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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
JEUDI 13 DÉCEMBRE 2001
L'INTERVENTIONNISME
N'EST JAMAIS LIBÉRAL
Le gouvernement américain
depuis le 11 septembre a fait face à l'exceptionnel
Elle est amusante cette satisfaction de nos commentateurs agréés, s'ingéniant ces derniers temps, à flatter l'idée que l'Amérique soit soudain "devenue" interventionniste : d'où vient-elle ?
Il est plusieurs fours dans lesquels se cuisent les petits pains de la pensée unique française. On sait par exemple que 90 % des journalistes ont reçu la même formation, qu'ils ont ainsi appris les mêmes tics de langage, qu'ils ont évidemment acquis les mêmes conditionnements, et qu'ils ont, par conséquent, découvert que les riches sont toujours méchants.
L'enseignement économique ne peut pas, de ce point de vue, être négligé.
Quand la littérature imprégnait la jeunesse lettrée, dès la lecture des romans de Zola, venant après celle des "Misérables" parcourus pendant l'adolescence, la pente était prise. Elle pouvait cependant toujours être corrigée, plus tard, par la découverte des réalités de l'économie, par la construction d'une famille, par l'impératif de l'épargne ou tout simplement par la pratique d'un métier. Dans une famille dont le père travaille honnêtement, sans vivre de l'argent volé par l'État et redistribué par l'assistanat on ignore difficilement certaines lois éternelles.
Un bon moyen de court-circuiter cet inévitable apprentissage consiste à intoxiquer l'opinion, et d'abord la jeunesse, de fausses connaissances économiques. Et on dirait que les cours "d'économie" donnés au lycée servent à cela.
Un instrument formidable d'influence sur les esprits est constitué par "le" magazine économique recommandé aux familles par la quasi-totalité du corps enseignant : "Alternatives Économiques". C'est avec cette revue, assez bien faite techniquement, intelligemment illustrée, solidement documentée, mais INCROYABLEMENT ORIENTÉE que l'on forme chaque année des centaines de milliers de jeunes Français.
Ouvrons ainsi le numéro 197 daté de novembre 2001. On y voit la photo du président Bush et le titre "Le nouvel interventionnisme libéral". Cela renvoie à un dossier de 8 pages comprenant un entretien avec M. Huwart ministre français du commerce extérieur. Si urticant que soit cet ensemble d'articles, il doit être parcouru car, nous le répétons, il est en train de servir de moule à l'idéologie (Au sens même que Karl Marx donnait à ce mot. Horresco referens !) de toute une génération.
Commençons par quelques banalités.
Non, il n'existe aucune société où prévaudrait un système économique à l'état pur. Si l'on admet, par exemple, les distinctions classiques entre économies "domaniale", "corporative", "libérale" et "socialiste", eh bien on reconnaîtra dans l'économie "corporative" réelle (instaurée en France au XIIIe siècle par le Livre des Métiers d'Étienne Boileau) des traits subsistants de l'économie domaniale du Haut Moyen Âge, mais aussi des traits annonçant le capitalisme libéral et même des traits socialistes puisque l'Ordonnance de Saint Louis de 1250 est bel et bien une réglementation étatique de l'usage parisien. De même par la suite les systèmes réputés les plus capitalistes et les plus libéraux ne le sont pas à 100 % puisque l'État y joue un rôle, qu'ils conservent des traits corporatistes.
Même la France d'aujourd'hui n'est pas entièrement socialiste, c'est dire ! Ainsi d'excellents restaurateurs, aimant leur métier, et juridiquement indépendants y jonglent avec les charges sociales et les taxes pour satisfaire au souper des princes, etc.
Ainsi, à l'inverse, l'Amérique n'est pas non plus "purement" libérale. Celle d'hier comme celle d'aujourd'hui. Il est absurde par exemple de voir dans la législation dite "antitrust" adoptée avec le fameux Sherman Act de 1890, un modèle de "libéralisme", et encore moins un exemple pour tout système libéral puisqu'elle correspond à l'apogée de l'influence socialiste aux États-Unis Même Johnson en 1964 ou Clinton en 1993, n'ont pas fait mieux ou pire. Quant à l'autre paradigme, la position américaine dans les négociations commerciales on ne doit pas oublier qu'elle est traditionnellement très ambiguë partagée entre le poids des syndicats, et de tous les lobbies protectionnistes favorables au commerce administré, et la pensée économique authentiquement libérale.
On a donc présenté au public français (ici au jeune public) la politique du président Bush au lendemain du 11 septembre comme néo-interventionniste "libérale".
On a délibérément confondu deux choses :
1° L'action du gouvernement américain, du fait du conflit.
Cette action disposait de réserves financières du fait des efforts budgétaires radicalement libéraux imposés depuis 1995 par le Congrès républicain.
2° L'apparition de tendances interventionnistes.
Celles-ci sont clairement antilibérales. Elles le sont par définition puisque le libéralisme c'est en économie, le "laissez-faire", donc la non-intervention de l'État dans les questions économiques.
Mais, même aux USA, elles ne sont pas nouvelles et sur ce point de vue on s'accordera avec Alternatives Économiques pour dire "Si le retour annoncé de l'État peut être mis en doute, c'est d'abord parce qu'il ne s'est jamais retiré du jeu". Ou du moins : il ne s'est jamais retiré complètement.
Quant à présenter, comme une sorte de dictature libérale, le fait que les institutions internationales ou les banques centrales jouent le jeu de la santé de l'économie mondiale, on frise évidemment le délire.
En réalité "Alternatives Économiques" voudrait bourrer le crâne des jeunes Français de l'équation Libéralisme = Capitalisme = Ploutocratie.
Or, les deux identifications sont fausses.
À/Le "capitalisme" n'est pas intrinsèquement "libéral". Il est souvent fort monopoliste et presque toujours protectionniste. L'idée qu'un libéral soit un "militant du capitalisme" est une idée pestilentielle quasi-marxiste. Le capitalisme est une "mécanique", une "technique" : c'est un "mode de production" créant très exactement de la valeur dans le temps. Le capitalisme n'est ni une "idéologie", ni une espérance (En écrivant cela, je le reconnais bien volontiers, je n'adhère ni à la "déclaration Bernstein", ni à l'école qui se réclame "philosophiquement" de l'excellente romancière et scénariste Ayn Rand Objectivement, je suis orthodoxe, mais je ne suis pas un "objectiviste orthodoxe". Désolé.) Ceci ne retire rien de sa supériorité technique sur tous les autres modes de programmation ou d'allocation arbitraire.
B/Quant à la Ploutocratie, c'est-à-dire l'exercice du pouvoir politique par les détenteurs de la richesse, elle n'est assurément pas libérale, et même probablement tend-elle à revenir à un mode de production antérieur au capitalisme car elle tend à assigner aux riches une vocation de rentiers.
C'est, étrangement, ce modèle régressif qu'a adopté le socialisme français depuis le milieu des années 1980, l'apparition du franc fort, etc.
JG Malliarakis
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