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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

JEUDI 28 FÉVRIER 2002

L'ÉTONNANT MARCHÉ POLITIQUE RÉSULTANT DE L'INSÉCURITÉ URBAINE

L'art de gouverner n'a produit que des monstres (Saint-Just)

On dirait, chaque jour davantage, que certains sujets, tabous depuis quelque 20 ans, viennent maintenant en première page des médiats les plus politiquement corrects. Il en est ainsi du sujet de l'insécurité, comme du sujet démographique sous-jacent à ce qu'on appelle pudiquement la "politique de la Ville", comme d'autres sujets auxquels les autorités françaises semblent plus attentives depuis les attentats nord-américains du 11 septembre qu'au lendemain des attentats de 1995 dans le métro parisien.

La première enquête sur les victimes de la violence urbaine en Île-de-France a été ainsi largement diffusée par les médiats. Basée sur un échantillon sans précédent, comprenant 10 500 entretiens, elle démontre notamment que la plupart des victimes ne portent même plus plainte.

Le sentiment d'insécurité, en Île-de-France, est désormais bien réel. Et c'est cela qui inquiète les hommes de l'État.

Ce sentiment d'insécurité est indépendant de la qualité de victime réelle.

Ainsi le paradoxe — dégagé par les sociologues du Cesdip (Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales) eux-mêmes missionnés par le conseil régional d'Île-de-France — est que les Parisiens, pourtant eux-mêmes plus souvent victimes d'agressions et de vols que les banlieusards, sont moins préoccupés par la délinquance et moins apeurés dans leur vie quotidienne.

Au bout du compte, quand même, plus de 39 % des Franciliens placent la délinquance au premier rang de leurs préoccupations, contre 26 % pour la pauvreté et 25 % pour le chômage.

L'étude cherche un peu lourdement à évaluer le "taux du recours aux forces de l'ordre" par la population.

Il apparaît bien que les victimes ont plus tendance à se retourner vers la police en cas d'atteintes aux véhicules qu'en cas d'agression physique. Le taux de plainte est de 59 % pour un vol de voiture contre 32 % pour une agression.

Un grand nombre de faits échappe donc à la statistique policière.

Pour les agressions, "les raisons de non-déclaration mettent en exergue soit la faible gravité de l'incident (ça n'en valait pas la peine), soit le scepticisme sur l'intervention policière (ça n'aurait servi à rien)", note savamment l'étude.

En fait, de tels ces chiffres n'ont rien de "paradoxal", contrairement à ce que feint de croire Le Monde (27 février).

Dans le cas du vol de voiture ce sont les compagnies d'assurances qui exigent le dépôt d'une plainte. Les journalistes du Monde devraient le savoir.

En aucun cas on ne peut considérer une telle plainte comme un indice de confiance dans les services de l'État.

Non, les Français n'ont pas confiance dans l'État, c'est-à-dire dans la synergie Administration Police Justice, sans d'ailleurs percevoir vraiment les différences existant entre les divers services, sans mesurer, par exemple, le rôle des Procureurs généraux.

Or, le rapport de la Cour des comptes, rendu public ce 25 février, consacré à la politique de la Ville, rapport extrêmement critique, permet de mesurer combien un petit monstre social comme la prétendue "politique de la Ville" permet de détruire la société sous couvert de bonnes intentions.

Le commentaire de la Cour des comptes le plus lapidairement éclairant concerne les "contrats de ville". Ceux-ci, note la Cour, ne comportent aucun but précis. "Ils se présentent plutôt sous la forme de plans d'action […] qui ne répondent souvent qu'à une logique d'affichage".

Cette politique de la Ville était apparue en 1977 sous prétexte de réhabiliter les cités HLM dégradées.

Or, en 25 ans, l'intervention de la puissance publique dans les zones urbaines sensibles s'est tellement développée qu'elle concerne désormais 27 millions de personnes en métropole.

En 1998, voilà comment le gouvernement définissait cette politique : "Garantir le pacte républicain sur tout le territoire ; assurer la cohésion sociale dans nos villes ; mobiliser autour d'un projet collectif ; construire un nouvel espace démocratique avec les habitants." Le caractère ténébreux d'un tel jargon en dit long.

La vérité vraie, même le Monde l'a comprise : la politique française dite de "la Ville" n'obéit à aucun but précis…

Entre temps, en 1983, le grand architecte Roland Castro fut chargé de la mission Banlieues 89, — "89" est, comme on sait, dans notre pays à la fois un chiffre magique et symbolique, c'est une sorte de mot de passe — et le portefeuille du ministère de la Ville eut même pour éphémère détenteur le grand humaniste français Bernard Tapie auquel nous devons, paraît-il, la réhabilitation de l'entreprise dans la Cité.

Bref, la gauche caviar s'est emparée du marché.

Tel est en effet l'axiome fondamental du "néo keynésianisme" social démocrate : Là où il y a de l'argent à redistribuer il y a toujours moyen de se servir au passage.

Chose inouïe, la Cour des comptes, dont telle semble être pourtant une des missions, semble incapable d'évaluer vraiment le volume des aides financières accordées aux quartiers déshérités.

Au début des années 1990, le Parlement avait demandé que soit établi un rapport "relatif au montant et à l'utilisation de l'ensemble des crédits consacrés à la politique des villes et du développement urbain".

Pour faire semblant de donner satisfaction au parlement, l'administration produit donc chaque année depuis 1991, un "jaune budgétaire" annexé à la loi de finances

Ces documents, qui ont changé tous les ans de mode de présentation, n'ont aucune valeur comptable, même du point de vue rustique de la comptabilité publique française qui ne sait pas faire la différence entre un compte d'exploitation et un bilan.

Par exemple pendant plus de 10 ans, l'évaluation de l'effort financier de la nation en faveur de la politique de la Ville a présenté sur le même plan des dépenses définitives et de simples prêts, par définition remboursables. Ces derniers, émanant de l'omniprésente Caisse des dépôts et consignations représentent près de 20 % de l'ensemble.

En dépit de nombreuses autres anomalies, on peut sinon avancer un chiffre précis, du moins approximer entre 7 et 8 milliards d'euros le coût annuel de cette politique de dépenses, sans doute lucratives pour certains, mais sans buts réels pour la collectivité.

Or, la moitié de cette somme, si elle était allouée à la Police et à la Justice suffirait sans doute, avec quelques mesures gratuites mais décisives, telles que la désignation démocratique des Procureurs généraux, à remettre de l'ordre dans le pays et à clore le débat sur la sécurité — dont on a tout à redouter sachant les prouesses coutumières à ceux qui s'en sont emparés ces derniers temps.

JG Malliarakis
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