COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 20 DÉCEMBRE 2001

JG Malliarakis

AU DELÀ DE LA CONSTITUTIONNALITÉ

Alain Madelin dénonce dans les Lois sur

les 35 heures une atteinte aux Libertés

Il est nécessaire, aujourd'hui encore, de revenir sur ce que nous avions souligné dans le bulletin du 19 décembre à propos du "financement des 35 heures" et nous répétons "qu'elles créent non pas de la richesse mais de la pauvreté."

Peut-être même au-delà des flots de commentaires, les uns sarcastiques, les autres bêtement polémiques apparus à l'Assemblée Nationale le 19 décembre par la décision du Conseil constitutionnel, faut-il retenir l'éditorial du Monde disponible sur la toile exactement à 15 heures 10 mais imprimé dans l'édition imprimée datée du 20 décembre.

Le Monde ne manque pas de rappeler que "dominé par la droite, présidé par Yves Guéna, un proche de Jacques Chirac, le Conseil constitutionnel est aujourd'hui dans la situation inverse de celle qui fut naguère la sienne, quand Robert Badinter, un proche de François Mitterrand, présidait l'institution et qu'Édouard Balladur était premier ministre. À l'époque, la droite faisait l'objet d'une stricte surveillance, comme c'est désormais le cas de la gauche." La symétrie des fausses fenêtres est, ici comme bien souvent, quelque peu abusive. En particulier, l'opposition et particulièrement le RPR semblent très peu disposés à intégrer dans leur plateforme électorale ni l'abrogation pure et simple des lois Aubry sur les 35 heures ni aucune programmation claire et radicale de la décrue fiscale. Or ces deux mesures sont urgentes si l'on veut que la France se relève. L'ancien premier ministre attitré de M. Chirac, M. Juppé, idole de la fameuse "Union En Mouvement", a fait sur ce point des déclarations dépourvues d'ambiguïté. En promettant de ne pas promettre qu'il abrogerait les 35 heures s'il revenait à Matignon, il nous assure qu'il va tenir cette non-promesse. On doit saluer en revanche la prise de position beaucoup plus courageuse et lucide d'Alain Madelin dans les Échos (20 décembre) : "Les 35 heures sont une formidable atteinte aux libertés individuelles". C'est bien là le point principal et nous ajouterions aussi qu'il faut commencer par ce constat, dont le coût économique n'est que la conséquence.

Ce n'est donc pas innocemment que l'éditorialiste du Monde écrit au contraire : "Son coût très élevé à la charge de l'État, une centaine de milliards de francs par an, n'a toujours pas trouvé de financement solide. De ce point de vue, la critique du Conseil doit être écoutée."

En mettant l'accent sur le seul "financement", et pire encore sur la "constitutionnalité" de ce "financement" d'une mesure dont ils ne promettent même pas l'abrogation, les gens de l'Union en Mouvement (RPR + "raffariniens" + "dousteblazystes") nous promettent tout simplement une augmentation supplémentaire des impôts.

On prétend en effet équilibrer

- 102 milliards de francs de dépenses du FOREC (dont 1/3 pour l'incidence sur le FOREC des lois Aubry I et II mais elles vont coûter infiniment plus à la France), les fameuses 35 heures,

- par 84 milliards de recettes parafiscales, ces fameuses petites taxes que l'on augmente et qui ne figurent pas sur la feuille d'impôt sur le revenu, sur les taux de TVA ou sur les feuilles de paye au titre des charges sociales. Ici ce sont des taxes sur les tabacs, la taxe sur les activités polluantes, sur les alcools, les assurances, les contrats de prévoyance, la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés et des taxes sur les véhicules.

Que cela fasse, en "prévision" (suroptimiste) pour l'année 2002, un déficit de 18 milliards de francs français a beaucoup moins d'importance que la perte de substance qui en résulte pour la nation et surtout la perte de reconnaissance de la dignité du travail. Certes nous avons la confirmation que Mme Guigou ne sait pas compter. Quand on aime on ne compte pas, et Dieu sait combien fort est l'amour qui se lit dans le regard et les propos de Mme Guigou.

Ce qui nous préoccupe, pour l'avenir, est que l'opposition officielle, chiraquienne, raffarinienne ou dousteblazyste ne semble voir ni l'abaissement de la France, ni le recul des libertés, ni l'incompatibilité avec les efforts européens mais seulement la rétroactivité du basculement d'une recette parafiscale d'une usine à gaz sur l'autre, de la CNAVTS sur le FOREC, etc.

Il y a certes un problème d'opacité dans les comptes publics et sociaux de la France. On ne saurait dire cependant que tel parti de gouvernement soit historiquement plus innocent que tel autre dans ce scandale. En tout état de cause, s'agissant de "sanctionner… toute la politique sociale du gouvernement et les obscures modalités de son financement" il serait préférable de ne pas demander d'en juger à un estimable aréopage dont les Français ne connaissent même pas la composition, mais bien plutôt d'en appeler au peuple, au nom du Travail et de la Liberté…

• JGM •

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