COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

MERCREDI 26 DÉCEMBRE 2001

JG Malliarakis

NE COMPARONS PAS LA FRANCE À L'ARGENTINE

En France, nous n'avons pas de péronistes.

À chacun ses nuisances.

Faut-il s'étonner du peu d'intérêt que suscite la crise argentine dans l'opinion européenne ? "C'est loin l'Argentine" pensent sans doute nos compatriotes. Et cependant il s'agit du pays le plus européen d'Amérique latine.

Certes, contrairement aux graves répercussions de la crise russe en 1998, quatre fois moins importante en volume, les marchés financiers internationaux ont pour le moment considéré comme secondaire cette banqueroute étatique de 132 milliards de dollars.

Mais il existe une autre raison aux yeux des médiats européens de calmer le jeu.

La dette fédérale de l'État argentin porte en effet sur 46 % du produit intérieur brut du pays. C'est beaucoup moins en proportion que celle de l'État français. La raison de la cessation de paiement tient essentiellement au fait et aux conséquences de la parité fixe instaurée en 1991 par le gouvernement de Carlos Menem entre le peso argentin et le dollar américain. Comme les pays émergents d'Asie orientale en 1997, et contrairement au Brésil en 1999, en choisissant cette voie et en s'y cramponnant les dirigeants politiques argentins ont totalement asphyxié les capacités d'exportation de leurs produits agricoles et industriels. Et chose étonnante les premières orientations du nouveau gouvernement, marqué par un retour à la case départ du "péronisme", comprennent des mesures très classiquement délirantes. On appelle cela des mesures "néo-keynésiennes". Ce sont 100 000 nouveaux emplois publics et grands travaux imaginés dans un pays qui compte 18 % de chômeurs. C'est la création d'une monnaie de singe caractéristique et non convertible qu'on aurait pu appeler "l'assignat", etc. Mais le nouveau président M. Rodriguez Saà a promis que l'on ne débloquera pas la parité artificielle peso/dollar.

Il paraît que le maintien de cette parité peso/dollar rassure l'opinion financière.

En France il est vrai nous avons connu la même politique avec le franc fort des années 1990. Depuis le système monétaire européen rêvé par Giscard dans les années 1970, il faut coûte que coûte maintenir la parité fixe entre le franc français et le mark allemand. Et la conclusion en est aujourd'hui la monnaie unique.

Contrairement aux adversaires systématiques de cette monnaie unique nous ne considérons pas qu'il s'agira obligatoirement d'une catastrophe, SI et SEULEMENT SI nous acceptons en France d'entrer dans la voie de réformes de nature à permettre la mise en place d'un véritable marché unique (qui a presque 15 ans de retard).

Le faisons-nous ?

Ou, au contraire entrerons-nous dans une voie de non-réforme qui entraînera des catastrophes comparables, sous des formes diverses, à la crise de la dollarisation en Asie en 1997 ou à cette crise argentine de l'année 2001.

D'ores et déjà nous pourrions presque "prévoir" sous quel scénario préférentiel pourrait se concrétiser cette crise française. Ce pourrait bien être une crise du système des retraites par répartition. Cette crise a déjà commencé dans les comptes réels des systèmes, et on en diffère l'application, car sur les échéances brutales des dettes des États, les systèmes de retraites par répartition ont au moins un avantage apparent : celui d'être payables en monnaie nationale et d'évoluer en pente douce. Mais désormais il faudra compter avec l'Euro. Et l'avantage apparent a hélas permis depuis plus de 10 ans (au moins depuis le Livre Blanc Rocard de 1991) de différer les prises de décisions à l'après prochaine élection. On a préféré les médecines douces comme la réforme Balladur-Veil de 1993 et la reculade de Juppé face aux régimes spéciaux.

Si nous comparons la France à l'Argentine, il y a 14 millions d'actifs dans ce pays contre un secteur privé équivalent en France. Simplement ces deux secteurs productifs entretiennent des populations singulièrement différentes. La dette globale de l'État Argentin est de 132 milliards de dollars. C'est un stock presque comparable aux flux d'emprunts lancés en France chaque année pour couvrir les déficits publics et honorer les échéances des emprunts précédents.

Il paraît aussi que les marchés financiers ont vu venir de loin la crise argentine.

Ne comparons surtout pas la France à l'Argentine. En France, il n'y a ni tradition "péroniste" ni de "pacte social national". Sous la même appellation de "CGT", il y a tout autre chose.

Est-ce plus rassurant ?

• JGM •

Pour accéder au Courrier précédent