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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES
MARDI 18 DÉCEMBRE 2001
JG Malliarakis
BON SIGNE : DELORS EST INQUIETAttention : cette boussole
indique toujours le pôle sud
Une hirondelle ne fait pas le printemps. Par grand froid cependant, et à la veille du solstice d'hiver, on est toujours heureux de penser que le ciel n'est pas à la veille de nous tomber sur la tête. Or, en vieille boussole indicatrice du pôle sud, M. Jacques Delors vient de tenir des propos pessimistes. Cela comporte quelque chose réjouissant pour l'Europe, puisqu'il s'est toujours trompé.
D'autres préféreront sans doute applaudir aux bonnes nouvelles relatives de la conjoncture allemande reçues le 17 décembre avec la progression en novembre du baromètre mensuel de l'institut IFO mesurant le climat des affaires en Allemagne de l'ouest qui passerait, nous dit-on à 84,9 points le mois dernier, contre 84,7 points en octobre.
M. Jacques Delors se moque pas mal, en fait, de la conjoncture. Il voit toujours plus loin. Son inquiétude actuelles vient de ce que l'euro, selon lui, serait un édifice encore déséquilibré. L'euro serait, à l'entendre doté d'une "jambe monétaire solide" (en lui-même, il est vrai, un tel diagnostic optimiste a, lui aussi, de son côté, un aspect inquiétant), mais d'une "jambe économique trop faible".
Ancien président de la Commission européenne il affirme qu'il faut "une coordination réelle des politiques, il faut un leadership du côté des ministres de l'Économie et des Finances, du côté de la Commission. Le système ne me satisfait pas tel qu'il est". Or M. Delors se trouva la tête de la Commission de 1985 à 1995. C'est un comité d'experts présidé par lui qui a jeté, en 1989, les bases de l'euro. C'est le rapport de son comité qui a inspiré les chapitres relatifs à la monnaie unique inclus dans le traité signé à Maastricht en 1991.
M. Delors restera dans l'Histoire comme le père du traité de Maastricht, et de Martine Aubry.
M. Delors est un des principaux architectes de l'euro. Il est surprenant de le voir, 10 ans après, récuser son ouvrage sans dire "je me suis trompé" sur tel ou tel point. Ce sont les autres qui se sont trompés L'euro, selon lui "ne correspond ni à l'esprit de mon rapport, ni à l'esprit du traité. La jambe monétaire est solide, bien articulée, avec des institutions lisibles. La jambe économique n'est pas ce que demandaient mon rapport et le traité. Ce n'est pas une question d'architecture institutionnelle, contrairement à ce qu'on dit. J'aurais à réécrire le traité, je ne le rédigerais pas autrement. Certains disent que la banque centrale devrait avoir pour objectif la croissance et l'emploi. Ce n'est pas en le disant que cela changerait grand-chose."
"Avant, en Allemagne, comme aux États-Unis, il y avait un pouvoir monétaire indépendant et puis il y avait un pouvoir politique. Les deux ne se battaient pas devant l'opinion publique, mais ils entraient en dialectique et en dialogue, c'est cela qui nous manque aujourd'hui en Europe".
Selon lui, "l'Eurogroupe", cet organisme informel assemblant en marge d'Ecofin où siègent les 15 ministres les 12 ministres des Finances des pays de la zone euro, devrait se doter d'instruments financiers lui permettant d'agir au gré des situations économiques.
On n'en est pas encore là ! "L'Eurogroupe est un organisme de concertation, un peu comme quand des dames se réunissent pour le thé, dit-il joliment : elles échangent leurs points de vue, mais ce n'est pas un organisme qui est capable de renforcer la coordination et donc la crédibilité de la zone euro".
M. Delors ne réalise sans doute pas que ce qui plombe l'euro ce n'est pas l'absence de poids d'un pouvoir politique, mais au contraire le sentiment que les divers gouvernements vont, au contraire, chercher à intervenir dans la politique monétaire de la banque centrale européenne. Ils l'ont fait constamment, quoique sans succès jusqu'ici auprès de M. Duisenberg. On peut craindre que son successeur soit, dans l'avenir, plus malléable, et notamment s'il s'agit d'un disciple de M. Delors comme le sont la plupart des énarques français, comme l'est M. Trichet.
Sans pourtant comprendre ce qu'est une monnaie, M. Delors soutient cependant que l'euro constitue une étape déterminante de l'Histoire européenne. "Cette étape réalisée est un énorme appui pour le projet général d'intégration. L'Europe se prouve à elle-même ce qu'elle sait faire".
M. Delors se félicite même de la mauvaise conjoncture allemande. "Les difficultés de l'Allemagne rendent plus facile l'acclimatation de la monnaie unique, c'est le paradoxe".
Avec un ami comme M. Delors, on a rarement besoin d'ennemi.
JGM
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