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COURRIER DES LIBERTÉS SOCIALES

VENDREDI 1er MARS 2002

EST-IL SÉRIEUX DE PRENDRE AU SÉRIEUX LES PROMESSES ÉLECTORALES ?

Ci-dessus : Le Carnaval de Rio

Est-il sérieux de le prendre au sérieux ?

Le discours, prononcé par M. Chirac, à Saint-Cyr-sur-Loire ce 27 février, sans avoir constitué un chef-d'œuvre de la littérature française du siècle commençant, pourrait bien un jour être assez exactement qualifié de refondateur. Plus de 7 ans après sa brillante campagne de 1994-1995, où, partant avec un grave handicap, il avait su donner l'illusion d'une intention réformatrice, le président sortant y a contribué à fabriquer un effet d'affichage.

Promettant d'alléger de 33%, sur 5 années de mandat présidentiel à venir, le montant de l'impôt sur le revenu, déclarant gracieusement nécessaire de baisser les charges supportées par les entreprises, l'orateur, — qui s'était auto-proclamé garant personnel de la sécurité sociale en septembre 1995 pour le 50 anniversaire de son monopole, — a surtout fait sourire, à la fois ses adversaires et les quelques observateurs objectifs de ce dossier. Refondation littérale, retour aux actes originels, ce discours électoral restera peut-être paradigmatique de la question des promesses électorales. Ce n'est donc pas prendre parti dans la campagne électorale, ce n'est pas en dénigrer l'auteur, c'est même lui rendre une sorte d'hommage que de l'analyser selon le devoir de Mémoire au sens strict, c'est-à-dire selon la vérité historique objective.

Force est en effet de constater qu'entre la réalité de ce que fut et de ce que fit le gouvernement Juppé (1995-1997) et les promesses de la campagne précédente (1994-1995) un décalage notable est apparu.

Faut-il rappeler par exemple que l'un des principaux leitmotivs de la campagne avait été "trop d'impôt tue l'impôt", décliné sur tous les tons de l'octoèque liturgique. Ce slogan résumait ce que les économistes libéraux appellent "l'effet Laffer". On avait alors utilisé les services d'un défenseur de la pensée économique, Alain Madelin, populaire auprès des chefs d'entreprises, député maire de Redon et alors animateur du mouvement Idées Action. Le malheureux s'était vainement époumoné, ministre des Entreprises, seul contre tous, à prêcher la réforme, au sein du gouvernement Balladur (1993-1995). Il avait même cherché à mettre ses idées en application par "sa" Loi Initiative et Entreprise individuelle de février 1994. Or, cette loi avait été sabotée par les décrets d'application imposés discrètement en septembre.

Une fois élu, M. Chirac fit de Juppé son Premier ministre, et de Madelin, pour quelques semaines, son ministre des Finances.

Soulignons que, si on se base sur les sondages les plus récents, on observe que le "poids électoral du concept Madelin", au sens strict, c'est-à-dire désormais le pourcentage d'électeurs français plaçant la réforme libérale de l'économie au premier rang de leurs préoccupations et de leurs urgences, s'évalue manifestement entre 4 et 4,5 % de l'électorat. En arrachant ces voix au candidat Balladur pour les placer sur le candidat Chirac, le chef de file des libéraux français ne pouvait pas recevoir moins, puisque sans lui, M. Chirac serait retourné à ses poubelles vertes et aux véhicules ramasse crottes de la voirie parisienne.

Cette promotion, politiquement inévitable, fut immédiatement entravée par l'imposition d'un Directeur de cabinet agréé par l'administration, l'énarque Lemierre.

Puis vint le temps des décisions.

Comme on se préparait à l'union monétaire européenne, on déplora l'état totalement délabré des Finances publiques françaises laissées par MM. Balladur et Alphandéry, eux-mêmes ayant aggravé l'héritage transmis par le malheureux Bérégovoy.

Alors, on entreprit de combler le déficit en recourant à une arithmétique comptable sommaire. Celle-ci ignore, évidemment, "l'effet Laffer". Ou, quand elle n'en ignore pas l'existence, elle le récuse. Pour elle, la démarche logique rigoureuse est d'augmenter le taux d'imposition, en espérant une augmentation strictement proportionnelle des recettes, et sans en comprendre l'effet négatif sur la masse imposable. Et on préféra alors commencer par la TVA. Pour convaincre les braves électeurs libéraux on confia au nouveau ministre des Finances le soin d'expliquer cette hausse la TVA de 2 points, contraires à ses propres convictions personnelles, et contraire aussi aux promesses du candidat Chirac.

Nous gardons un souvenir très précis (1) de la réunion au cours de laquelle M. Madelin se crut obligé de convaincre les sympathisants d'Idées Action du bien-fondé de cette politique, à laquelle il ne croyait pas lui-même.

Le grand argument avancé était qu'on augmentait la TVA de 18,6 à 20,6 à titre PROVISOIRE, le temps de rétablir les Finances ; après quoi, on allait voir ce qu'on allait voir.

Depuis juin 1995, le provisoire s'est installé. Le délabrement des Finances ne s'est jamais rétabli ni sous Arthuis, ni sous Strauss-Kahn, ni sous Sautter, ni sous Fabius.

Et on n'a rien vu.

Ou plutôt, on a compris dès juillet 1995, que M. Madelin n'était là que pour la galerie.

En août, il démissionna, étant trop clairement en désaccord avec Juppé.

Comment ne pas être porté à croire, que les mêmes causes produisent les mêmes effets, lorsqu'elles sont gérées par les mêmes personnages ? Comment prendre au sérieux leurs promesses électorales ?

JG Malliarakis

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(1) Je crois faire preuve ici d'honnêteté intellectuelle en joignant au présent article le texte "Le Pari du ministre" que j'avais écrit à l'époque. Je n'en veux pas à M. Madelin d'avoir cherché à me convaincre. Je m'en veux de m'être laissé momentanément persuader…

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