COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 4 DÉCEMBRE 2001
JG Malliarakis
BULL : C'EST REPARTI POUR UN TOURLe titre Bull avait perdu 75%
de sa valeur depuis le 1er janvier
Le conseil d'administration de Bull a donc entériné le 2 décembre (un dimanche !) la nomination de M. Pierre Bonelli, ancien président de la Sema, à la présidence de Bull.
Au malheureux et malencontreux énarque Guy de Panafieu succède un polytechnicien de 62 ans, qui avait débuté chez Texas Instruments à Dallas et qui avait réussi, depuis 1976, à faire de la Sema franco-britannique une réussite de l'industrie informatique française.
Le lendemain 3 décembre, la réponse des marchés à cette nomination était presque encourageante : l'action Bull à la Bourse de Paris gagnait d'abord 3,45 % à 1,20 euro, clôturant à 1,19. Mais le titre est en baisse de 75 % depuis le 1er janvier
Car Bull, grand dessein informatique de l'État français n'est plus qu'une relativement petite entreprise à bout de souffle.
Le Groupe Bull se satisfait par exemple d'une décroissance (-2,4 %) qui n'a même pas été inférieure au troisième trimestre 2001 par rapport du troisième trimestre 2000 que le reste de l'année.
Sur le premier semestre de l'exercice en cours, Bull a affiché une perte nette de 29 millions d'euros malgré plus de 300 millions d'euros de cessions d'activités. Et certains prévoient une perte de plus de 120 millions d'euros sur l'année 2001. Le groupe, dont la valeur boursière est tombée à 202 millions d'euros, doit en outre financer 155 millions d'euros de provisions dues au plan social en cours et 115 millions d'euros de remboursement d'emprunt
Les perspectives de survie sont actuellement constituées par des cessions d'actifs que le conseil d'administration a théoriquement imaginé de "geler" provisoirement :
- Vente des services informatiques actuellement regroupés au sein de la filiale Integris France, quatre offres de reprise ont déjà été déposées, dont un rachat par ses cadres emmenés par l'ancien président d'Integris Cyrille du Peloux, directeur général de Bull démissionnaire au 23 novembre au lendemain de l'annonce du départ de Guy de Panafieu ;
- Cession d'Evidian couvrant l'activité de logiciels de sécurité et d'administration ;
- Et surtout cession à Canal Plus pour 50 millions d'euros du siège social de Louveciennes.
Bull semble désormais, si elle survit, devoir rester cantonnée à une activité de vendeur de serveurs. Ce marché est considéré comme l'un des domaines les plus porteurs de l'informatique. Mais Bull n'est plus qu'un acteur très secondaire de ce secteur, avec moins de 1 milliard de chiffres d'affaires par an, loin derrière des Américains comme IBM, Sun et Hewlett-Packard, ou le japonais NEC (qui figure pour 16,9 % dans le capital de Bull). Les actionnaires privés sont essentiellement étrangers : outre Nec, l'américain Motorola (16,9 %) et le japonais Dai Nippon Printing (5,3 %). Ils auraient certainement tort de chercher à renflouer un groupe qui demeure dépendant de l'État Français directement (16,3 %) ou par l'intermédiaire de France Télécom (16,9 %), le public et les salariés en détenant à peine 27 %.
Bull s'enorgueillit de ses contrats de maintenance privilégiés auprès des administrations et des entreprises publiques françaises. Ces contrats représentent, aujourd'hui encore, plus de 60 millions d'euros par an (6 % de l'activité). Mais une telle situation est-elle conforme aux règles européennes ?
Il est pittoresque de considérer qu'une partie non négligeable de la valorisation de Bull soit constituée de ses importants crédits d'impôts : près de 150 millions d'euros sur 5 ans...
De M. Pierre Bonelli on prétend "qu'il croit qu'il y a quelque chose à faire pour sauver Bull". Et l'ancien patron de la Sema, lui-même, déclare que "les échéances sont maintenant au printemps. Je ne peux pas dire aujourd'hui où en est Bull. Il faut de la rigueur pour dégager des voies d'avenir que le conseil d'administration acceptera ou non." Printemps 2002 ? Devinez ce qui se passe...
De la rigueur, des voies d'avenir et du succès, on lui en souhaite comme contribuable. Car, depuis des décennies, Bull, appartenant en partie à l'État n'a jamais cessé d'être soutenu et subventionné. Mais la rigueur et les voies d'avenir, sont-elles compatibles avec la notion de secteur public industriel ? Voilà la question à laquelle nous croyons de moins en moins raisonnable, après tant de milliards engloutis en pure perte, de donner une réponse affirmative.
JGM