ne sont que billevesées, illusion d'optique ou de mauvaise foi. Au pire, il n'existe jamais qu'un problème de "financement". Ce financement se fera par la dépense publique. Évidemment, celle-ci sera prélevable par l'impôt payable par les (méchants) riches ou par des cotisations payées par les (méchants) employeurs, ceci en vertu de l'adage cégétiste "de l'argent, il y en a". C'est ce que les voleurs lettrés appellent "prendre l'argent là où il est". Dans de telles conditions "pas question de toucher à la retraite par répartition."
Pour faire bonne mesure, le 27 novembre, le parti communiste tentait vainement de faire discuter par l'Assemblée nationale une de ses propositions favorites, proposition presque pertinente car son esprit tend vers la capitalisation. Il s'agirait en effet d'établir par la loi que toute personne ayant effectivement cotisé 40 ans avant 60 ans bénéficierait de la retraite à taux plein. Ce "droit à la retraite après quarante années de labeur" était promis par Jospin en 1997. Il concernerait en France 859 000 personnes à en croire l'Huma. Mme Guigou, abusant du subterfuge de l'article 40 de la Constitution, a interdit le débat, ceci amenant M. Hue à tonner "c'est absolument scandaleux" (Europe 1, le 27 novembre).
Aucun lien, bien sûr, entre les initiatives du groupe parlementaire PCF et celles de la CGT ! Promis, juré, craché ! Et pourquoi ne pas cracher avec eux, mieux qu'eux encore, sur l'icône de Marx Lénine et Staline ? Car la CGT, elle, a des propositions d'ordre "global". Globalement elles ne sont pas surprenantes : "Elle propose que les entreprises et l'État cotisent pour les jeunes en formation à partir de 18 ans. Les entreprises et l'État cotiseront" (Le Monde 28 novembre).
La CGT croit aussi pouvoir récuser les termes du débat actuel, qui porterait, selon elle, "essentiellement sur la durée de cotisation". 40 ans ou 37 ans et 1/2 ? Faux débat ! Le camarade spécialiste Le Duigou, secrétaire confédéral en charge du dossier ergote aussi sur les disparités entre le public et le privé, disparités à propos desquelles on cherche à dresser les salariés du secteur privé, sans d'ailleurs aller jusqu'au bout, qui serait la rupture avec le système de répartition.
D'un certain sens, la CGT n'a pas tort de jouer à son jeu destructeur, puisque ses "adversaires"(?) s'avouent battus d'avance sur la répartition, qu'ils acceptent comme "socle" du système.
Le camarade Le Duigou peut alors énoncer en toute impunité que "l'épargne individuelle ou collective ne peut venir remplacer cette garantie essentielle. Plutôt que d'accompagner le recul des droits en proposant des alternatives financières par capitalisation, inégalitaires et fragiles, il s'agit de conforter le système de retraite solidaire fondé sur la répartition.".
Tant que l'on n'aura pas courageusement rappelé que le premier franc investi dans tout système de capitalisation libre et concurrentiel sera toujours mieux investi à long terme que dans le système de répartition, et donc que la répartition est particulièrement spoliatrice pour les plus modestes des épargnants, la CGT et autres chevaliers de la Répartition joueront sur du velours.
JGM
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