COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MERCREDI 5 DÉCEMBRE 2001
LA NOUVELLE BATAILLE DE LA SOMME
Le 1er décembre, il y avait 3 fois plus de Picards "contre"
que de Franciliens "pour" le projet de Chaulnes
Le 1er décembre, à Chaulnes petit village Somme environ 8 000 personnes manifestaient contre un projet pour lequel, péniblement, à Paris les partis de gouvernement, de la gauche plurielle et de l'établissement, avaient rassemblé, Strauss-Kahn et les communistes en tête, 3 fois moins de participants en novembre sous prétexte de lutter "contre les nuisances de Roissy", en fait pour justifier l'oukase du gouvernement Jospin.
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Il est souvent oiseux de "compter" les manifestants, de part et d'autre. Quand 200 courageux libertariens le 2 décembre, plutôt que de participer à une assemblée paroissiale annuelle ou à une vente de charité, préfèrent marcher à Paris "pour le capitalisme", cela ne veut pas dire que les partisans du "capitalisme" en France ne sont "que" 200. Cela veut dire qu'un courant de lutte pour la Liberté est apparu et qu'il faudra compter avec lui.
Mais dans le cas du scandaleux projet de l'aéroport de Chaulnes, au contraire, 8 000 protestataires c'est un chiffre très significatif et c'est, là aussi, la naissance d'un rapport de forces colossal. Ce ne sont pas les 116 habitants de Chaulnes qui ont fait nombre. Le malheureux maire se lamentait précisément, sachant leur infériorité numérique : "Nous allons être rayés de la carte, comme en 1916. Les dés sont jetés."
Eh bien non, les dés ne sont pas jetés. Les élus RPR d'Île de France avaient cru habile de déléguer l'un des leurs à la manifestation "pour" le projet de Chaulnes, pensant sans doute qu'il y a quelque 5 fois plus d'électeur en Île de France qu'en Picardie, et qu'il faut être "dans le vent".
Être dans le vent, ce n'est pas être avec les états-majors politiciens, ni même avec les bureaucraties syndicales. Être dans le vent aujourd'hui c'est être contre le projet de Chaulnes.
Le 1er décembre, à Chaulnes les partis n'étaient pas là. Mais les habitants, les écologistes indépendants, les agriculteurs, les chasseurs et même les anciens combattants étaient là, rassemblés contre le projet d'aéroport international dont le gouvernement a annoncé à l'horizon délirant de l'an 2020 et qui, à 125 km de Paris, détiendra le record du monde de l'éloignement.
À la tête du rassemblement figuraient certes d'honorables élus, plutôt peu politisés comme le député maire consensuel d'Amiens M. Gilles de Robien (UDF), le président, lui aussi UDF, du conseil général de la Somme Alain Gest les deux candidats écologistes à la présidentielle, l'ex-ministre de l'Environnement Mme Corinne Lepage aux côtés de celui des Verts M. Noël Mamère (ni l'une l'autre ne pouvaient faire moins), ainsi que les maires des 26 villages de la communauté de communes de Chaulnes qui décidaient d'organiser un référendum le 9 décembre. Parmi les opposants était présent M. Jacques Fleury député maire PS de la circonscription voisine de Roye ainsi qu'Antoine Waechter, le président du Mouvement écologiste indépendant, alors que les responsables socialistes et communistes ont en général pris position en faveur du projet "Non à l'aéroport ni ici, ni ailleurs", "Laissez-nous vivre", "Aéroport, pas pour nous", "Oui aux maisons, non aux avions", scandaient les manifestants au cur du village, dont les fenêtres étaient bardées de panonceaux hostiles au projet.
Sur un immense drapeau tricolore, étaient collés des petits drapeaux britanniques et canadiens. Sur ce drapeau figurait l'inscription : "ils sont venus pour la France, respectons leurs âmes". Ceci faisait référence aux très émouvants cimetières militaires de la terrible bataille déroulée (juillet-novembre 1916) pendant la première guerre mondiale. Un tel souvenir de l'alliance franco-britannique, et d'une guerre gagnée par la France, est sans doute hors de saison. Les seules guerres qui intéressent nos technocrates et nos politiciens ce sont celles qu'ils livrent au peuple français.
Il paraît même que les représentants de du mouvement Chasse pêche, nature et traditions ont osé placer le combat sur le terrain des échéances politiques : "Jospin déménage notre territoire en 2001, déménageons Jospin en 2002". On prétend que des slogans hostiles au ministre des Transports M. Jean-Claude Gayssot et au député communiste de la Somme Maxime Gremetz auraient été entendus.
Incroyable : une nouvelle bataille de la Somme s'engage, pacifique certes, mais qui permettra à de nombreux Français de manifester, non plus contre "l'État providence" mais contre l'État Nuisance.
JGM