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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 19 DÉCEMBRE 2001

DES TUYAUTERIES ET DE LA CONSTITUTION

Secret d'État : les 35 heures

serviront à créer de la pauvreté

Il faut certes saluer aujourd'hui la décision du conseil constitutionnel n° 2001-453 DC du 18 décembre 2001. Elle concerne 8 articles de la Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002. Mais elle regarde aussi deux grandes dérives de notre système d'institutions qui méritent toute deux d'être qualifiées de "tuyauteries ". C'est premièrement la tuyauterie financière que sont nos monstres comptables, souvent appelés aussi '"usines à gaz". A subventionne B qui abonde C qui verse à D qui cautionne E. Et personne ne comprend plus rien. C'est aussi la tuyauterie politique des fourre-tout législatifs : on insère une disposition pénale sur l'assurance maladie dans un dispositif supposé réprimer le terrorisme ou le trafic de drogue, avec incidence fiscale. Ces pratiques amusent beaucoup nos énarques, MM. Juppé ou Barrot comme M. Balladur, Mme Aubry comme Mme Guigou.

Il est donc consolant que le Conseil constitutionnel ait mis un coup d'arrêt à ces pratiques. On espère toutefois que ce ne sera pas pour les "normaliser". Il n'est pas de bonne tuyauterie. Il ne suffirait pas d'en proclamer certaines inconstitutionnelles et de laisser d'autres prospérer.

En attendant d'apprendre l'interdiction pour le législateur de faire passer des lois dites "Diverses mesures", interdiction que nous trouverons peut-être dans nos petites chaussures devant la cheminée le 25 décembre, contentons-nous d'applaudir à la censure de 8 articles de la loi Sécu 2002.

Dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2 de la Constitution de 1958, 136 députés le 6 décembre et 106 sénateurs le 7 décembre avaient saisi le Conseil constitutionnel de la conformité de cette loi. Ils mettaient en cause l'intelligibilité et la sincérité de l'ensemble de la loi, ainsi que son incidence sur l'équilibre financier des régimes de sécurité sociale. Les députés requérants contestaient plus particulièrement les articles 12, 13, 16, 18, 20, 31, 60, 67, 68, 69, 71, 73 et 75 ; et, pour leur part, les sénateurs requérants critiquaient, en tout ou partie, ses articles 12, 13, 16, 17, 18, 30-III, 42, 56, 59, 60, 67, 68, 69, 70, 71, 72, 73 et 76 soit en tout 19 articles contestés.

Nous retiendrons particulièrement, comme tout le monde, parmi les 8 articles abrogés sur les 19 contestés, la question du "financement des 35 heures". L'expression même a quelque chose de révélateur. Si la loi sur les 35 heures devait créer de la richesse, elle n'aurait aucun problème de financement, au sens de la comptabilité publique. Si "les 35 heures" ont besoin d'un tel financement, c'est qu'elles créent non pas de la richesse mais de la pauvreté. Alors pourquoi cette loi, sinon pour enquiquiner un peu plus les Français qui travaillent et nourrissent les autres ?

Ce n'est certes pas un problème constitutionnel. Ce qui en constitue un c'est cependant cet art si particulier du gouvernement qui se fonde sur l'opacité.

L'article 13 de la loi comprenait, par exemple, diverses mesures tendant à accroître les recettes du fameux "FOREC", Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale. En particulier, il transférait à ce fonds (§2), à compter du 1er janvier 2002, la totalité de la contribution sur les contrats d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur. Il le lui affectait (§3) la totalité du droit de consommation sur les alcools rétroactivement le 1er janvier 2001. Du fait de ces transferts de recettes, le déficit de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés serait aggravé de 5,9 milliards de francs en 2001 et de 11,8 milliards de francs en 2002. Tout ceci porte atteinte au principe du consentement à l'impôt, en raison, faisaient justement remarquer les députés et sénateurs requérants, de la "grande opacité des nouvelles affectations"… À l'inverse les députés et sénateurs jugeaient que deux dispositions aggravaient le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, organisme créé pour concourir au financement des régimes de base, etc.

Il est donc étonnant d'apprendre, dans les considérants de la décision, pourtant si salutaire du Conseil, que "les transferts critiqués de recettes fiscales et de charges, qui sont définis avec une précision suffisante, n'entravent pas, eu égard à leur montant, le fonctionnement des régimes et organismes concernés au point de les empêcher d'exercer leurs missions ou de mettre en œuvre les politiques nécessaires au respect des exigences découlant des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946" (car ce texte préambule d'inspiration authentiquement socialo-communiste demeure l'une des bases de notre Droit public !!!).

Cette DC n° 2001-453 n'est donc qu'un début, il faut continuer le combat.

JG Malliarakis

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