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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 14 DÉCEMBRE 2001

JG Malliarakis

NOUVEAUX DÉLIRES FERROVIAIRES

La rentabilité de ce beau joujou

demeure un secret d'État

La SNCF et Bombardier ont signé le 13 décembre à Paris un contrat portant sur la fourniture par le groupe canadien de 500 autorails grande capacité pour les dessertes régionales, d'un montant de 1,65 milliard d'euros (10,82 milliards de francs).

Cette commande avait été annoncée en septembre par la SNCF à l'issue d'un appel d'offres européen. Elle sera financée par les régions françaises lesquelles seront alimentées à l'aide des dotations de l'État. Grâce à cette ingénieuse tuyauterie française personne donc ne saura rien de la rentabilité et de l'utilité de ces 500 autorails.

Ce sont, nous dira-t-on, des besoins… Et nul doute que les personnes habitant à moins de 100 mètres d'une gare et se rendant à la proximité d'une autre gare en seront très satisfaites, pour autant que la liaison soit directe ou que la correspondance soit assurée. Ce contrat, nous dit-on avec gourmandise a été signé par le président de la SNCF, M. Gallois, et par celui de Bombardier, M. Brown, comprend une première tranche ferme de 192 autorails, pour 4,6 milliards de francs.

Les rames seront conçues et fabriquées dans l'usine de Crespin, près de Valenciennes. Elles seront livrées à partir de 2004, à un rythme qui atteindra progressivement 8 par mois. Voilà qui, comme on dit, "créera des emplois". Une excellente nouvelle, bien évidemment.

On nous dit que ces trains circuleront à une vitesse de 160 km/h. Ils sont plus facilement accessibles, car dotées d'un plancher bas de plain-pied avec les quais.

On ne nous dit ni quand ils seront en panne, ni quand les personnels supposés y travailler accepteront de ne pas se mettre en grève. Les grèves du printemps 2001, par exemple, n'ont coûté que la bagatelle de 150 millions d'euros soit plus d'un milliard de francs.

La SNCF a engagé un vaste programme de modernisation de son matériel roulant. Il s'agit de faire face "à la croissance du trafic sur les grandes lignes" nous dit-on et sur les dessertes régionales, et même à "améliorer" les performances du fret.

Pourtant en 2001 les pertes courantes étaient estimées en novembre à un niveau de l'ordre du milliard de francs. En particulier le fret a reculé de sur les 9 premiers mois de l'année (en période plutôt favorable du point de vue de la conjoncture et sans aucune relation avec les attentats aux États-Unis) de 7,6 %. L'amélioration des performances s'impose en effet mais le "pari de la croissance" de ce secteur semble un peu hasardeux.

Déjà il y a 5 ans, la SNCF a commandé plus de 500 rames destinées aux trains dits express régionaux. Cet investissement représentait alors 10 milliards de francs. À ces investissements, dont la rentabilité passée est bien évidemment tenue secrète (elle n'a peut-être jamais été calculée par le transporteur historique lui-même) se sont ajoutés 684 locomotives de fret (pour environ 8 milliards de francs) et 52 TGV Duplex (pour environ 6,5 milliards de francs) essentiellement destinés nouveau TGV Méditerranée.

Or le merveilleux TGV Méditerranée qui met les abords de la délicieuse gare Saint-Charles à 3 heures de la gare de Paris-Lyon, cette prouesse technique admirable sera en déficit de 75 millions d'euros = 0,5 milliard de francs… Broutille.

Quant aux nouvelles commandes destinées aux TER on nous affirme qu'elles constituent pour la SNCF le "point d'orgue" du renouvellement des trains régionaux, qu'elle entend mener "tambour battant" pour remplacer les matériels obsolètes. La SNCF entend avoir renouvelé ou modernisé 60 % du parc de près de 2 000 trains régionaux en et plus de 70 % en 2007.

Il est cependant étrange que la SNCF, entreprise d'État, s'obstine à passer des marchés dont les maîtres d'ouvrage devraient être les régions puisque ce sont les régions qui, depuis près de 15 ans sont supposées contrôler, et assurées de supporter le poids financier de ces transports régionaux…

À défaut de calculer la rentabilité interne de leurs projets les dirigeants de la SNCF poursuivent-ils le but que l'historien Beau de Loménie dénonçait dans la loi de 1937 "nationalisant" les anciennes compagnies privées, le but étant "faire tourner" leurs fournisseurs ? Si cela est vrai on remarquera que le dernier en date des bénéficiaires de cette politique subventionniste est un industriel canadien.

• JGM •

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